« lis », définition dans le dictionnaire Littré

lis

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

lis [1]

(l'Académie dit qu'on prononce lis' en parlant de la fleur, li dans fleur de lis, armes de la maison de Bourbon, et de nouveau lis' dans la locution l'empire des lis, le royaume des lis pour dire la France : en un mot, lis, toutes les fois qu'il est hors de la fleur de lis du blason se prononce lis') s. m.
  • 1Plante bulbeuse qui porte, sur une haute tige, des fleurs blanches à six folioles (genre lilium, famille des liliacées). Tel en un secret vallon Sur le bord d'une onde pure Un jeune lis, l'amour de la nature, Croît à l'abri de l'aquilon, Racine, Athal. II, 9. Tel un sauvage lis, Confiant au désert le parfum qu'il exhale, Cache aux vents indiscrets sa beauté virginale, Delille, Trois règnes, V. Quand un lis virginal penche et se décolore Par un ciel brûlant desséché, Delavigne, Paria, II, 6.

    Lis blanc ou commun, lilium candidum, L. ; lis turban, lilium pomponium, L. ; lis de Chalcédoine, lilium chalcedonicum, L. ; lis martagon, lilium martagon, L.

  • 2La fleur du lis blanc. La blancheur des lis. Blanc comme un lis.

    Fig. Teint de lis, teint de lis et de rose, teint extrêmement blanc, teint blanc et vermeil.

    Poétiquement, on dit les lis de son teint, de son visage. Et les lis de son teint seraient-ils effacés ? Tristan, Mariane, V, 2. Les roses et les lis de votre beau visage, Tristan, M. de Chrispe, II, 3. Je trouvai Mademoiselle de Sceaux très belle, le teint du plus grand éclat du monde, des lis et des roses en abondance, Retz, I, 6. Attends, discret mari, que la belle en cornette Le soir ait étalé son teint sur la toilette, Et, dans quatre mouchoirs de sa beauté salis, Envoie au blanchisseur ses roses et ses lis, Boileau, Sat. X.

  • 3En armoiries, fleurs de lis, armes des rois de France, imitant très imparfaitement trois fleurs de lis unies ensemble, celle du milieu droite, et les deux autres ayant leurs sommités courbées en dehors. Les rois de France portent d'azur à trois fleurs de lis d'or. Et mentiront les prophéties De tous ces visages pâlis, Dont la vaine étude s'applique à chercher l'an climatérique De l'éternelle fleur de lis, Malherbe, III, 1. Les armoiries des rois de France ne ressemblèrent jamais à des lis ; c'est évidemment le bout d'une hallebarde, telles qu'elles sont décrites dans les mauvais vers de Guillaume le Breton, Voltaire, Mœurs, 75. Il est certain que, ni en pierre, ni en métal, ni sur les médailles ni sur les sceaux, on ne trouve aucun vestige véritable de fleurs de lis avant Louis le Jeune ; c'est sous son règne, vers 1147, que l'écu de France commença d'en être semé, Saint-Foix, Ess. Hist. Paris, Œuv. t. IV, p. 107, dans POUGENS. C'est sous Charles V que les fleurs de lis, qui étaient sans nombre dans l'écu de France, commencèrent à être réduites à trois, en l'honneur, dit un historien, de la sainte Trinité, Saint-Foix, ib. p. 108.

    Poétiquement. Les fleurs de lis, le royaume de France. Vole vite, et de la contrée Par où le jour fait son entrée, Jusqu'au rivage de Calis, Conte sur la terre et sur l'onde Que l'honneur unique du monde C'est la reine des fleurs de lis, Malherbe, III, 2. Qui n'a vu dessous leurs combats [des Français] Le Pô mettre les cornes bas, Et les peuples de ses deux rives, Dans la frayeur ensevelis, Laisser leurs dépouilles captives à la merci des fleurs de lis ? Malherbe, IV, 5.

    Les lis se dit quelquefois pour les fleurs de lis. Que nos campagnes ne voient jamais les lis déployés contre les lis, Massillon, Or. fun. Madame. Ces juges, ces pairs avilis Qui te prédisent des merveilles [au duc de Bordeaux], De mon temps juraient que les lis Seraient le butin des abeilles [armoiries des Napoléons], Béranger, les Deux cousins.

    Poétiquement. Les Lis, se disaient autrefois de la France (on met une majuscule). L'empire des Lis. Le trône des Lis.

    Ceindre les lis, devenir roi ou reine de France. Lorsqu'aux yeux du peuple que j'aime Je ceignis les lis éclatants, Béranger, Mar. Stuart.

    Les lis ne filent point, c'est-à-dire le royaume de France ne peut être tenu par des femmes (phrase tirée de l'Évangile de saint Mathieu, VI, 28, et détournée de son sens, pour être appliquée comme décision divine en faveur de la loi salique). On a oublié que les léopards, qui sont (on ne sait pourquoi) les armoiries d'Angleterre, ne filent pas plus que les lis qui sont (on ne sait pourquoi) les armoiries de France, Voltaire, Dict. phil. Loi salique.

    Siéger, être assis sur les fleurs de lis, s'est dit des membres d'une cour supérieure, par allusion aux tapis semés de fleurs de lis dont leurs siéges étaient couverts. Il fallait qu'un magistrat dît son avis assis sur les fleurs de lis, sans en avoir communiqué avec personne, Retz, II, 151. [Les juges] qui ne donnent à leurs charges que les restes d'une oisiveté languissante, comme s'ils n'étaient juges que pour être de temps en temps assis sur les fleurs de lis, Fléchier, Lamoignon.

  • 4Ordre du Lis, ordre créé par Louis XVIII en 1816, qui n'était guère qu'un signe de ralliement.
  • 5Fleur de lis, fer marqué de plusieurs petites fleurs de lis que le bourreau appliquait sur l'épaule de certains condamnés ; c'est ce qu'on nommait la marque, aujourd'hui abolie. Je fus connu, mais par mon infamie, Comme un gredin, que la main de Thémis A diapré de nobles fleurs de lis Par un fer chaud, gravé sur l'omoplate, Voltaire, le Pauvre diable.
  • 6Chevalier du lis, nom, à Rome, de trois cent soixante chevaliers dont on attribue l'institution à Paul III, pour la défense du patrimoine de Saint-Pierre
  • 7Lis d'or, monnaie de la valeur de sept francs ; lis d'argent, monnaie d'argent qui valait vingt sols. Ces monnaies furent frappées sous Louis XIV en 1655, et n'eurent cours que pendant très peu de temps.
  • 8Nom, chez les Juifs, d'un bijou. Elle prit une chaussure très riche, des bracelets, des lis d'or, des pendants d'oreilles, des bagues, Sacy, Bible, Judith, X, 3.
  • 9Genres de la famille des liliacées : lis asphodèle ou lis jaune, hemerocallis flava, L. ; lis de Saint-Bruno ou des Allobroges, anthericum liliastrum, L. ; lis de mai, ou des vallées, le muguet, convallaria maialis, L.

    Genres de la famille des amaryllidées : lis de Saint-Jacques, amaryllis formosissima, L. ; lis jaune doré, amaryllis aurea, L. Lis de Guernesey, l'amaryllis grenesia, naturalisé à Guernesey, dit-on, par suite d'un naufrage, Le Héricher, Hist. et Gloss. t. II, p. 441.

    Lis mathiole, pancratium maritimum, L. ; lis des Incas, alstroemeria peregrina, L.

    Iridées : lis des marais, iris pseudo-acorus, L. ; lis d'Espagne, iris xiphioides, EHR.

    Familles dicotylédonées : lis de Surate, hibiscus suratensis, L. ; lis des étangs, nymphea alba, L.

  • 10Petite constellation boréale, dite quelquefois Mouche.
  • 11Lis de mer, espèce d'encrine.

REMARQUE

L'Académie met une majuscule à Lis quand il signifie la France ; cependant elle n'en met pas à léopard quand il signifie l'Angleterre. Il y a inconséquence. Le mieux serait de n'en mettre ni à l'un ni à l'autre.

HISTORIQUE

XIIe s. Si cum li liz est entre les espines, ensi est m'amie entres les filhes, Job, p. 441. Dame, mar [à male heure] [je] vi le clair vis et la face, Où rose et lis florissent chascun jour, Couci, X. Qui dunc veïst le sanc et le cervel chaïr, E sur le pavement l'un od l'autre gesir, De roses et de lilies [prononcez lis] li peüst sovenir, Th. le mart. 151.

XIIIe s. Vermeille ert [elle était] come rose, blanche com flor de lis, Berte, XX.

XIVe s. [Le roi de Navarre haranguant le peuple de Paris dit] qu'il aimoit moult le royaume de France, et qu'il y estoit bien tenu, car il estoit des fleurs de lys de tous costés [parent de la famille royale], Chr. de St Denis, t. II, p. 250, dans LACURNE.

XVe s. Bel oncle de Berry, nous ne voulons pas que vous nous eloigniez notre cousine votre fille des fleurs de lys, nous lui pourvoirons un mariage bon et bien seant pour elle, Froissart, III, IV, 34.

XVIe s. Jà le laurier te prepare couronne ; Jà le blanc lis dedans ton bers fleuronne, Marot, I, 228. D'autres couleurs que de blanches y a il des lys venans d'eux-mesmes sans artifice, comme des rouges et violets, aucunement dissemblables en figure aux francs, De Serres, 575. Ne cerchez pas en leur cœur les armoiries de Lorraine… n'autre que des fleurs de lys toutes pures et nettes, si vivement empreintes qu'ils ne souffriront à nul, quel qu'il soit, braver l'amour du roy ne du nom françois, R. de la Planche, Livre des marchands, édit. du Panthéon, p. 429.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. lili, liri, lis ; catal. lliri ; esp. lis et lirio ; ital. giglio ; du lat. lilium ; grec, λείριον. Le français lis est l'ancien nominatif lis pour lils. On remarquera dans le XIIe siècle l'orthographe lilie par respect pour l'étymologie latine, bien que ce lilie fût monosyllabe.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1. LIS. Ajoutez :
12 Arbre aux lis, le tulipier et plusieurs magnolias de l'Amérique du nord, Baillon, Dict. de botan. p. 247.