« pudeur », définition dans le dictionnaire Littré

pudeur

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

pudeur

(pu-deur) s. f.
  • 1Honte honnête causée par l'appréhension de ce qui peut blesser la décence. Pudeur, dont on ne s'est servi que depuis M. Desportes, qui en a usé le premier, à ce que j'ai entendu dire, Vaugelas, Rem. t. II, p. 979, dans POUGENS. Elle tombe, et, tombant, range ses vêtements ; Dernier trait de pudeur même aux derniers moments, La Fontaine, Filles de Minée. La nature a mis en nous la pudeur, c'est-à-dire la honte de nos imperfections, Montesquieu, Esp. XVI, 12. Mais je vois la pudeur s'avancer sur sa trace ; Ah ! qui peut séparer la pudeur de la grâce ? Delille, Imag. III. Et la pudeur enfin est la grâce de l'âme, Delille, ib.

    Fig. Tous mes écrits, enfants d'une chaste candeur, N'ont jamais fait rougir le front de la pudeur, Gilbert, Mon apologie.

  • 2Honte honnête causée par l'appréhension de ce qui peut blesser la modestie, l'honnêteté. La femme sainte et pleine de pudeur est une grâce qui passe toute grâce, Sacy, Bible, Ecclésiastique, XXVI, 19. La vraie chasteté de l'âme, la vraie pudeur chrétienne est de rougir du péché, Bossuet, Mar.-Thér. Je veux dans la satire un esprit de candeur, Et fuis un effronté qui prêche la pudeur, Boileau, Art p. II. Une noble pudeur à tout ce que vous faites Donne un prix que n'ont point ni la pourpre ni l'or, Racine, Esth. III, 4. Quelle aimable pudeur sur leur visage est peinte ! Racine, ib. I, 2. Les hommes corrompus n'ont aucune pudeur, et ils sont toujours prêts à toutes sortes de bassesses, Fénelon, Tél. XI. Ainsi que l'honneur, La générosité, madame, a sa pudeur, Dufrény, Réconc. norm. IV, 4.

    Homme sans pudeur, homme qui ne rougit de rien.

  • 3Chasteté, en parlant d'une femme. Mais la pudeur peut tout sur l'esprit d'une fille, Corneille, Théod. II, 7. Vous qu'il prit à témoins d'une immortelle ardeur, Quand, par un faux serment, il vainquit ma pudeur, Corneille, Médée, I, 4. De l'austère pudeur les bornes sont passées, Racine, Phèd. III, 1.
  • 4Sorte de discrétion, de retenue, de modestie qui empêche de dire, d'entendre ou de faire certaines choses sans embarras. Il [l'ami] cherche vos besoins au fond de votre cœur ; Il vous épargne la pudeur De les lui découvrir vous-même, La Fontaine, Fabl. VIII, 11. Vous… Qui ne pûtes jamais écouter sans pudeur La louange la plus permise, La Fontaine, ib. X, 15. Si toujours dans leur âme [des ministres protestants] une pudeur rebelle, Près d'embrasser l'Église, au prêche les rappelle, Boileau, Ép. III. … Votre fils me défend de poursuivre ; Je l'affligerais trop si j'osais achever ; J'imite sa pudeur et fuis votre présence, Racine, Phèd. v, 3. Moi-même, je l'avoue avec quelque pudeur… Ce nom de roi des rois et de chef de la Grèce Chatouillait de mon cœur l'orgueilleuse faiblesse, Racine, Iph. I, 1. Il n'accepte la place qu'en faisant bien sentir la noble pudeur qu'il avait de succéder à un des premiers géomètres de l'Europe, lui qui ne s'était nullement tourné de ce côté là, Fontenelle, Dangeau.

    La pudeur des lois, le respect que les lois inspirent. L'autorité établie pour maintenir l'ordre et la pudeur des lois, méritée par les excès qui les violent [remise entre les mains de ceux qui les violent en récompense de leurs excès], Massillon, Petit car. Exemples.

HISTORIQUE

XVIe s. Utile decence de nostre virginale pudeur, si elle pouvoit interdire ceste descouverte, Montaigne, III, 5.

ÉTYMOLOGIE

Lat. pudorem. Pudeur, d'après Vaugelas (voy. ci-dessus au n° 1) a été employé pour la première fois par Desportes.