« nous », définition dans le dictionnaire Littré

nous

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

nous

(noû ; l's se lie : noû-z avons), pronom de la première personne au pluriel, qui est des deux genres, et qui sert soit de sujet soit de régime.
  • 1Nous sujet se place avant le verbe, excepté dans les phrases interrogatives. Nous partirons demain. Partirons-nous demain ? Soit que nous nous élevions, pour parler métaphoriquement, jusque dans les cieux ; soit que nous descendions dans les abîmes, nous ne sortons point de nous-mêmes ; et ce n'est jamais que notre propre pensée que nous apercevons, Condillac, Conn. hum. I, 1. Le singe, ayant des bras et des mains, s'en sert comme nous, mais sans songer à nous, Buffon, Quadrup. t. VII, p. 54.
  • 2Quelquefois, par une répétition qui donne de l'énergie à la phrase, on place nous, sujet, avant et après le verbe. Nous voulons, nous, que telle chose se fasse.
  • 3Nous, régime direct ou indirect, se place avant le verbe. Il nous conduit. Il nous a conduits. Il nous parlera. Il nous a parlé. Ne nous parlez pas. Ne nous reconduisez pas. Tout est en feu jusque sur les bords de la rivière de l'Oise ; nous pouvons voir de nos faubourgs [de Paris] la fumée des villages qu'ils [les ennemis] nous brûlent, Voltaire, Lett. 74.

    Il faut en excepter les phrases impératives sans négation. Parlez-nous. Regardez-nous.

  • 4Quand le verbe est réfléchi, nous régime se met avant le verbe. Nous nous convenions. Nous ne nous convenons pas. Ne nous fatiguons pas.

    Il faut excepter les phrases impératives sans négation. Aimons-nous.

  • 5Nous est aussi régime des prépositions. On est injuste envers nous. Une averse est tombée sur nous. Tout tourne contre nous. Entre nous soit dit. Nous plaignons le sort de l'enfance, et c'est le nôtre qu'il faudrait plaindre, nos plus grands maux nous viennent de nous, Rousseau, Émile, I.
  • 6Nous se dit collectivement pour exprimer nos compatriotes dans le présent et dans le passé. Plus d'un écrivain… ne fait point de difficulté de dire nous, nos aïeux, nos pères, quand il parle des Francs qui vinrent des marais delà le Rhin et la Meuse piller les Gaules et s'en emparer ; l'abbé Vély dit nous ; hé ! mon ami, est-il bien sûr que tu descendes d'un Franc ? pourquoi ne serais-tu pas d'une pauvre famille gauloise ? Voltaire, Pol. et législ. Comm. Espr. des lois, XXXIX. Rome autrefois nous [les habitants de la Gaule] trompa, nous désunit, nous massacra, nous enchaîna, Voltaire, Dict. phil. César.
  • 7 Familièrement. Nous autres, ce que nous sommes de personnes du même côté, du même avis, du même rang. Vous allez jouer ; nous autres nous allons à la promenade.

    Nous deux, vous et moi, lui et moi. De nous deux à l'instant que le coupable expire, Voltaire, Mahomet, V, 4.

  • 8Il s'emploie par répétition, avec deux pronoms dont l'un est de la première personne et l'autre de la deuxième ou de la troisième personne ou un substantif. Vous et moi nous partirons ensemble. Lui et moi nous parlerons pour vous. Mon ami et moi nous restons à la campagne. Il nous cherche vous et moi. Ma gloire loin d'ici vous et moi nous appelle, Racine, Mithr. II, 4. Songez-vous quel serment vous et moi nous engage ? Racine, Iphig. V, 2.
  • 9Lorsque nous, employé comme sujet ou comme régime, est joint à un autre nom qui concourt avec ce pronom à former le sujet ou le régime, il faut d'abord mettre nous avant le verbe, puis le répéter après ce verbe, sans préposition s'il est sujet ou régime direct, avec une préposition s'il est régime indirect, afin de le lier avec le nom qui concourt à former le sujet ou le régime. Nous partirons demain, nous et nos domestiques. Il nous a bien traités, nous et nos amis. Il nous a donné de l'argent, à nous et à nos compagnons.
  • 10Quand nous est suivi de qui, on accorde avec nous le verbe dont qui est le sujet. Quand nous, qui vivons sous des lois civiles, sommes contraints à faire quelque contrat que la loi n'exige pas, nous pouvons, à la faveur de la loi, revenir contre la violence, Montesquieu, Espr. XXVI, 20.
  • 11Il se prend dans un sens indéterminé. Il faut laisser ici des gens honnêtes, doux, Par nous-même choisis, qui dépendent de nous, Qui soient à nous, de nous qui lui parlent sans cesse, Collin D'Harleville, Vieux célib. II, 6.

    Dans ce sens, il peut se construire avec on. Au moins en pareil cas est-ce un bonheur bien doux, Quand on sait qu'on n'a point d'avantage sur nous, Molière, le Dép. II, 4. Et qu'on s'aille former un monstre plein d'effroi De l'affront que nous fait son manquement de foi, Molière, Éc. des f. IV, 8.

  • 12 Familièrement. Ce que c'est que de nous ! c'est-à-dire voyez quelle est la chétive condition de l'humanité. Il [un cheval] s'est jeté comme un furieux par-dessus les barres, et s'est crevé le cœur ; j'ai dit en le voyant mort, comme M. de Montbazon : voyez ce que c'est de nous, Sévigné, 460. Ce que c'est que de nous ! moi, cela me confond, Regnard, le Légat. V, 7. Avez-vous vu comme il parlait tout seul ? ce que c'est que de nous ! Beaumarchais, Barb. de Sév. III, 12.
  • 13Il s'emploie au lieu de je ou moi par les personnes qui ont caractère et autorité. Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit. Dire nous, quoiqu'on ne soit qu'un, lorsque celui qui parle est un souverain ou une personne constituée en dignité, et qu'elle fait un acte solennel de sa volonté ou de son autorité : usage qui, je crois, prit naissance chez les empereurs romains, lorsqu'ils faisaient semblant de prendre conseil du sénat, et d'exprimer dans leurs édits une volonté collective, Marmontel, Élém. litt. Œuv. t. X, p. 365, dans POUGENS.

    Alors l'adjectif ou le participe qui y a rapport se met au singulier : Nous, juge de paix soussigné, sommes convaincu, etc.

    Il se dit aussi pour je ou moi par une sorte d'emphase, et sans qu'il s'y attache aucune idée d'autorité. De notre grandeur seule ayons des cœurs jaloux, Ne vivons que pour nous, et ne pensons qu'à nous, Corneille, Oth. II, 4. …Taisez-vous ; Je vous apprendrai bien s'il faut sortir sans nous, Molière, Éc. des mar. I, 2. Pyrrhus revient à nous ; eh bien, chère Cléone, Conçois-tu les transports de l'heureuse Hermione ? Racine, Andr. III, 3. C'est vous qu'on demande. - Eh bien, que nous veut-on ? Montfleury, Femme juge et part. III, 8. Je demande pourquoi, dans un écrit qui est l'ouvrage d'un seul homme, l'auteur, en parlant de lui-même, se croit obligé de dire nous, Marmontel, Élém. litt. Œuv. t. X, p. 371.

  • 14 Familièrement, il s'emploie au lieu de il ou elle. On l'a fait apercevoir de sa faute, mais nous ne voulons pas nous corriger, nous sommes opiniâtre.
  • 15 Interrogativement, il se dit pour consulter la ou les personnes avec qui l'on est. Célimène : Voulons-nous nous asseoir ? - Arsinoé : Il n'est pas nécessaire, Molière, Misanthr. III, 4.
  • 16Nous-mêmes, voy. MÊME.

    Substantivement, d'autres nous-mêmes, voy. MÊME.

  • 17Dans les phrases où se trouvent en ou y, nous se met avant ces particules et le verbe. Il nous en donnera. Il nous y a conduits. Ne nous en donnez pas. Ne nous y conduisez pas.

    Si la phrase est impérative sans négation, nous se met après le verbe. Menez-nous-y. Donnez-nous-y une place. Donnez-nous-en.

  • 18Chez nous, dans notre maison, dans notre société, dans notre pays. Il est vrai, notre ami ; peut-être que chez vous Vous trouvez des sujets de craindre pour chez nous, Molière, Éc. des femmes, I, 1. Mon cher philosophe militaire, vous m'aviez mandé, il y a deux mois, que vous passeriez chez nous, et je vous attendais, Voltaire, Lett. d'Argence, 3 août 1770.
  • 19 S. m. Le nous. Calliope : Tu devrais l'obliger, pour l'honneur de ton temple, D'aimer ainsi que nous - Uranie : Les Muses n'aiment pas. - Calliope : Et qui les en soupçonne ? Ce nous n'est pas pour nous ; je parle, en la personne Du sexe en général, des dévotes d'amour, La Fontaine, Climène, comédie. Ils commençaient à dire nous ; ah ! qu'il est touchant ce nous prononcé par l'amour ! Staël, Corinne, IV, 1.

    Nous s'emploie quelquefois dans le même sens que l'on dit le moi. Cet être appelé nous est formé de deux principes de différente nature, tellement unis, qu'il règne entre les mouvements et les affections de l'un et de l'autre une correspondance que nous ne saurions ni surprendre ni altérer, et qui les tient dans un assujétissement réciproque, D'Alembert, Disc. prélim. Encycl. Œuv. t. I, p. 192, dans POUGENS.

REMARQUE

Nous se joint par un trait d'union au verbe et aux particules en et y dans les phrases impératives.

HISTORIQUE

Xe s. Tut oram [prions tous] que por nos [elle] degnet preier, Eulalie.

XIe s. Seignor, que faites ? ço dist li apostolie [le pape], Que valt cist crit, cist dol [deuil] en ceste noise ? Chi chi se doilet, à nos otros [à nous autres] est il goie [joie], St Alexis, CI. Nus [à nous] ne semble pas raison que…, Lois de Guill. 44.

XVIe s. Les reproches que nous faisons les uns aux aultres, Montaigne, IV, 45. Voilà la huguenotaille à gronder, chacun à part, sans pouvoir dire nous, D'Aubigné, Conf. II, 111.

ÉTYMOLOGIE

Bourguig. no ; picard, nos ; wallon, noisez ; provenç. nos ; espagn. et portug. nos ; ital. noi ; du latin nos ; grec au duel, νῶϊ ; sanscr. nas.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

NOUS. - REM. Ajoutez :
2Pour l'emploi de nous comme pronom réfléchi, voy. SE, Rem. 3, 4, 5, 7, 8, 9 et 10.