« naufrage », définition dans le dictionnaire Littré

naufrage

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

naufrage

(nô-fra-j' ; du temps de Chifflet, Gramm. p. 183, on prononçait naufrâge ; du temps de Palsgrave on écrivait et prononçait naufraige) s. m.
  • 1Perte d'un vaisseau sur une côte de mer, sur un banc de sable, sur un écueil, etc. Alger sera toujours pour moi partout où vous serez ; et, quoique je sois à Bruxelles, je ne fus jamais plus près de la captivité et du naufrage, Voltaire, Lett. 50. Il vendit son troupeau, Trafiqua de l'argent, le mit entier sur l'eau ; Cet argent périt par naufrage, La Fontaine, Fabl. IV, 2. Ceux qui sont échappés du naufrage disent un éternel adieu à la mer et aux vaisseaux, Bossuet, Reine d'Anglet. Un navire qui venait de faire naufrage, Fénelon, Tél. I. Les Romains, qui faisaient des lois pour tout l'univers, en avaient de très humaines sur les naufrages, Montesquieu, Esp. XXI, 17. Échappée au naufrage, [une urne] elle est près de ces lieux, Voltaire, Oreste, II, 1.

    Faire naufrage au port, échouer quand on est hors de péril et qu'on est arrivé ; et fig. réussir mal sur la fin de quelque affaire. Vous qui l'estimez tant, allez lui rendre hommage ; Mais songez qu'au port même il peut faire naufrage, Corneille, Pomp. I, 3.

  • 2Il se dit aussi des bâtiments et barques qui naviguent sur les lacs et les rivières. La gabare heurta contre une pile du pont et fit naufrage.
  • 3 Fig. Perte, malheur, chute morale. Ô beauté, qui de mes amours êtes le port et le naufrage, Malherbe, V, 16. Pour suivre Cléopâtre, il quitta son bonheur, Et, s'embarquant ainsi, fit naufrage d'honneur, Tristan, Mariane, I, 3. Me voici rembarqué sur la mer amoureuse, Moi pour qui tant de fois elle fut malheureuse, Qui ne suis pas encor du naufrage essuyé, La Fontaine, Poésies mêlées, XXXVI. Vos réflexions sont tristes et justes sur la déroute de la maison de Créquy… mais il y a un petit Blanchefort, resté du naufrage… affligé, sans être abattu, des malheurs de sa maison, Sévigné, 25 avr. 1687. Faut-il vous représenter et le péril de ce sexe [les femmes], et les suites dangereuses de sa pauvreté, l'écueil le plus ordinaire où sa pudeur fait naufrage ? Bossuet, Sermons, Septuag. 2. Lorsque le juge veut s'agrandir et qu'il change en une souplesse de cœur le rigide et inexorable ministère de la justice, il fait naufrage contre ces écueils [déchirer la loi], Bossuet, le Tellier. Siècle vainement subtil, où tant d'âmes insensées cherchent leur repos dans le naufrage de la foi, Bossuet, Anne de Gonz. Cette mer où tu cours est célèbre en naufrages, Boileau, Épître I. Aussi bien, que ferais-je en ce commun naufrage ? Racine, Théb. II, 2. Leur cœur était corrompu, avant que leur foi fît naufrage, Massillon, Carême, Avenir. La vocation vient échouer et faire un triste naufrage, Massillon, Profess. relig. 2. Dans le grand naufrage des systèmes, Voltaire, Dict. phil. Dieu, dieux. Ce peu de nos amis qui, dans un tel orage, Pourraient encor sauver les débris du naufrage, Voltaire, Mérope, II, 3. Dans nos discords j'ai fait plus d'un naufrage, Sans jamais fuir la France et son doux ciel, Béranger, le Bon vieillard. Qu'elle [la patrie] se relève à jamais Du grand naufrage de la Loire, Béranger, Ch. d'asile.

    Le naufrage du temps, l'oubli que le temps amène dans la mémoire des hommes. Garantissez du naufrage du temps Les noms fameux et les faits éclatants, Rousseau J.-B. Ép. 1re.

HISTORIQUE

XVIe s. Eussé je, o souverain, comme le second pere, Au naufrage du monde une arche à me sauver ! Desportes, Œuvres chrestiennes, Sonnets, 9. Cest estranger, pauvre, chetif, et nu, Un vif naufrage à ma rive venu, Ronsard, 637. Les costes et rivages d'alenviron par plusieurs jours furent pleins et semez de corps morts et de naufrages que les vagues de la mer y jetterent, Amyot, Lucul. 24. Il n'avoit à gouverner que les reliques du naufrage de son païs. - à dire la verité, Demades estoit luymesme le naufrage [la perte] de sa ville, Amyot, Phoc. 1. Demetrius se retira en la Grece, en intention de recueillir et ramasser encore les pieces et reliques de son naufrage, Amyot, Démét. 63. Leur chef assassiné ; et (qui arrachoit plus l'esperance que tout) un grand nauffrage des courages et volontez, D'Aubigné, Hist. II, 484.

ÉTYMOLOGIE

Lat. naufragium, de navis, nef, et frangere, briser (voy. FRAGILE). Naufrage s'est dit pour naufragé : Je semble dépiter [braver], naufrage audacieux, L'infortune…, Régnier, Sat. VII.