« nourriture », définition dans le dictionnaire Littré

nourriture

Définition dans d'autres dictionnaires :

Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

nourriture

(nou-ri-tu-r') s. f.
  • 1Allaitement, action de nourrir un enfant de son lait. Sa nourriture l'a fatiguée. Ces sortes de créatures [les nourrices] sont des oiseaux de passage que l'on souffre à cause des pauvres enfants qui se sentent toute leur vie d'une si terrible nourriture, Sévigné, 21 août 1675. Dans les nourritures où l'on ne regarde qu'au physique, Rousseau, Ém. I.

    Faire des nourritures, allaiter les enfants pendant le temps nécessaire. Cette nourrice a fait deux nourritures avec le même lait.

    Par extension. Faire des nourritures, élever du bétail, de la volaille dans une terre, dans une maison de campagne.

  • 2Temps durant lequel une femme allaite un enfant. Quand sa nourriture sera finie.
  • 3 Terme de sériciculture. La quantité de vers à nourrir. Avez-vous une forte nourriture ? Je n'en fais que deux onces, c'est-à-dire je ne fais éclore que deux onces d'œufs de vers à soie.
  • 4Celui qu'on a nourri, élève, enfant (vieilli en ce sens). Cléontine, qui jugea ce parti avantageux pour sa nourriture, me remercia de la volonté que j'avais pour Célidée, D'Urfé, l'Astrée, II, 1. Comme il est votre fils, il est ma nourriture, Tristan, M. de Chrispe, III, 1. Et quel que soit ce fils que Rome vous envoie, Seigneur, je lui rendrais son présent avec joie ; S'il est si bien instruit en l'art de commander, C'est un rare trésor qu'elle devrait garder, Et conserver chez soi sa chère nourriture, Ou pour le consulat ou pour la dictature, Corneille, Nic. II, 3.

    Ironiquement. Vous avez fait là une belle nourriture.

    On dit d'un poulain bien fait : C'est une belle nourriture.

  • 5Ancien synonyme d'éducation. Alcippe, ayant été nourri par son père avec la simplicité de berger, eut toujours un esprit si éloigné de sa nourriture, que toute autre chose lui plaisait plus que tout ce qui sentait le village, D'Urfé, l'Astrée, I, 2. C'est du fils d'un tyran que j'ai fait ce héros, Tant ce qu'il a reçu d'heureuse nourriture Dompte ce mauvais sang qu'il eut de la nature, Corneille, Héracl. IV, 5. Elle [Rome] a nourri vingt ans un prince votre fils… Si vous faites état de cette nourriture, Corneille, Nic. II, 3. La nourriture qu'il [le maréchal de la Meilleraie] avait prise à celle [la maison] de M. le cardinal de Richelieu, avait fait de si fortes impressions dans son esprit, que, bien qu'il eût beaucoup d'aversion pour le cardinal Mazarin, il tremblait dès qu'il entendait nommer son nom, Retz, Mém. t. III, liv. IV, p. 448. Mais la diverse nourriture Fortifiant en l'un [chien] cette heureuse nature, En l'autre l'altérant…, La Fontaine, Fabl. VIII, 2.

    Ce terme a continué de vieillir malgré cette recommandation de Voltaire : Il mérite d'être conservé en usage ; il est très supérieur à éducation, qui, étant trop long et composé de syllabes sourdes, ne doit pas entrer dans un vers, Voltaire, Comm. Corn. Héracl. IV, 5.

  • 6Ce qui nourrit, ensemble des aliments destinés à nourrir l'homme et les animaux, à réparer leurs forces, entretenir leur existence. Être condamné au payement des nourritures d'un cheval, Patru, Plaidoyer 10, dans RICHELET. Vous êtes devenus comme des personnes à qui on ne devrait donner que du lait, et non une nourriture solide, Sacy, St Paul, Épît. aux Héb. V, 12. La nourriture que les hommes prenaient, Bossuet, Hist. II, 1. Mandez-moi ce qu'il faut pour la nourriture et les ustensiles de ces pauvres femmes, Bossuet, Anne de Gonz. Pouvons-nous n'apercevoir pas ce que nous perdons sans cesse avec les années ? le repos et la nourriture ne sont-ils pas de faibles remèdes de la continuelle maladie qui nous travaille ? Bossuet, Mar.-Thér. Et la nuit a trois fois chassé la nuit obscure Depuis que votre corps languit sans nourriture, Racine, Phèdre, I, 3. De simples bourgeois, seulement à cause qu'ils étaient riches, ont eu l'audace d'avaler en un seul morceau la nourriture de cent familles, La Bruyère, VI. Il a sa nourriture et son logement chez le duc de Medina Celi ; il ne fait point de dépense ; il doit être fort bien dans ses affaires, Lesage, Gil Blas, II, 7. C'est une chose admirable que la nourriture, lorsqu'on a du chagrin ; il est certain qu'elle met du calme dans l'esprit, Marivaux, Paysan parv. 8e part. Le climat et la nourriture influent sur la forme des animaux d'une manière si marquée, qu'on ne peut douter de leurs effets, Buffon, Hist. nat. Homme, Œuvr. t. V, p. 236. Il y a aux Indes des millions d'hommes dont la nourriture ne coûte pas un sou par jour, Rousseau, Contr. soc. III, 8. Les nourritures les plus dures ne sont pas trop pénibles pour le robuste laboureur, Tissot, Santé des gens de lettres, p. 184, édit. TECHENER, § 57.

    Chercher sa nourriture, aller en quête de ce qui sert à soutenir la vie, en parlant soit des hommes à l'état sauvage, soit des bêtes. Il existe certainement des hommes qui n'ont jamais eu d'entretien philosophique en leur vie, et dont tout le temps se consume à chercher leur nourriture, la dévorer et dormir, Rousseau, Lett. à l'archev. de Paris.

  • 7Sucs qui servent à l'entretien des êtres vivants. Cet arbre prend nourriture, ne prend pas de nourriture. Après la consolidation d'une fracture, le membre, débarrassé du bandage, commence à prendre de la nourriture.
  • 8 Au plur. Stipulation par laquelle des parents s'engageaient à nourrir les jeunes mariés pendant un temps déterminé. La demoiselle a deux cent mille francs, bien des nourritures, Sévigné, 25 sept. 1689. Ce mariage est fort bon… une alliance agréable, tous les Lamoignons, deux cent mille francs, des nourritures à l'infini, Sévigné, 14 sept. 1689. L'on peut compter sûrement sur la dot, le douaire et les conventions, mais faiblement sur les nourritures : elles dépendent d'une union fragile de la belle-mère et de la bru, La Bruyère, V. Toutes les difficultés [de mon mariage] s'aplanirent moyennant 400 000 livres comptant, sans renoncer à rien, et des nourritures indéfinies à la cour et à l'armée, Saint-Simon, 28, 66.

    Stipuler par contrat de mariage tant d'années de nourriture, faire insérer dans le contrat que les conjoints seront nourris durant tant d'années par les parents de l'un d'eux.

  • 9 Par extension, ce qui entretient et fait durer. C'est un feu qui s'éteint faute de nourriture, Corneille, Cid, I, 3. Et son feu [d'un poëte], dépourvu de sens et de lecture, S'éteint à chaque pas faute de nourriture, Boileau, Art p. III. Ce flambeau sans nourriture N'a qu'une lueur obscure Plus affreuse que la nuit, Voltaire, Ode XI.
  • 10 Fig. Ce qui sert d'aliment intellectuel ou moral. L'honneur est la nourriture et le plus ardent désir des âmes bien nées, Patru, Plaidoyer I, dans RICHELET. Enfin, ma fille, voilà trois de vos lettres… c'est la vie, c'est une agitation, une occupation, c'est une nourriture ; sans cela on est en faiblesse, Sévigné, 27 sept. 1684. J'aime cent fois mieux cette vie que celle de Rennes ; ce sera assez tôt d'y aller passer le carême pour la nourriture de l'âme et du corps, Sévigné, 18 sept. 1689. Dieu, qu'il invoquait avec foi, lui donna le goût de son Écriture, et, dans ce livre divin, la solide nourriture de la piété, Bossuet, Louis de Bourbon. C'était de leurs mains [des prêtres] qu'elle recevait le corps et le sang du Fils de Dieu ; voilà la source de son respect ; comme c'est de cette nourriture céleste que l'âme chrétienne tire sa force, sa consolation et sa charité…, Fléchier, Mar.-Thér. Je fais [mon Dieu] tout ce qu'il vous plaît ; ma nourriture est de faire votre volonté, Fénelon, t. III, p. 189. De même que le corps, l'âme a sa nourriture, Delille, Parad. perdu, VII. Élise s'est gâté l'esprit par sa lecture ; Elle en est aux romans pour toute nourriture, Collin D'Harleville, Malice pour malice, I, 8.
  • 11Se dit du tan et des autres substances que les peaux absorbent dans leur préparation.
  • 12 Terme de marine. Se dit, parmi les matelots, des grains ou nuages orageux qui couvrent le ciel.
  • 13 Terme d'alchimie. Nourriture de la pierre, continuation du feu.

PROVERBE

Nourriture passe nature, c'est-à-dire une bonne éducation peut corriger les mauvaises inclinations naturelles.

HISTORIQUE

XIe s. Et s'il pot prover que ceo [cela, le bétail] soit de sa nurture, Lois de Guil. 25.

XIIIe s. … Estranges païs, Lointains de ma norreture [pays natal], Ms. de poésies franç. avant 1300, t. I, p. 374, dans LACURNE. Riches homs est à desmesure De bestes et de noureture… Si a guerpie [abandonné] la pasture Les bestes, et la nourreture, Du Cange, nutricatio. Ne peüst vers tel peine avoir nule durée, Selon la nourreture dont elle ert [était] gouvernée, Berte, XLVI.

XIVe s. Et pour ce pourroit aucun diviser et separer d'ensemble amisté de lignage et amisté de nourreture ou de ceulx qui sont nourris ensemble, Oresme, Eth. 250. Le quel Thevenon avoit fait mengier grant partie de leur avoine à ses bestes et norretures, Du Cange, nutricatio.

XVe s. Les princes sont plus enclins en toutes choses voluntaires que autres hommes, pour la nourriture et petit chastoye que ilz ont eu en leurs jeunesses, Commines, Prol. Et s'il n'eust eu la nourriture autre que les seigneurs que j'ay veus nourrir en ce royaulme… car ils ne les nourrissent seullement que à faire les sotz en habillement et en parolles, de nulle lettre ilz n'ont congnoissance, Commines, I, 10. Et combien que je n'aye demouré sur le lieu, si fuz-je informé comme les affaires passoient, et le povez bien aysement entendre pour la congnoissance et nourriture que j'avoye eu de l'ung costé et de l'autre, Commines, v, 13. Alors je seroye eschappée des mains de Salphar, et si ay espoir que fortune me rapporteroit en la terre de ma nourriture [où j'ai été élevée], Perceforest, t. VI, f° 44.

XVIe s. Non seulement humaines creatures Chercherent bleds etautres nourritures, Marot, IV, 19. Nous sommes toutesfois en la tutele du Seigneur, nous les brebis de sa nourriture, Calvin, Instit. 548. Parquoy l'enfant qui est au ventre de la nourrice ne prend suffisante nourriture, et l'enfant qui est au dehors en prend de mauvaise, Paré, XVIII, 24. Ils estoient encore en aage de prendre le ply de telle nourriture qu'il leur vouloit bailler, Amyot, Caton, 43. Ô vous, morts, qui gisez nourriture des vers, Laissez les monumens, reprenez la lumiere, Desportes, Œuvres chrestiennes, paraphrase sur le Libera me. La princesse devisa longuement avecque sa nourriture [celui qu'elle avait élevé], Pasquier, Rech. liv. VI, p. 525, dans LACURNE. Or, vivez de venin, sanglante geniture ; Je n'ai plus que du sang pour vostre nourriture, D'Aubigné, Tragiques, Misères.

ÉTYMOLOGIE

Berry, nourreture ; provenç. noyritura, noiridura ; ital. nutritura ; du lat. nutritura, qui vient de nutritum, supin de nutrire, nourrir.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

NOURRITURE. Ajoutez :
14 Terme d'exploitation houillère. Venue d'eau constante qui alimente un bain d'eau, Demanet, Mines de houille.