« rime », définition dans le dictionnaire Littré

rime

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

rime

(ri-m') s. f.
  • 1Uniformité de son dans la terminaison de deux ou de plusieurs mots. Il faut avoir un grand soin d'éviter les rimes en prose, où elles ne sont pas un moindre défaut qu'elles sont un des principaux ornements de notre poésie, Vaugelas, Rem. t. I, p. 398. De grâce, enseigne-moi l'art de trouver la rime ; Ou, puisque enfin tes soins y seraient superflus, Molière, enseigne-moi l'art de ne rimer plus, Boileau, Sat. II. Maudit soit le premier dont la verve insensée… Voulut avec la rime enchaîner la raison ! Boileau, ib. Que toujours le bon sens s'accorde avec la rime ; L'un l'autre vainement ils semblent se haïr ; La rime est une esclave et ne doit qu'obéir, Boileau, Art p. I. Si je pense exprimer un auteur sans défaut, La raison dit Virgile et la rime Quinault, Boileau, Sat. II. Peu de gens font réflexion pourquoi les rimes, qui font une partie de l'agrément des vers, sont insupportables dans la prose, Fontenelle, Réfl. poét. Œuv. t. III, p. 200, dans POUGENS. On a osé faire des tragédies depuis Racine ; mais ce sont des tragédies en rimes, et non pas en vers, Voltaire, Lett. St-Lambert, 7 mars 1769. Il est indubitable que la rime n'a été inventée que pour l'oreille ; c'est le retour des mêmes sons, ou des sons à peu près semblables qu'on demande, et non pas le retour des mêmes lettres, Voltaire, Comm. Corn. Rem. Médée, I, 5. Il est vrai que la rime ajoute un mortel ennui aux vers médiocres ; le poëte alors est un mauvais mécanicien qui fait entendre le bruit choquant de ses poulies et de ses cordes, Voltaire, Dict. phil. Rime. Nous avons remarqué que l'Arioste a fait quarante-huit mille rimes de suite dans son Orlando, sans ennuyer personne, Voltaire, ib. Je ne puis souffrir qu'on sacrifie à la richesse de la rime toutes les autres beautés de la poésie, Voltaire, Œdipe, 5e lett. Les Anglais ont un autre avantage sur nous, c'est de se passer de rime ; le mérite de nos grands poëtes est souvent dans les difficultés de la rime surmontées, et le mérite des poëtes anglais est souvent dans l'expression de la nature, Voltaire, Lett. Saurin, 28 févr. 1764. Je ne sais ce qui arrivera des vers sans rime ; mais je ne désespère pas que, s'ils s'établissent jamais, l'usage ne commence par nos vers lyriques, par ceux qui sont faits pour être chantés, D'Alembert, Œuv. t. IV, p. 112. Quand la rime qu'on emploie est trop abondante, comme celle des mots en ant, on regarde comme une négligence la rime qui n'est que dans le son, et qui n'est pas dans la consonne, Marmontel, Œuv. t. X, p. 111. Boileau appelait rimes de bouts rimés, celle de Sphinx et de Syrinx, et la reprochait à Lamotte, Marmontel, ib. p. 120.

    Familièrement et par plaisanterie. Mettre en rimes, mettre en rime, mettre en vers. Vais-je d'un pape illustre [Innocent X], armé contre tes crimes [de l'équivoque], à tes yeux mettre ici toute la bulle en rimes ? Boileau, Sat. XI. Là des Turcs amoureux, soupirant des maximes, Débitent galamment Sénèque mis en rimes, Gilbert, le XVIIIe siècle.

    Rime pleine, ou, plus ordinairement, rime riche, celle où non seulement le son, mais l'articulation est la même, comme vertu et abbattu, étude et solitude.

    Rime suffisante, celle où le même son est suivi de la même articulation, comme plaisir et saphir, timide et rapide.

    Rime pauvre, celle qui n'est que dans le son, et non dans l'articulation, comme vertu et vaincu, jardin et destin.

    Fausse rime, celle qui n'est pas juste pour l'oreille, quoique admise par la coutume, comme vertus et Brutus.

    Rime féminine, rime qui se termine par un e muet. Les rimes féminines qui donnent une grâce singulière à notre poésie, Bouhours, Entret. d'Ariste et d'Eug. II.

    Rime masculine, celle qui ne se termine pas par un e muet. Quinault a grand soin de finir, autant qu'il le peut, ses couplets par des rimes masculines ; et c'est ce que recommandait le grand musicien Rameau à tous les poëtes qui composaient pour lui, Voltaire, Mél. litt. à l'abbé d'Olivet, sur la prosodie. La rime masculine est double, lorsque non-seulement la finale sonore, mais la pénultième, a le même son, comme attirer, respirer, Marmontel, Œuvr. t. X, p. 112. On dit mieux aujourd'hui rime superflue.

    Dictionnaire de rimes, dictionnaire où l'on trouve, à chaque finale rangée alphabétiquement, tous les mots qui se terminent par cette finale. Il [Richelet] est le premier auteur des dictionnaires de rimes, Voltaire, Louis XIV, Écrivains, Richelet.

  • 2Rime parlante, s'est dit de vers qui sur une même rime font un sens complet, comme dans ces vers : Bon génie, On envie Ton industrie, Merc. Galant, sept. 1682, t. II, p. 273.

    Rimes croisées, rimes masculines et féminines qui se succèdent alternativement.

    Rimes plates, rimes qui se suivent deux à deux, comme le Lutrin. Les poëmes d'aventures, dans le moyen âge, sont en vers de huit syllabes à rimes plates, à la différence des chansons de geste qui sont par couplets monorimes plus ou moins longs.

    Rimes mêlées, celles qui se succèdent sans aucun ordre, en observant seulement de faire alterner les masculines et les féminines.

    Rimes normandes, rimes dans lesquelles on fait rimer er fermé avec er ouvert, comme vanter et Jupiter, ainsi dites parce que les normands donnent à er ouvert le son de er fermé.

    Rimes annexées, concaténées, enchaînées, fraternisées, suite de vers dont chacun commençait par le dernier mot ou par la dernière syllabe du vers précédent.

    Rimes batelées, celles d'une pièce de vers dans laquelle on répétait, à la fin du premier hémistiche de chaque vers, le dernier son du vers précédent.

    Rime couronnée, celle qui se répétait deux fois à la fin de chaque vers.

  • 3 Fig. Il n'y a ni rime ni raison dans…, il n'y a pas de bon sens dans. Il avait observé que, de tout temps, en France la rime avait plus de crédit que la raison, Guez de Balzac, le Barbon. Il n'y a ni rime ni raison avec ces gens-ci [le parlement], Retz, III, 292. Remettons ce discours pour une autre saison ; Monsieur n'y trouverait ni rime ni raison, Molière, Femm. sav. IV, 3. Le paquet est venu fort doucement, nous ne savons pourquoi ; il n'y a ni rime ni raison à la conduite des postes, Sévigné, 10 avr. 1691. Je me porte très bien ; mais, pour mes mains, il n'y a ni rime ni raison, Sévigné, 22 mars 1676.

    On dit de même : cet homme, cette chose n'a ni rime, ni raison. Ceux qui n'ont ni rime ni raison, Sévigné, 240. Une petite évaporée dont les manières n'avaient ni rime ni raison, Hamilton, Gramm. 10.

    N'entendre ni rime ni raison, ne rien entendre, ne vouloir pas écouter, soit par sottise, soit par emportement. Je porte des livres ; je m'en vais, comme une furie, pour me faire payer ; je ne veux entendre ni rime ni raison : c'est une chose étrange que la quantité d'argent qu'on me doit, Sévigné, 3 mai 1680.

    S'il n'y a de la raison, il y a de la rime, se dit de méchants vers.

  • 4 Au plur. Vers. Les rimes légères et spirituelles de Voltaire. Et si, du son hardi de ses rimes cyniques, Il [Régnier] n'alarmait souvent les oreilles pudiques, Boileau, Art p. II.

    On le dit aussi au singulier en ce sens. Les officiers du roi Ne devraient exiger de moi Que de la rime et de la prose, Mainard, dans RICHELET.

HISTORIQUE

XIIIe s. Li sentiers de rime est plus estroiz et plus fors [que la prose], si comme cil qui est clos et fermez de murs et de paliz, ce est à dire de poinz et de numbre et de mesure certaine, de quoi on ne puet ne ne doit trespasser, Latini, Trésor, p. 481. À fere ce qui me delite [plaît], Une aventure à mettre en rime, Lai de l'ombre.

XVe s. Il n'y a rime ne raison En tout quant que vous rafardez, Pathelin. Le chevalier, qui entendoit ceste rime [les affaires d'amour] comme celuy qui y avoit esté versé, Perceforest, t. IV, f° 17. Lequel Guillaume respondi qu'ils ne cesseroient point et feroient la rime [le tapage] et tout le pertinent à chalivaly, Du Cange, rima. Rigme batelée, brisée, en chaînée, à double queue, rigme en forme de complainte amoureuse, Henri de Croy, dans Hist. litt. de la France, t. XXIV, p. 451. À la porte de mon logis et de ma chambre me firent plus de cent croix blanches et des rymes contenant que le roy de France et le conte de Varvic estoient tout ung, Commines, III, 6.

XVIe s. Petrarque aussi, le Romant de la rose, Sont les messels, breviaire et psautier, Qu'en ce saint temple on list, en rithme et prose ; Et les leçons, que chanter on y ose, Ce sont rondeaux, ballades, virelais, Mots à plaisir, rithmes et triolets, Marot, I, 184.

ÉTYMOLOGIE

Prov. rim, s. m. rima, rime, poëme, anc. cat. rim ; espagn. portug. et ital. rima. On hésite entre le latin rhythmus, rhythme, et l'ancien haut-allemand rim, nombre ; allem. mod. Reim, rime (le mot se trouve aussi dans le celtique : anc. irl. rîm ; kymri, rhif). Diez se prononce pour l'étymologie allemande, vu que rhythmus ne peut donner en italien rima ; il aurait donné rimmo ou remmo, tandis que toutes les formes romanes sortent sans peine du germanique ou celtique rîm.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

RIME. Ajoutez :
5Rime en goret, voy. GORET au Supplément.