« innocence », définition dans le dictionnaire Littré

innocence

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

innocence

(i-no-san-s') s. f.
  • 1Qualité de qui ne nuit point, douceur inoffensive. L'innocence des agneaux, des colombes. Hélas ! il [un enfant] mourra donc ! il n'a pour sa défense Que les pleurs de sa mère et que son innocence, Racine, Andr. I, 4. Votre âge, vos beautés, votre aimable innocence, Voltaire, Fanat. I, 2. Il pourra d'un enfant protéger l'innocence, Voltaire, Orphel. III, 1.
  • 2État de qui est innocent, non coupable. Son innocence fut reconnue. L'innocence partout peut avoir des témoins, Tristan, Mariane, II, 2. Je me défendrai mal : l'innocence étonnée Ne peut s'imaginer qu'elle soit soupçonnée, Corneille, Rodog. V, 4. Non, non, le droit ordonne en première maxime Le prix à l'innocence et le supplice au crime, Rotrou, Antig. II, 4. Que les guerres sont permises pour assurer la paixr, pour protéger l'innocence, pour arrêter la malignité qui se déborde…, Fléchier, Turenne. Mais l'innocence enfin n'a rien à redouter, Racine, Phèdre, III, 6. Dieu regarde en pitié son peuple malheureux, Disions-nous : un roi règne ami de l'innocence, Racine, Esth. III, 4. Eh ! que sont vos malheurs ? vous avez l'innocence ; Vous n'avez point trahi la nature et l'honneur, Briffaut, Ninus II, III, 7.

    L'innocence de la vie, manière de vivre dans laquelle on garde un cœur et des mains pures. L'innocence de la vie ôte la frayeur de la mort.

    L'innocence des mœurs, chasteté, continence. L'innocence des mœurs a sa volupté qui vaut bien l'autre, parce qu'elle n'a point d'intervalle et qu'elle agit continuellement, Rousseau, Conf. IV.

  • 3État de pureté qui appartient à l'ignorance du mal. En amour, l'innocence est un savant mystère, Pourvu que ce ne soit une innocence austère, Régnier, Sat. XII. Quand on voit, dans l'Évangile, la brebis perdue préférée par le bon pasteur à tout le reste du troupeau ; quand on y lit cet heureux retour du prodigue retrouvé et ce transport d'un père attendri qui met en joie toute sa famille, on est tenté de croire que la pénitence est préférée à l'innocence même, Bossuet, Mar-Thér. Il y a dans la politique comme dans la religion une espèce de pénitence plus glorieuse que l'innocence même, qui répare avantageusement un peu de fragilité par des vertus extraordinaires, Fléchier, Turenne. Qu'il est difficile qu'au milieu de tant de passions [dans le monde], si l'innocence ne se perd, du moins elle ne s'affaiblisse ! Fléchier, Dauphine. Dans les temps bienheureux du monde en son enfance, Chacun mettait sa gloire en sa seule innocence, Boileau, Sat. V. Et jamais on n'a vu la timide innocence Passer subitement à l'extrême licence, Racine, Phèdre, IV, 2. L'innocence est une santé précieuse de l'âme ; c'est une ressource et une consolation dans les plus affreuses douleurs, Fénelon, Dial. des morts anc. 17.

    L'âge d'innocence, l'enfance. Je puis supposer Émile resté dans sa primitive innocence, Rousseau, Ém. IV.

    Innocence originelle, l'état où le premier homme fut créé.

    L'innocence du baptême, l'état d'innocence de l'enfant lavé du péché originel par le baptême. Ils sont encore dans l'innocence du baptême, Pascal, Prov. IV.

    Fig. En style de dévotion, la robe d'innocence, l'état d'innocence. Dépouiller la robe d'innocence.

    La virginité. Sans respect pour mon habit blanc, il me ravit non innocence [dit une jeune fille], Montesquieu, Lett pers. 28.

  • 4Innocence, se dit des choses qui n'ont rien de blâmable. L'innocence de sa démarche fut reconnue. Amazan, instruit de l'innocence du baiser donné au roi d'Égypte et de la résurrection du phénix, goûtait une joie pure et était animé du plus violent amour, Voltaire, Princ. de Babyl. X.
  • 5Simplicité d'une personne qui ne connaît ni les choses ni les personnes. Arnolphe : Et celle que j'épouse a toute l'innocence Qui peut sauver mon front de maligne influence. - Chrysalde : Et que prétendez-vous qu'une sotte, en un mot…, Molière, Éc. des femmes, I, 1. Vous pourrez dans cette conférence Juger de sa personne et de son innocence, Molière, ib. Elle était fort en peine et vint me demander, Avec une innocence à nulle autre pareille…, Molière, ib. Il s'en est peu fallu que, durant mon absence, On ne m'ait attrapé par son trop d'innocence, Molière, ib. III, 3.

HISTORIQUE

XIIe s. Juge mei, Sire, sulunc la meie justise e sulunc la meie innocence, Liber psalm. p. 7.

XIIIe s. Innocence est purtez de corage qui het à faire touz torsfaiz, Latini, Trésor, p. 424.

XVIe s. Innocence porte sa defense, Cotgrave Albuquerque… en un extreme peril de fortune de mer, print sur ses espaules un jeune garson, pour cette seule fin qu'en la societé de leur fortune son innocence luy servist de garant et de recommendation envers la faveur divine pour le mettre à sauveté, Montaigne, I, 373.

ÉTYMOLOGIE

Bourg. ignôcence ; provenç. innocencia, ignocencia ; espagn. inocencia ; ital. innocenzia ; du lat. innocentia, de innocens, innocent.