« rimer », définition dans le dictionnaire Littré

rimer

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

rimer [1]

(ri-mé) v. n.
  • 1Avoir le même son, en parlant des finales des mots. C'est par l'honneur qu'il [Trissotin] a de rimer à latin, Qu'il a sur son rival emporté l'avantage, Molière, Femm. sav. IV, 7. Quand je veux d'un galant dépeindre la figure, Ma plume pour rimer trouve l'abbé de Pure, Boileau, Sat. II. Une brève, à la rigueur, ne doit rimer qu'avec une brève, ni une longue qu'avec une longue, D'Olivet, Prosodie franç. V, I.

    Rimer à l'oreille, aux oreilles, se dit de deux finales dont le son est le même.

    Rimer aux yeux, se dit de deux finales qui ont même orthographe et non même son. Monsieur et seigneur riment aux yeux, et non à l'oreille.

    Fig. et familièrement. Ces deux choses ne riment pas ensemble, elles n'ont aucun rapport. Il se trouve aujourd'hui que leur cœur et leur convention ne riment pas ensemble, et qu'on est fort embarrassé de savoir ce qu'on fera de vous, Marivaux, Serm. indiscr. IV, 3.

    Cela ne rime à rien, ne signifie rien, est dépourvu de sens.

  • 2Il se dit aussi en parlant du poëte occupé à faire rimer les mots. Ce poëte rime bien, rime mal. C'est des Arabes, à mon avis, que nous tenons l'art de rimer ; et je vois assez d'apparence que les vers léonins ont été faits à l'exemple des leurs, Huet, De l'origine des romans, p. 19, dans POUGENS. Il faut que ceux qui ne sauraient pas que le poëte a été obligé de rimer ne s'en aperçoivent pas ; et que ceux qui le savent soient surpris de ne pas s'en apercevoir, Fontenelle, Réfl. poét. Œuv. t. III, p. 203, dans POUGENS. Autrefois, quand je faisais des vers, je ne rimais pas trop pour les yeux, mais j'avais grand soin de l'oreille, Voltaire, Lett. de Boissy, 7 déc. 1770.

    Rimer en Dieu, jurer, blasphémer. C'est là que l'on rime très richement en Dieu, Scarron, Rom. com. I, 3.

  • 3Faire des vers. Et, lorsque d'en mieux faire [des vers] on n'a pas le bonheur, On ne doit de rimer avoir aucune envie, Qu'on n'y soit condamné sur peine de la vie, Molière, Mis. IV, 1. Il est vrai, s'il [Chapelain] m'eût cru, qu'il n'eût point fait de vers ; Il se tue à rimer ; que n'écrit-il en prose ? Boileau, Sat. IX. Tout n'en irait que mieux, Quand de ces médisants [les satiriques] l'engeance tout entière Irait, la tête en bas, rimer dans la rivière, Boileau, ib. Persuadé que l'harmonie Ne verse ses heureux présents Que sur le matin de la vie, Et que, sans un peu de folie, On ne rime plus à trente ans, Gresset, Chartr. Et Despréaux rima contre les plats rimeurs, Delille, Trois règ. VII.
  • 4 V. a. Faire rimer. S'ils font quelque chose, C'est proser de la rime, et rimer de la prose, Régnier, Sat. IX. Mais je ne puis souffrir qu'un esprit de travers Qui, pour rimer des mots, pense faire des vers…, Boileau, Disc. au roi.
  • 5Mettre en vers. Puis dessus le papier mes caprices je rime, Régnier, Sat. XI. Certain conte, Que j'ai rimé comme vous allez voir, La Fontaine, Mazet. Muse, c'est donc en vain que la main vous démange ; S'il faut rimer ici, rimons quelque louange, Boileau, Sat. VII. Et pour rimer ici ma pensée en deux mots, Boileau, ib. IV. Marot bientôt après fit fleurir les ballades, Tourna des triolets, rima des mascarades, Boileau, Art p. I. Seul en un coin, pensif et consterné, Rimant une ode et n'ayant point dîné, Voltaire, Le pauvre diable.

HISTORIQUE

XIIIe s. Qui bien voudra rimer, il li convient conter totes les syllabes de ses diz, en tel maniere que li vers soient acordables en nombre, et que li uns n'ait plus que li autres ; après ce convient il amesurer les deux derraines sillabes dou vers en tel maniere que totes les letres de la derraine sillabe soient semblables, et au mains [moins] la vocal syllabe qui va devant la derraine ; après ce li convient il contre-poser l'accent et la voix, si que les rimes s'accordent à ses accens ; car jà soit ce que tu accordes les letres et les sillabes, certes la rime n'iert [ne sera] droite se li accens se descorde, Latini, Trésor, p. 481. Ceste sentence ci rimée Troveras escripte en Thimée De Platon qui ne fu pas nices, la Rose, 7135.

XIVe s. Une chanson d'amours… Que Blance li avoit apris nouviellement ; Un clerc l'avoit rimée tant grasieusement, Baud de Seb. V, 394.

XVe s. Si empris-je assez hardiment, moi issu de l'escole, à rimer et à dicter les guerres dessus dites, Froissart, Prol.

XVIe s. En m'esba tant je fais rondeaux en rithme ; Et en rithmant bien souvent je m'enrime, Marot, II, 32. Quoy, dist Grandgousier, as-tu pris au pot, veu que tu rimes desjà [calembour sur rimer, qui, en patois saintongeois, se dit des viandes qui prennent au pot] ? - Oui dea, respondit Gargantua, mon roy, je rime tant et plus, et en rimant souvent m'enrime [m'enrhume], Rabelais, I, 13. Cela se peult bien rismer, mais il ne s'accorde pas, Palsgrave, p. 691.

ÉTYMOLOGIE

Rime ; provenç. espagn. et portug. rimar ; ital. rimare. L'ancienne langue disait aussi rimoier.