« infâme », définition dans le dictionnaire Littré

infâme

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

infâme

(in-fâ-m') adj.
  • 1Qui s'est diffamé dans l'opinion publique. Mais qui peut vivre infâme est indigne du jour, Corneille, Cid, I, 8. Qui, tant que sa poursuite a cru m'avoir infâme, Ne m'a point souhaitée en qualité de femme, Rotrou, Venc. II, 1. Et toi, Neptune, et toi, si jadis mon courage D'infâmes assassins nettoya ton rivage, Racine, Phèdre, IV, 2. En vain Descartes avait épuisé son génie à rassembler les preuves de la divinité, et à en chercher de nouvelles ; ses infâmes ennemis le comparèrent à Vanini dans un écrit public, Voltaire, Siècle de Louis XIV, Écrivains, Descartes. Ce secret qui pesait à son infâme cœur, Voltaire, Zaïre, IV, 5. Les infâmes courtisans du plus infâme des princes, Diderot, Claude et Nér. I, 83.

    Qui a mauvaise réputation, qui est célèbre en mauvaise part (sens latin, aujourd'hui inusité). Heureux qui n'est point attaché à cet écueil [la cour], infâme de tant de naufrages ! Patin, Lettres, t. II, p. 421.

  • 2Qui est diffamé, flétri par les lois. Il y a des châtiments qui rendent infâme. Ceux qui sont réputés infâmes par la loi ne peuvent être admis en témoignage. Un acteur, une actrice, gens infâmes même selon les lois des hommes, Massillon, Carême, Élus. Esopus et Roscius [acteurs à Rome] n'étaient pas des sénateurs romains, il est vrai ; mais le flamen ne les déclarait point infâmes, et on ne se doutait pas que l'art de Térence fût un art semblable à celui de Locuste [célèbre empoisonneuse], Voltaire, Dict. phil. Police des théâtres.

    Terme d'ancienne jurisprudence. Infâme de droit, celui qui avait subi, par jugement, une peine infâme. Infâme de fait, celui qui exerçait une profession réputée infâme, comme le bourreau, les tortionnaires, les comédiens.

    En parlant des choses qui entraînent la flétrissure légale. La condition des comédiens était infâme chez les Romains, La Bruyère, XII. Tout bas commerce était infâme chez les Grecs, Montesquieu, Expr. II, 8. Il y a des fonctions infâmes, malheureusement nécessaires au bon ordre de la société, Diderot, Claude et Nér. I, 51.

  • 3Il se dit des choses qui entraînent la flétrissure morale. L'abandonnerez-vous à l'infâme couteau Qui fait choir les méchants sous la main d'un bourreau ? Corneille, Hor. V. 3. N'attendez pas de moi d'infâmes repentirs, Corneille, Cinna, V, 1. La mort la plus infâme, ils l'appellent martyre, Corneille, Poly. III, 4. Les infâmes projets de ses assassinats, Corneille, Nicom. III, 4. Malgré la défection de tant de sujets, malgré l'infâme désertion de la milice, Bossuet, Reine d'Anglet. Depuis le jour infâme Où de mon propre fils je me trouvai la femme, Racine, Théb. III, 2. À la porte d'Aman est déjà préparé D'un infâme trépas l'instrument exécrable, Racine, Esth. III, 4. J'ai su qu'il a mené une vie infâme ; mais pourquoi as-tu négligé son éducation ? Fénelon, Dial. de morts anc. Antonin et Marc Aurèle.

    Lieu infâme, lieu de prostitution. Cymodocée est condamnée aux lieux infâmes ; Hiéroclès l'y attend, Chateaubriand, Mart. XXII.

  • 4Il se dit quelquefois, par exagération, de ce qui est messéant, indigne. En effet tous ces soins sont des choses infâmes : Sommes-nous chez les Turcs pour renfermer les femmes ? Molière, Éc. des mar. I, 2. Avec un si bon dos, ma foi, monsieur Loyal, Quelques coups de bâton ne vous siéraient pas mal. - On pourrait bien punir ces paroles infâmes, Ma mie, et l'on décrète aussi contre les femmes, Molière, Tart. V, 4.

    On l'applique aussi en ce sens aux personnes. N'êtes-vous point trop bonne d'avoir écrit à Mlle de Méri ? mon Dieu, je lui ai écrit aussi ; que deviendra tout cela ? elle fera de grands cris, et vous trouvera trop généreuse, comme vous l'êtes en effet, et moi bien vilaine, bien crasseuse, bien infàme, Sévigné, 12 juill. 1690.

  • 5Sale, malpropre. On le logea dans un taudis infâme. Vous avez là un habit infâme.
  • 6 S. m. et f. Celui, celle qui a fait des choses flétries par la loi ou par la morale. Les infâmes ne sont pas reçus en témoignage. Ne me parlez jamais en faveur d'un infâme, Corneille, Hor. IV, 1. Épouse-la, parjure, et fais-en une infâme, Corneille, Perth. I 4. Croyez-vous que ce nous soit une gloire d'être sortis d'un sang noble, lorsque nous vivons en infâmes ? Molière, D. Juan, IV, 6. Qu'importe qu'en tous lieux on me traite d'infâme ?… Dans mon coffre, tout plein de rares qualités, J'ai cent mille vertus en louis bien comptés, Boileau, Épître V. Il accorde sa confiance à deux jeunes infâmes d'une rare beauté, Othon et Sénécion, liés entre eux d'une amitié suspecte, Diderot, Claude et Néron, I, 48.

    Par exagération. Un infâme, une personne qui mérite les plus graves reproches. C'est bien à vous, infâme que vous êtes, à vouloir faire l'homme d'importance, Molière, Préc. 14.

HISTORIQUE

XIVe s. Il n'est cueur [cœur] qui peüst d'eus dire trop laidure ; Faus, traistres, desloyaux, sont infame et parjure, Complainte sur la bat. de Poitiers, Bibl. des ch. 3e série, t. II, p. 262. Vous avez menti faulsement, Ord, vilain paillart, Glasidas ; Infame, maleureusement Avant douze jours tu morras, Mistere d'Orleans, p. 467. Et personnes de touz mestiers Sont tuit fraint par beauté de femme ; Et maint en ont esté infame, Mutilé, mors et affolez, Deschamps, Miroir de mariage, p. 92.

XVIe s. Un palefrenier aussi laid, ord et infame que le gentilhomme estoit beau, honneste et aimable, Marguerite de Navarre, Nouv. XX.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. espagn. et ital. infame ; du lat. infamis, de in… 1, et fama, réputation.