« noyé », définition dans le dictionnaire Littré

noyé

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

noyé, ée

(no-ié, iée ; plusieurs prononcent noi-ié) part. passé de noyer
  • 1Qui a perdu la vie par immersion. Noyé dans la Seine. Comme on voit un homme à demi noyé qui se prend de toute sa force à une branche qu'on lui tend dessus le rivage, Bossuet, Réfut. cat. Ferry, I, I, 6.

    Substantivement. Un noyé. Une noyée. Rappeler un noyé à la vie. Secours pour les noyés. Entre l'état d'un noyé qui revient à la vie, et l'état de celui dont la mort est irrévocable, la différence sera difficile à bien établir, Cabanis, Instit. Mém. scienc. mor. et pol. t. I, p. 101.

  • 2 Fig. Noyé de dettes, qui est accablé de dettes. Cette mort, le laissant noyé de dettes, sans ressources et sans espérance, il prit, je crois, la résolution de se délivrer de la vie, Marmontel, Mém. IX.
  • 3 Fig. Perdu, ruiné. Et le monde effrayé Vous regarde déjà comme un homme noyé, Boileau, Sat. IX. Chamilly, illustré par bien des siéges, mais noyé par Louvois et par Barbézieux, Saint-Simon, 95, 4. Si votre amour l'emporte, adieu, plus d'amitié, D'estime ni d'égard pour un homme noyé, Boissy, Deh. tromp. V, 3.
  • 4Inondé. Toutes les rivières sont débordées ; tous les grands chemins sont noyés ; toutes les ornières cachées ; on peut fort bien verser dans tous les gués, Sévigné, 13. Les mangliers qui couvrent un sol noyé rendent les lagons plus impénétrables, Raynal, Hist. phil. XIII, 49.

    Très mouillé par la pluie. Le mauvais temps continue, il n'y a d'intervalle que pour nous faire mouiller… on prend le moment d'entre deux nuages… et l'on se trouve noyé, Sévigné, 21 juin 1680.

    Papier noyé, papier qu'on a trop trempé.

    Teinte noyée, se dit, dans la peinture en émail, d'une teinte affaiblie ou devenue livide.

  • 5Se dit des larmes coulant en abondance. Jamais une joie [le rappel du prince de Conti à la cour] n'a été noyée de tant de larmes [à cause de la mort du prince de Condé], Sévigné, 13 déc. 1686. Mon désespoir, mes yeux de pleurs toujours noyés, Racine, Andr. IV, 3. Ciel ! vos yeux noyés de larmes et votre visage défait m'annoncent quelque grand malheur, Beaumarchais, Mère coupable, II, 14.
  • 6 Fig. Noyé dans, adonné tout entier à. Cette âme malheureuse toute noyée et tout abîmée dans les affections sensuelles, Bossuet, Sermons, Impénit. fin. Variantes B, dans GANDAR, Choix de sermons. Un jeune Lydien noyé dans les plaisirs, Fénelon, Tél. III. Dans les temps de sa vie où il était le plus dissipé et noyé dans le commerce des dames, je l'ai toujours vu droit, sincère et même sévère sur la religion, Maintenon, Lett. au card. de Noailles, 18 oct. 1695. Noyé dans les plaisirs, mais capable d'affaire, Chaulieu, Épît. à Lafare.
  • 7Perdu comme dans une grande étendue d'eau. Mlle de Scudéry vient de m'envoyer deux petits tomes de Conversations ; il est impossible que cela ne soit bon, quand cela n'est point noyé dans son grand roman, Sévigné, 25 sept. 1680. Comment vous serez-vous tirée de ses pattes [une fournisseuse qui demandait ce qui lui était dû] et de ces inondations de paroles où l'on se trouve noyée, abîmée ? Sévigné, 27 oct. 1689. M'étant, pour ainsi dire, assuré de moi-même, je commence à regarder hors de moi, et je me considère avec une sorte de frémissement, jeté, perdu dans ce vaste univers et comme noyé dans l'immensité des êtres, Rousseau, Ém. IV. Voilà le début d'Hécatée dans son histoire : … ce n'étaient guère que des légendes fabuleuses… peu de faits noyés dans des contes à dormir debout, Courier, Trad. d'Hérod. Préface du trad.
  • 8Se dit du sang versé par torrents. Rome entière noyée au sang de ses enfants, Corneille, Cinna, I, 3. Songe aux fleuves de sang où ton bras s'est baigné, De combien ont rougi les champs de Macédoine, Combien en a versé la défaite d'Antoine, Combien celle de Sexte, et revois tout d'un temps Pérouse au sien noyée et tous ses habitants, Corneille, ib. IV, 1.

    Terme de marine. Se dit de la batterie d'un navire quand elle se trouve trop près de la ligne d'eau, par l'effet d'une mauvaise construction ou d'une surcharge.

    Se dit aussi, familièrement, d'un objet qui disparaît à l'horizon.

    Être noyé, se dit du pilote qui, voulant prendre hauteur, ne découvre point assez d'horizon.

    PROVERBE

    De cent noyés, pas un de sauvé ; de cent pendus, pas un de perdu, qui veut dire que sur cent pendus il n'y en a pas un à regretter, tandis que les noyés sont une vraie perte.