« espérer », définition dans le dictionnaire Littré

espérer

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

espérer

(è-spé-ré. L'accent aigu se change en accent grave, quand la syllabe qui suit est muette : j'espère, excepté au futur et au conditionnel : j'espérerai, j'espérerais) v. a.
  • 1Attendre un bien qu'on désire et que l'on entrevoit comme probable. On doit tout espérer d'un monarque si juste, Boileau, Sat. I. J'avais espéré que Monseigneur achèverait la campagne, Saint-Simon, 2, 38. Je lui fais espérer la grâce de Séide, Voltaire, Fanat. v, 1. Lève-toi, cher appui qu'espérait ma vieillesse, Voltaire, Brut. v, 7.

    Espérer avec de, et un infinitif. J'espérais d'avoir de quoi te satisfaire et répondre à tes dernières lettres, Pascal, Lett. Jacqueline, 26 janv. 1648. Il espéra de contenter son ambition, Bossuet, Hist. I, 8. Hélas ! puis-je espérer de vous revoir encore ? Racine, Brit. II, 6. J'espérais de verser mon sang après mes larmes, Racine, Bérén. I, 4. Que pouvez-vous offrir à l'Église dont elle puisse espérer de faire quelque usage pour la gloire de Jésus-Christ et le salut de ses enfants ? Massillon, Conf. Vocat. I. Ils espèrent de jouir d'un paradis où ils goûteront mille délices, Montesquieu, Lett. pers. 35.

    Espérer avec un infinitif, sans préposition. J'espérais y régner sans effroi ; Moines, abbés, prieurs, tout s'arme contre moi, Boileau, Lutr. II. Il espère revivre en sa postérité, Racine, Esth. II, 9.

  • 2Espérer quelqu'un, espérer sa venue, sa présence. Je lis, je me promène, je vous espère ; gardez-vous de me plaindre, Sévigné, 306.
  • 3 Absolument. Espérez et prenez courage. Il n'y a point d'homme plus aisé à mener qu'un homme qui espère ; il aide à la tromperie, Bossuet, Pensées chrét. 24. Après cinq ans d'amour et d'espoir superflus Je pars fidèle encor, quand je n'espère plus, Racine, Bérén. I, 2. Il n'y a guère de personnes à qui il n'en coûte cher pour avoir trop espéré, Fénelon, Éduc. filles, 12. S'il pouvait se montrer, j'espérerais encore, Voltaire, Tancr. I, 6.

    Espérer en, avoir confiance. Espère en ton courage, espère en ma promesse, Corneille, Cid, v. 8. …Dieu veut qu'on espère en son soin paternel, Racine, Ath. I, 2. Souvenez-vous d'un fils qui n'espère qu'en vous, Racine, Phèd. II, 5. En l'appui de Jéhu pourriez-vous espérer ? Racine, III, 6.

    Espérer à. N'espérons plus, mon âme, aux promesses du monde, Malherbe, I, 3. Mais espérez au ciel qui vous a fait si belle, Rotrou, St Genest, I, 1. Mais j'espère aux bontés qu'une autre aura pour moi, Molière, Tart. II, 4. Il faut espérer à sa grande jeunesse, Sévigné, 114. J'espère au changement de climat, Sévigné, 562. Pour moi j'espère à M. de Grignan, Sévigné, Lett. 11 nov. 1676. On espère à ce bienheureux héritage, Bossuet, Var. 3.

    Espérer de, avec une personne pour régime. Ceux de qui j'espérais sont tous mes ennemis, Voltaire, Irène, IV, 5.

    Espérer bien de, avec un nom de chose pour régime, avoir bonne espérance qu'une chose se fera. Saint Ambroise, que le jeune empereur avait mandé pour recevoir de lui le baptême, déplora sa perte [il avait été tué avant d'être baptisé] et espéra bien de son salut, Bossuet, Hist. I, 11.

REMARQUE

1. Après espérer, le que régit le futur quand la phrase est affirmative, et le subjonctif quand elle est négative ou interrogative : J'espère que vous le ferez ; je n'espère pas que vous le fassiez ; espériez-vous que je le fisse ? Cependant, dans la phrase interrogative, on peut mettre aussi le futur : Espérez-vous que je le fasse ou que je le ferai ?

2. Quand espérer est à l'imparfait ou au plus-que-parfait, c'est non du futur, mais du conditionnel, que l'on se sert : J'espérais qu'il viendrait ; j'avais espéré qu'il serait venu.

3. Des grammairiens ont condamné espérer avec le présent. Cependant ce verbe, présentant seulement l'idée d'une chose douteuse, peut être suivi d'un verbe au présent ou au passé : J'espère qu'il travaille ; j'avais espéré qu'il travaillait. J'espère que Pauline se porte bien, Sévigné, dans GIRAULT-DUVIVIER. J'espère Que le vin opère ; Oui tout est bien même en prison, Béranger, Guérison.

4. Espérer, en Picardie et dans tout l'Ouest, a simplement le sens d'attendre : J'espère la diligence.

HISTORIQUE

XIe s. Danz Alexis entrat en une nef, Ourent [ils eurent] lur vent, laisent curre par mer ; An dreit Taison espeirent arriver, St Alexis, XXXIX.

XIIe s. Tu es escuz à tous ces qui espeirent en tei, Rois, 208. Et s'il vousplaist à oïr mapriere, Ainsi com je l'espoir, Couci, XVIII.

XIIIe s. La teue [ta] misericorde soit faite seur nos, si come nos esperames en toi, Psautier, f° 191.

XVe s. Ceux dont il esperoit à avoir profit, Froissart, I, I, 75. J'espoire bien que demain nous aurons besogne [paroles de Philippe d'Artevelle aux capitaines flamands], Froissart, II, II, 191. Pour la joie qu'elle eut que son mari n'estoit point si mal ne si devoyé qu'elle esperoit [craignait], Louis XI, Nouv. LIX.

XVIe s. Celuy qui se treuve en ce danger ne doibt pas beaucoup esperer ny de sa force ny de sa vigilance, Montaigne, I, 33. J'espere que nous en quitterons l'usage, Montaigne, I, 362. Lorsqu'aprez une longue queste la beste vient à se presenter où nous l'esperions le moins, Montaigne, II, 127. On ne doibt point defendre aux gens de bien d'esperer honneur de leurs vertueux faicts, Amyot, Préf. VI, 32. Joyeux de ceste prosperité non esperée, Amyot, Timol. 18. …Ne jamais l'homme heureux n'espere De se voir tomber en meschef, Sinon alors que la misere Desjà lui pend dessus le chef, Ronsard, 409.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, espèrer, attendre ; Berry et normand, espérer, attendre : il espère à chaque instant la fièvre ; provenç. et espagn. esperar ; ital. sperare ; du latin sperare.