« meurtrier », définition dans le dictionnaire Littré

meurtrier

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

meurtrier, ière

(meur-tri-é, tri-è-r') s. m. et f.
  • 1Celui, celle qui a commis un meurtre. Un fugitif, un traître, un meurtrier de rois, Corneille, Médée, II, 6. Jérusalem, la meurtrière des prophètes, Massillon, Carême, Temples. Adieu ; résous D'être mon meurtrier ou d'être mon époux, Voltaire, Brutus, IV, 3. On peut observer dans ce tableau de l'Europe que Henri VIII, l'un des principaux personnages, était un des plus grands fléaux qu'ait éprouvés la terre ; despotique avec brutalité, furieux dans sa colère, barbare dans ses amours, meurtrier de ses femmes, tyran capricieux dans l'État et dans la religion, Voltaire, Ann. emp. Charles Quint, 1520.

    Assuré comme un meurtrier, se dit d'un homme hardi qui ne s'émeut point de tout ce qu'on dit.

    Celui qui projette un meurtre. De tous ces meurtriers te dirai-je les noms ? Corneille, Cinna, V, 1.

    Fig. Soldat dont le métier est de tuer dans les combats. Il leur était [aux dix mille Grecs de Xénophon] très indifférent pour qui ils combattissent, pourvu qu'on les payât ; ils n'étaient donc que des meurtriers à louer, Voltaire, Dict. phil. Xénophon. À l'égard de d'Étallonde Morival… il n'en deviendra que meilleur meurtrier, meilleur canonnier, meilleur ingénieur, Voltaire, Lett. roi de Pr. 15 févr. 1775. Le merveilleux de cette entreprise infernale [une guerre], c'est que chaque chef des meurtriers fait bénir ses drapeaux et invoque Dieu solennellement avant d'aller exterminer son prochain, Voltaire, Dict. phil. Guerre.

  • 2 Adj. Qui cause la mort à beaucoup de personnes. Armes meurtrières. Guerre meurtrière. Le choléra est une maladie très meurtrière. Il est vrai qu'on travaillait à une batterie qui aurait été plus meurtrière selon les apparences, Pellisson, Lett. hist. t. II, p. 122, dans POUGENS. S'il est ainsi, la journée du Pruth du 20 au 21 juillet fut une des plus meurtrières qu'on ait vues depuis plusieurs siècles, Voltaire, Russie, II, 1.

    Cette place est meurtrière, on ne peut l'assiéger, la prendre, sans perdre beaucoup de monde.

    Poétiquement. Le glaive meurtrier. La dent meurtrière du sanglier.

    Ancien terme d'escrime. Garde meurtrière, position d'attaque où l'on essaie de frapper son adversaire. Comment, diable ! d'abord qu'on les approche, ils [les yeux d'une dame] se mettent sur leur garde meurtrière, Molière, Préc. 10.

  • 3Qui fait verser le sang. Pour défendre vos jours de leurs lois meurtrières [des dieux], Mon amour n'avait pas attendu vos prières, Racine, Iph. IV, 4. Ô vous, arbitres des nations, qui avez donné la paix à l'Europe, décidez entre l'esprit pacifique et l'esprit meurtrier, Voltaire, Polit. et législ. Tolérance, Post-scriptum.
  • 4Qui commet un meurtre ou des meurtres. Bientôt de Jézabel la fille meurtrière, Instruite que Joas voit encor la lumière, Racine, Athal. IV, 3.

    Il se dit aussi des animaux qui en tuent beaucoup d'autres pour vivre. Il ajoute qu'ils sont plus grands que ceux d'Europe, et qu'ils ont la peau plus épaisse et la dent plus meurtrière, Buffon, Quadrup. t. VIII, p. 177. Le faucon obéit à notre art meurtrier, Le chien devient chasseur, et l'éléphant guerrier, Delille, Trois règn. VIII.

  • 5 Fig. Qui cause un mal comparé à un meurtre. Il a pris à quelques docteurs [en religion] une malheureuse et inhumaine complaisance, une pitié meurtrière qui leur a fait porter des coussins sous les coudes des pécheurs, chercher des couvertures à leurs passions…, Bossuet, Cornet. Et périsse le jour et la main meurtrière Qui jadis sur mon front t'attacha [ô diadème] la première ! Racine, Mithr. V, 1.

REMARQUE

1. Corneille est le premier qui ait osé, dans le Cid, faire meurtrier de trois syllabes : Jamais un meurtrier en fit-il son refuge ? Jamais un meurtrier s'offrit-il à son juge ? L'Académie, dans sa Sentence sur le Cid, lui en fit reproche. Rotrou suivait l'usage ancien (remarquez-en une infraction au XVIe siècle) dans ce vers : De quel œil puis-je voir le meurtrier de mon père ? Herc. mour. I, 4. Voy. la lettre R sur ces différences d'usage.

2. On mettait en liberté à Rouen un meurtrier le jour de l'Ascension en mémoire de ce que l'archevêque saint Romain avait délivré les habitants d'un dragon. Pour le vaincre, l'archevêque avait demandé deux prisonniers dignes de mort, l'un meurtrier, l'autre larron ; le larron eut si grande frayeur qu'il s'enfuit, et le meurtrier demeura avec le saint homme. Telle est l'explication qu'on rapporte de la locution : assuré comme un meurtrier.

HISTORIQUE

XIIIe s. Biau filz, Renart qui est meurtrier…, Ren. 7003. Et si dist par droit au vidame, Que maintenant en une flamme Devoit estre arse [brûlée] la murtriere, Gautier de Coincy, p. 244.

XIVe s. Se je me suis penè d'ocir cest murtrier, Guesclin. 2585. Cure n'ai de traïtre ne de nul murtrier, ib. 2594.

XVIe s. Certes plus tost un bon pere desire Son fils blessé que meurdrier ou jureur, Marot, II, 266. Ces meschans Carthaginois qui sont les plus cruels meurtriers qui soient au monde, Amyot, Timol. 29. Ô mon pays doux, Je meurs loin de vous, Voire et volontiers, Puisqu'en vous, o France, Font leur demeurance Des saints les meurtriers, Th. de Bèze, cité par CHAUFFOUR, Réform. du XVIe siècle, I, 391. Une très meurtriere victoire [pour l'ennemi] et très entiere, Montaigne, III, 94. Vous serez meurtrier de ceux que vous n'empeschez point d'estre meurtris, D'Aubigné, Hist. I, 132. Les arbalestes à feu, les tonneaux meurtriers, Paré, IX, Préf. La langue mesdisante, meurtriere de l'honneur d'autruy …, Charron, Sagesse, I, 12. Escoute, buscheron, arreste un peu le bras… Sacrilege meurdrier, Ronsard, Contre les bûcherons de la forêt de Gastine.

ÉTYMOLOGIE

Meurtrir ; wallon, moudreûs ; Hainaut, mordreux, mourdreux.