« glaive », définition dans le dictionnaire Littré

glaive

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

glaive

(glê-v') s. m.
  • 1Épée tranchante (usité surtout en poésie et dans le style soutenu). J'ignore si de Dieu l'ange se dévoilant Est venu lui montrer un glaive étincelant, Racine, Athal. II, 2. Quand l'arrêt du destin eut, durant quelques jours, à tant de cruautés permis un libre cours, Et que des assassins, fatigués de leurs crimes, Les glaives émoussés manquèrent de victimes, Voltaire, Henr. III.

    Dans l'Écriture, celui qui frappera du glaive périra par le glaive.

    Fig. Il étale à son tour des revers équitables Par qui les grands sont confondus ; Et les glaives qu'il tient pendus Sur les plus fortunés coupables, Sont d'autant plus inévitables Que leurs coups sont moins attendus, Corneille, Polyeucte, IV, 2. Glaive du Seigneur, quel coup vous venez de frapper [la mort de la reine] ! toute la terre en est étonnée, Bossuet, Marie-Thér. Le glaive qui a tranché les jours de la reine est encore levé sur nos têtes ; nos péchés en ont affilé le tranchant fatal : le glaive que je tiens en main, dit le Seigneur notre Dieu, est aiguisé et poli ; il est aiguisé afin qu'il perce ; il est poli et limé afin qu'il brille, Bossuet, ib. En acceptant le glaive de douleur, dont Siméon lui prédit que son âme sera percée, Bourdaloue, Purif. de la Vierge, Myst. t. II, p. 179. De quel glaive de douleur son âme ne fut-elle pas percée ? Massillon, Panég. Magd.

  • 2La guerre, les combats. Le glaive peut seul décider entre ces deux rivaux.
  • 3Le droit de vie et de mort. Le souverain a la puissance du glaive. Le glaive des lois. Le glaive de la vengeance. Le glaive temporel, la justice séculière. Contre qui s'armer, contre qui tirer le glaive de la justice ? Patru, Plaid. 7. Puisqu'il permet l'exercice de la puissance du glaive dans les matières de la religion et de la conscience, Bossuet, Var. X, § 56. Qu'à la fureur du glaive on le livre avec elle, Racine, Athal. V, 6. Le meurtre de Calas, commis dans Toulouse avec le glaive de la justice le 9 mars 1762, est un des plus singuliers événements qui méritent l'attention de notre âge et de la postérité, Voltaire, Polit. et législ. Tolér. Hist. de la mort de Calas.

    Anciennement. Droit de glaive, droit de connaître des crimes qui méritent la peine de mort, ou une autre peine afflictive.

  • 4Le glaive spirituel, la juridiction de l'Église, le pouvoir qu'a l'Église d'excommunier. Qu'elle est forte cette Église, et que redoutable est le glaive que le Fils de Dieu lui a mis dans la main ! mais c'est un glaive spirituel dont les superbes et les incrédules ne ressentent pas le double tranchant, Bossuet, le Tellier.

    En un autre sens. Le feu est allumé, l'encens est prêt, le glaive est tiré ; le glaive est la parole qui sépare l'âme d'avec elle-même, pour l'attacher uniquement à son Dieu, Bossuet, la Vallière.

  • 5Le glaive de la parole, le pouvoir de l'éloquence. Ce n'est pas ma faute si sa parole [de J. J. Rousseau], puissante comme le glaive et comme le feu, agitait les âmes de ses contemporains, Villemain, Littér. fr. 18e s. 2e partie, 2e leçon. D'un autre Sinaï fais flamboyer la cime, Retrempe au feu du ciel la parole sublime, Ce glaive de l'esprit émoussé par le temps, Lamartine, Harm. IV, 12.
  • 6 Terme d'antiquité romaine. La profession de gladiateur. Condamner au glaive.
  • 7 Terme du moyen âge. Lance.

    Glaive courtois, lance sans fer tranchant. Le traité des chevaliers de la Table ronde dit que les chevaliers ne portaient nulles épées, fors glaives courtois, qui étaient de sapin ou d'if, avec courts fers, sans être tranchants ni émoulus, Du Cange, sur Joinville, p. 169, dans LACURNE.

  • 8L'espadon, poisson.

HISTORIQUE

XIIe s. De cest glaive, de cest esfrei Parla chascuns mult endreit sei, Benoit de Sainte-Maure, V. 6073. Kar reis Aigrouz od ses Daneis A fait cest gleive [carnage] de Franceis, Benoit de Sainte-Maure, V. 16922.

XIIIe s. Tous ces que tu ne conois, soupeçonne que il soient ti ennemi… se il porte glaive [lance], va à sa destre, et se il porte espée, va à senestre, Latini, Trésor, p. 360. Et portoient un glaive vert à un long fier [fer] de Bohaigne, H. de Valenciennes, VII. Outre le pont de fer s'est li bers arestus, Dist à ses compaignons : de Dieu aiés vertus ; Ancui ferons grans glaives des cuivers mescreüs, Nous lor torrons [enlèverons] les testes aus brans d'acier molus, Ch. d'Ant. VIII, 233. Là fu navré [blessé] mons Hugue d'Escos de trois glaives [lances] au visage, et monseigneur Raoul et monseigneur Ferri de Loupey d'un glaive parmi les espaules, Joinville, 225.

XIVe s. Quant il orent emploié leurs glaives, il sachierent leurs espées et commencerent à ferir à destre et à senestre, Modus, ms. f° 299, dans LACURNE.

XVe s. … Et se consuivirent sur les heaumes et se donnerent grands horions ; et passerent outre et porterent leurs glaives toutes droites, Froissart, III, IV, 12.

XVIe s. Un glaive, comme l'on dist, ou couteau Fait tenir l'autre en son fourreau, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 431.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. glai, glay, glavi, glazi ; portug. glavio ; ital. gladio ; du latin gladius. Glaive avait généralement le sens de lance, comme étant l'arme par excellence des chevaliers, et, figurément, le sens de carnage.