« fatal », définition dans le dictionnaire Littré

fatal

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

fatal, ale

(fa-tal, ta-l') adj.
  • 1Qui porte avec soi une destinée irrévocable. Le tison fatal de Méléagre. Vint enfin le moment du festin fatal de la reine [Esther], dont le favori [Aman] s'était tant enorgueilli, Bossuet, Polit. X, III, 5. Il [Hippolyte] a pour tout le sexe une haine fatale, Racine, Phèd. III, 1. Scylla, pour obliger Minos, coupa ce cheveu fatal [de Nisus] et en fit présent à son amant, Voltaire, Dict. phil. Terelas.

    En ce sens, aujourd'hui, fatal ne s'emploie que absolument ; mais, au XVIIe siècle, il comportait la préposition à et un complément. La femme est une mer aux naufrages fatale, Malherbe, VI, 25. Cette parole… continua l'opinion qu'on avait, que l'Afrique était fatale à la gloire des Scipions, Malherbe, les Épît. de Sénèque, XXIV. C'était une chose fatale à la race de Brutus de délivrer la république, Vaugelas, Rem. Cette saison est fatale pour abattre les têtes qui paraissaient le plus au-dessus des autres, Guez de Balzac, liv. I, lett. 10. Quand on l'emploie dans cette signification, il faut que la phrase soit tournée fort clairement, comme celle-ci : Le nom des Scipions était fatal à l'Afrique, pour dire, il était comme inévitable aux Africains d'être vaincus par les Scipions, Acad. Observ. sur Vaugelas, p. 456.

    Terme d'antiquité romaine. Livre fatal, livre sibyllin, recueil de prédictions.

  • 2Marqué par le destin. L'instant fatal. Et par d'heureux exploits forçant la destinée, Trouveront d'Ilion la fatale journée, Racine, Iphig. IV, 6. Tant de précautions contre mon jour fatal Me rendraient méprisable et me défendraient mal, Voltaire, M. de César, II, 5.

    L'heure fatale, l'heure de la mort. Le roi qui s'en souvint à son heure fatale, Corneille, Pomp. I, 3. La reine touche presque à son terme fatal, Racine, Phèd. I, 2.

    La barque fatale, la barque dans laquelle le polythéisme raconte que les âmes des morts traversaient l'Achéron pour entrer dans les enfers.

  • 3Qui entraîne avec soi quelque suite importante, en bien ou en mal. Le moment fatal qui doit me rendre à jamais heureux ou malheureux. Qui devait… De ce fatal accouplement Célébrer l'heureuse journée, Malherbe, IV, 5.
  • 4Qui produit du mal, des malheurs. Mais le voici ce bras à Rome si fatal, Corneille, Nicom. III, 2. Le moindre amusement [retard] vous peut être fatal, Molière, Tart. v, 6. Sans ce métier fatal au repos de ma vie, Mes jours pleins de loisir couleraient sans envie, Boileau, Sat. II. Après m'être longtemps flatté que mon rival Trouverait à ses vœux quelque obstacle fatal, Racine, Bérén. I, 2. Et sa race toujours fut fatale à la vôtre, Racine, Esth. III 1. Leur résistance avait été fatale à une partie des gens d'Alvaro Ponce, Lesage, Diable boit. 15. Enfin, vaincue, entraînée, ne sachant où on la mène, elle se laisse conduire au souper fatal, Voltaire, Ingénu, 17. Un frisson la saisit, elle se soutenait à peine : ah ! madame, dit-elle à la fatale amie, vous m'avez perdue, vous me donnez la mort, Voltaire, ib. 19.

    Le coup fatal, le coup qui donne la mort.

  • 5 Terme de commerce. Terme fatal, le terme après lequel tout délai expire.

REMARQUE

Fatal n'a point de pluriel. L'oreille repousse aujourd'hui fataux, qui se disait au XVIe siècle, et la grammaire repousse fatals. Boursault s'est moqué de cette contradiction : Ces bras te deviendront ou fatals ou fataux, Boursault, Merc. galant. IV, 7. Et Voltaire à sa suite : S'ils n'insèrent pas dans l'ouvrage les cartons nécessaires, je demanderai net la saisie des exemplaires fataux ou fatals, Voltaire, Lett. d'Argental, 9 avril 1763. Cependant des écrivains n'ont pas été découragés par cet arrêt, et ont dit fatals, qui est en effet la forme la moins désagréable, et que l'Académie inscrit en disant qu'il est peu usité. …L'ambition, l'amour, Par de fatals excès ont troublé cette cour, Ducis, Hamlet, III, 2. Leurs États l'un par l'autre avec soin limités Furent des lots fatals trop tôt ensanglantés, Lemercier, Frédég. et Br. IV, 1.

SYNONYME

FATAL, FUNESTE. Étymologiquement, fatal exprime ce qui est réglé par l'irrévocable destin ; funeste, ce qui est funéraire, funèbre. Ce n'est donc que secondairement que fatal a le sens de funeste, et alors il s'en distingue parce qu'il porte toujours en soi l'idée de la fatalité.

HISTORIQUE

XVIe s. Comme les lieux sont fataux, D'Aubigné, Faen. III, 7. Les ans climateriques seroient fataux, Pontus de Tyart, Disc. du temps, f° 32, dans LACURNE. Le jour de la Pentecoste fut deux fois fatal au roy Henri III, eleu roi de Pologne ce jourlà en 1573, et devenu roi de France le mesme jour, Pasquier, Lettres, t. I, p. 371.

ÉTYMOLOGIE

Lat. fatalis, de fatum, destin, proprement ce qui est dit, prononcé, de fari, dire (voy. FABLE).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

FATAL. Ajoutez : - HIST. XIVe s. La discipline etrusque ainsi est et a esté baillée en leur livres fataux, que…, Bercheure, f° 102, verso.