« fugitif », définition dans le dictionnaire Littré

fugitif

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

fugitif, ive

(fu-ji-tif, ti-v') adj.
  • 1Qui s'enfuit, qui s'est échappé. Il n'appartient pas aux esclaves fugitifs qu'il faut aller reprendre par force, de s'asseoir au festin avec les enfants et les amis, Bossuet, Anne de Gonz. Je cours et je ne vois que des troupes craintives D'esclaves effrayés, de femmes fugitives, Racine, Bajaz. V, 9.

    Fig. Ceux qui ont la fortune chez eux ont raison de demeurer tous autour d'elle ; mais ceux de la maison desquels elle est fugitive…, Descartes, Lett. à Élisabeth, t. IX, p. 372, éd. COUSIN. Hommes errants, hommes vagabonds, déserteurs de votre âme et fugitifs de vous-mêmes, Bossuet, Sermons, Vérit. conversion, 1. Quelle voix salutaire ordonne que je vive, Et rappelle en mon sein mon âme fugitive ? Racine, Esth. II, 7. Ah ! si dans ces instants où l'âme fugitive S'élance et veut briser le sein qui la captive…, Lamartine, Méd. I, 5.

    Terme d'alchimie. L'esclave fugitif, le mercure.

  • 2Banni, chassé de son pays. Une reine fugitive qui ne trouve aucune retraite dans trois royaumes, Bossuet, Reine d'Anglet. Troupes fugitives, Repassez les monts et les mers, Rassemblez-vous des bouts de l'univers, Racine, Esth. III, 9. Et toi, malheureux Jurieu, fugitif de ton village, tu voulus opprimer le fugitif Bayle dans son asile et dans le tien, Voltaire, Petit comm. sur l'éloge du dauphin. C'est le duc des Lorrains, c'est l'illustre René ; Trahi, vaincu par Charle, abandonné des princes, Il errait fugitif, chassé de ses provinces, Masson, Helvét. VI.

    Substantivement. Un fugitif, un traître, un meurtrier de rois, Corneille, Médée, II, 6. Si pour briser les fers de son peuple captif Rome n'eût envoyé ce noble fugitif, Corneille, Sertor. II, 1. On poursuit les fugitifs à la lueur de l'embrasement, Voltaire, Mœurs, 138.

  • 3Il se dit des choses qui passent et s'éloignent rapidement. Une ombre fugitive. L'onde fugitive. Qui de vous ne m'a point sacrifié une partie considérable de ce trésor fugitif [le temps] dont on ne peut réparer la perte ? De la Visclède, dans DESFONTAINES. Mais les fugitives pensées Ne suivent plus tes flots errants, Comme ces feuilles dispersées Que ton onde emporte aux torrents, Lamartine, Harm. II, 5.
  • 4Peu durable. Des flammes vengeresses vont punir durant l'éternité l'erreur fugitive d'un songe agréable, Massillon, Carême, Mauv. riche. À ces biens fugitifs votre amour doit survivre, Delavigne, Paria, II, 5. De son pieux espoir son front gardait la trace ; Et sur ses traits frappés, d'une auguste beauté, La douleur fugitive avait empreint sa grâce, La mort sa majesté, Lamartine, Méd. II, 22. Un monde… Où tout est fugitif, périssable, incertain, Où le jour du bonheur n'a pas de lendemain, Lamartine, ib. I, 18. Aimons donc, aimons donc ! de l'heure fugitive, Hâtons-nous, jouissons, Lamartine, ib. I, 13.
  • 5 Terme de littérature. Pièces fugitives, petits ouvrages d'esprit qui, ayant trop peu d'étendue pour former un volume, sont exposés à disparaître au bout de peu de temps à cause de leur petitesse.

    Poésies fugitives, pièces fugitives, petites pièces de vers sur des sujets légers.

SYNONYME

FUGITIF, FUYARD. Ces deux adjectifs dérivent d'un même radical ; mais le suffixe en distingue le sens. Le fugitif est celui qui s'échappe, qui s'enfuit ; le fuyard est celui qui est en fuite. Après des massacres dans une ville, les routes sont encombrées de fugitifs ; après la défaite d'une armée, les routes sont encombrées de fuyards. De plus, dans fuyard, grâce au suffixe, il y a un sens péjoratif qui n'est pas dans fugitif.

HISTORIQUE

XIIe s. Sire, funt-il, à vus se plaint li reis Henris E d'un des plus hauz hommes de trestut sun païs, Qui s'en est d'Engleterre nuitantre alez fuitis, Th. le mart. 53.

XIIIe s. Sers est fuitis qui par cause de fuie va hors de la meson son seigneur por celer soi à lui, Digeste, 235. Eneas… Las et fuitis du biau païs De Troie, dont il fu naïz, la Rose, 13383. Li pleges doit ravoir le sien, et li fuictis doit estre justiciés comme atains du fet, Beaumanoir, XLIII, 25.

XIVe s. Fugitif de son propre pays, Bercheure, f° 27, verso.

XVe s. Et le preux et vaillant mareschal… rassembla ses gens, et ne voult mie que longuement suivissent les fugitifs, Boucic. II, 17. Je crois que le travail qu'il [Louis XI] eut en sa jeunesse quant il fut fugitif de son pere et fuyt soubs le duc Philippe de Burgongne où il fut six ans, luy vallut beaucoup, Commines, I, 10.

XVIe s. Lorsque Themistocles se retira fuitif de la Grece en la cour de Perse, Amyot, Épit. Ilz amasserent bonne trouppe d'hommes vagabonds, et de serfz fugitifs qu'ilz desbauchoient eulx-mesmes, Amyot, Rom 7. Ils laissent toute l'authorité à la parole de Dieu, appellans ceus qui se sauvent à autre azyle, fugitifs de la raison, D'Aubigné, Hist. I, 65. Quand je revis ce que j'ay tant aimé, Peu s'en fallut que mon feu rallumé N'en fist l'amour en mon ame renaistre, Et que mon cœur, autrefois son captif, Ne ressemblast l'esclave fugitif à qui le sort fait rencontrer son maistre, Bertaut, Stances.

ÉTYMOLOGIE

Prov. fugitiu, fuidiu, fugdiu ; catal. fugitiu ; espagn. fugitivo ; ital. fuggitivo ; du latin fugitivus, de fugere, fuir. La forme française était fuitif ; fugitif a été refait au XIVe siècle sur le latin ; pourtant fuitif resta usité jusque dans le XVIe siècle ; et même on le trouve dans Scarron : Et ses méchantes eaux sans rives Font des pauvres brebis fuitives Un étrange salmigondis, Scarron, Virg. II.