« laid », définition dans le dictionnaire Littré

laid

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

laid, aide

(lè, lè-d' ; le d se lie dans les cas rares où cet adjectif précède son substantif : un lè-t animal ; Chifflet, même en ce cas, dit que le d ne se prononce pas, Gramm. p. 213. Autrement, il ne se lie pas, prononcez : lè à faire peur ; au pluriel, l's se lie : de lè-z animaux) adj.
  • 1Qui déplaît à la vue, pour quelque défectuosité dans la forme ou la couleur, en parlant du corps et de ses parties. Un visage laid. Elle a les mains laides, la gorge laide. Elle est laide à faire peur. Il est laid comme une chenille. M. Arnauld [le célèbre Arnauld] est un petit homme noir et laid, né à Paris, fils d'un savant avocat qui a autrefois plaidé vigoureusement contre les jésuites, Patin, Lettres, t. II, p. 237. On ne saurait dire si Ésope eut sujet de remercier la nature, ou bien de se plaindre d'elle ; car, en le douant d'un très bel esprit, elle le fit naître difforme et laid de visage, La Fontaine, Vie d'Ésope. Mlle d'Arpajon est fiancée aujourd'hui à Versailles avec M. le comte de Rouci ; on veut qu'il ait dit à Mlle d'Arpajon : Mademoiselle, encore que vous soyez laide, je ne laisserai pas de vous bien aimer, Sévigné, 7 fév. 1689. Guilleragues disait hier que Pellisson abusait de la permission qu'ont les hommes d'être laids, Sévigné, 5 janv. 1674. Ne trouvez-vous pas qu'elle ressemble à Javotte (c'était une fille qui la servait, et qui en effet me ressemblait, mais en laid) ? Marivaux, Marianne, 5e part. Et si c'était un monstre ? - Oh ! tais-toi ; tu m'excèdes ; Les personnes d'esprit sont-elles jamais laides ? Piron, Métromanie, II, 8. J'ai souvent remarqué que, dans les villages où la pauvreté est moins grande que dans les autres villages voisins, les hommes y sont aussi mieux faits et les visages moins laids, Buffon, Hist. nat. homme. Quoiqu'il [Cratès] fût laid de visage et bossu, il inspira la passion la plus violente à Hipparchia, sœur du philosophe Métrocle, Diderot, Opin. des anc. phil. (cyniques).

    Familièrement. Un laid magot, homme extrêmement laid ; une laide guenon, femme extrêmement laide.

    Il se dit aussi des animaux. Un chien fort laid.

  • 2En général, désagréable à voir. Cette maison est laide. Le temps est bien laid aujourd'hui. Ils me firent laide grimace, Scarron, Virg. III. Un magister, s'empressant d'étouffer Quelque rumeur parmi la populace, D'un coup dans l'œil se fit apostropher, Dont il tomba faisant laide grimace, Rousseau J.-B. Épigr. I, 25.
  • 3Déshonnête, contraire à la bienséance, au devoir. Ce que vous dites là est bien laid. Il est bien laid à vous d'avoir manqué à votre promesse.
  • 4 S. m. et f. Celui qui est laid, celle qui est laide. Fi ! le laid ! Mlle de Noailles, sans exception, la plus aimable laide du monde, Maintenon, Lett. au duc de Noailles, 22 fév. 1706. Si une laide se fait aimer, ce ne peut être qu'éperdument, La Bruyère, IV.
  • 5 S. m. Ce qui est laid, par opposition au beau. Des artistes ont préconisé le laid.

    Ce qu'il y a de laid en quelque chose. Je vous ai dit le beau de l'aventure, mais voici le laid. Mais le premier [le début du plaidoyer], monsieur, c'est le beau. - C'est le laid, Racine, Plaid. III, 3.

    PROVERBE

    Il n'y a point de belle prison ni de laides amours, il n'y a point de prison qui plaise, ni de femme aimée qui ne plaise.

HISTORIQUE

XIe s. La premiere [eschele, escadron] est des Canelius les laiz, Ch. de Rol. CCXXXV.

XIIe s. Signor, dit l'apostoles, moult est cist hontes [du masculin] lais, Sax. X. Il nous orent jugié à mort laide et vilaine, ib. XX. Prendre mari est chose à remenant ; N'est pas marchés qu'on laist quant [on] se repent ; Tenir l'esteut [il faut le tenir], soit lait ou avenant, Romanc. p. 73. Membrer [souvenir] vous doit que laide cruauté Fait qui ocist son lige home demaine, Couci, XI. Signor, seje vous di le voir [vrai], D'un affaire tous certains sui ; Ferés m'en vous lait [du mal] ne anui ? Le lai d'Ignaurès.

XIIIe s. [Elle] Mout faisoit laide chere [figure] et mout ert [était] emplorée, Berte, XVI. Cil jour [il] fit mout lait temps et de froide maniere, ib. X. Si nous semble que des ores en avant nous averiesmes nul lait [honte] dou rendre le castiel, Chr. de Rains, 139. Quant aucuns est tenus en prison par lais dis ou por ce qu'il ne veut respondre en cort, Beaumanoir, XXX, 25. Lede estoit et sale et foulée Cele ymage, et megre et chetive, Et aussi vert cum une cive, la Rose, V. 196. … il ne fu onques nulz lais amans Ne laide amie ; ensi en est li dis [le dit], Poésies franç. Vatic. f° 169, dans LACURNE.

XVIe s. Disant qu'il trouvoit cela laid et mal seant à une personne d'honneur, que de tenser ses serviteurs, et quereller avec eulx pour son ventre, Amyot, Caton, 44. Quant à sa personne, il n'estoit pas laid de son visage, Amyot, Philop. 3. La couleur en est belle, ressemblant au velours orangé ; mais tant plus laide en est la senteur, puante, et qui pis est mal saine, De Serres, 572. Le cas sera tenu et reputé pour laid et vilain, Nouv. coust. gén. t. II, p. 13.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. laid, laig, lait, lag, lai ; ital. laido ; du germanique ; anglo-sax. ladh, odieux ; anc. haut allem. leid, désagréable ; suéd. led. Laid a donc signifié haïssable, avant de signifier vilain. Le latin lædere, à cause du sens, ne peut entrer en ligne de compte ; læsus n'aurait pu donner les sens que laid a dans l'historique, et que l'étymologie germanique justifie très-bien.