« nourrice », définition dans le dictionnaire Littré

nourrice

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

nourrice

(nou-ri-s') s. f.
  • 1Femme qui allaite l'enfant d'une autre. Je ne sais qui fut ta nourrice ; Mais ton corps me paraît en merveilleux état, La Fontaine, Fabl. II, 16. C'est une fille de ma mère nourrice que j'ai mise à la chambre, et elle est toute neuve encore, Molière, Comtesse, I, 4. Je trouve par hasard une femme de Sucy qui me dit qu'elle connaissait une nourrice admirable, Sévigné, Lett. du 8 avril 1671. Je ne vois que trois nourrices dont il soit parlé dans l'Écriture, celle de Rébecca, celle de Niphiboset, et celle de Joas, roi de Juda, Fleury, Mœurs des Israél. tit. XIV, 2e part. p. 168, dans POUGENS. Des mères qui… ont laissé le soin de la première enfance de leurs filles à des nourrices étrangères, Voltaire, Dial. 12. Ah ! ma pauvre nourrice, vous qui avez eu tant de soin de mon enfance, qui m'avez mieux aimé que vos propres enfants, vous avec qui j'ai passé vingt-cinq années les plus douces de ma vie, D'Alembert, Aux mânes de Mlle de l'Espinasse.

    Mettre un enfant en nourrice, le donner à une nourrice hors de chez soi.

    Retirer un enfant de nourrice, le retirer de chez la nourrice.

    Changer un enfant en nourrice, substituer un autre enfant en place de celui qui a été remis à la nourrice. Y a-t-il au monde un honnête homme qui n'eût horreur de changer l'enfant d'un autre en nourrice ? Rousseau, Hél. III, 18.

    Un enfant a été changé en nourrice, la nourrice l'a substitué à celui qu'elle avait reçu des parents.

    Son enfant a été changé en nourrice, la nourrice a remplacé l'enfant de cette mère par un enfant étranger.

    Fig. Il faut qu'il ait été changé en nourrice, se dit d'un enfant qui ne ressemble point à ses parents pour les traits, pour le caractère.

    On dit dans le sens opposé : il n'a pas été changé en nourrice. Il y a ici une petite Mme de N***, qui n'y entend pas tant de finesse ; elle est belle et jeune ; elle est de la maison de M*** et n'a point été changée en nourrice, Sévigné, 27 nov. 1675.

    Mois de nourrice, le temps pendant lequel un enfant est en nourrice, et qui se compte par mois, parce que c'est par mois que la nourriture se paye ordinairement. Cette expression est surtout employée par moquerie quand une personne veut se rajeunir : J'ai vingt-deux ans à peine…- Sans compter les mois de nourrice.

    Fig. Battre sa nourrice, attaquer les choses ou les personnes auxquelles on est redevable de son éducation, de sa fortune. Quand l'on est auteur, et que l'on croit marcher tout seul, on s'élève contre eux [les anciens], on les maltraite, semblable à ces enfants drus et forts d'un bon lait qu'ils ont sucé, qui battent leur nourrice, La Bruyère, I. Dans une critique qu'on a faite à Londres du discours de M. de Fontenelle, on a osé avancer que Descartes n'était pas un grand géomètre ; ceux qui parlent ainsi peuvent se reprocher de battre leur nourrice, Voltaire, Dict. phil. Newton et Descartes.

    On dit dans le même sens : mordre le sein de sa nourrice. Il [le prince d'Orange] a montré de bonne heure ce qu'il savait faire, il a mordu le sein de sa nourrice : elle en est morte, la pauvre femme ; je m'entends, il suffit, La Bruyère, XII.

  • 2Nourrice sur lieu, femme qui allaite un enfant dans la maison de la mère.
  • 3Mère qui allaite son propre enfant. Malheur à celles qui sont enceintes ou nourrices en ce temps-là [lors de la désolation de Jérusalem] ! Pascal, Lett. à Mlle de Roannez, 9. Comme la véritable nourrice est la mère, le véritable précepteur est le père ; qu'ils s'accordent dans l'ordre de leurs fonctions ainsi que dans leur système, Rousseau, Ém. I.
  • 4 Fig. Ce qui entretient, alimente. La mémoire est la nourrice du génie ; pour peindre le malheur, il n'est pas besoin d'être malheureux, mais il est bon de l'avoir été, Marmontel, Élém. litt. Œuvr. t. VII, p. 116, dans POUGENS.

    Il se dit d'une province qui fournit à une ou plusieurs villes de quoi se nourrir. La Normandie est la nourrice de Paris.

  • 5 Fig. Ce qui, dans certaines professions, procure le plus de gain (sens qui vieillit). Les maladies chroniques sont les nourrices des médecins.
  • 6Jument qui allaite.

    Se dit des abeilles qui ont pour emploi de soigner les œufs et les larves.

HISTORIQUE

XIIe s. Terre norrice, par tanz, De chevaliers pruz e vaillanz, Benoit de Sainte-Maure, I, v. 1073. E sa nurrice prist l'enfand, si s'en fuid, Rois, p. 135. Une norisse [il] a demandée Por l'enfant norir, e louée, Grégoire le Grand, p. 39. Roy voudrent [ils voulurent] faire, sy doubterent, Le quel des vallez [jeunes enfants] roy feroient ; Petit erent [ils étaient petits], et poy savoient, Encore estoient à nourrice, Brut, ms. f° 50, dans LACURNE.

XIIIe s. Nourrices poi curieuses [soigneuses] ont mis maint enfant à mort, Beaumanoir, LXIX, 5. Il li avoit convent [fait promesse] qu'il metroit l'enfant à norrice et en bon liu, Beaumanoir, LXIII, 7.

XVe s. Et luy sembloit que le connestable estoit cause et vraye nourrice de ceste guerre, Commines, III, 11. Sachez que l'on dist que amour de mere est plus grande que amour de nourrice, Perceforest, t. III, f° 130.

XVIe s. Par la louange nourrice de vertu, sont les cueurs nobles aiguillonnez et resveillez, Du Bellay, M. Prolog. Si vous estiez mort en nourrice, Montaigne, I, 87. Cette communication, nourrice de l'amitié, Montaigne, I, 240. De grosses nourrices aulcunes fois moins de lait, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 177. Les nourrices peuvent bien dormir, les enfants s'esbatent, Leroux de Lincy, ib. p. 333. Un en bon point de nourrice, Cotgrave Peut-estre vous feroit on accroire que vous avez depucelé une nourrice, Cholières, f° 94, dans LACURNE.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. nuirissa, noyrissa, noirissa ; du lat. nutritia, de nutrire, nourrir. On serait tenté de le tirer de nutricem ; mais les noms en īcem donnent is, et non pas ice : imperatricem, empereïs ; la forme en ice dans les mots qui dérivent de mots en icem est moderne.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

NOURRICE. Ajoutez :
7 Nourrice sèche, nourrice qui n'a point de lait, et qui élève les enfants au biberon et en leur donnant à manger, Journ. offic. 12 janv. 1876, p. 335, 1re col.
8 Terme de zoologie. Nom, dans la génération alternante, de l'individu qui, né d'un parent, ne lui ressemble pas, mais est destiné à produire par génération agame une progéniture semblable au premier parent et à mourir sans prendre les caractères de ce dernier.
9 Compartiment qui termine la série des chauffoirs, Enquête sur les sels, 1868, t. I, p. 510.