« rudesse », définition dans le dictionnaire Littré

rudesse

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rudesse

(ru-dè-s') s. f.
  • 1Qualité de ce qui est brut, de ce qui n'est pas dégrossi, poli. Et que serait-ce, bon Dieu ! si j'allais rechercher toutes les impertinences de cet ouvrage, les mauvaises façons de parler, les rudesses, les incongruités, les choses froides et platement dites qui s'y rencontrent partout ! Boileau, Dissert. sur Joconde. Mais du discours enfin l'harmonieuse adresse De ces sauvages mœurs adoucit la rudesse, Boileau, Art p. IV. J'aimerais mieux maintenir par les lois la rudesse du peuple vainqueur, qu'entretenir par elles la mollesse du peuple vaincu, Montesquieu, Esp. X, 12. Leurs poëtes [des peuples libres] auraient plus souvent cette rudesse originale de l'invention qu'une certaine délicatesse que donne le goût, Montesquieu, ib. XIX, 27. Lacépède, dont la douceur bénigne et la politesse… n'avaient eu d'autre tort que de se tourner en adulation un peu fade devant la rudesse du premier empire, Villemain, Souvenirs contemporains, les Cent-Jours, XII.
  • 2Qualité de ce qui est rude, âpre au toucher. La rudesse de la peau. La rudesse d'une toile neuve.
  • 3 Par extension. Il se dit de ce qui est désagréable à voir, à entendre, à lire, etc. La rudesse de la voix, des traits, du style. La rudesse de son pinceau.
  • 4Rigueur, en parlant des saisons. La rudesse de la saison… me fait trop de peur pour me laisser sortir de la chambre, Guez de Balzac, liv. IV, lett. 17.

    Il se dit aussi de ce qui afflige. Et des afflictions regarde les rudesses Comme des traitements dus à ta lâcheté, Corneille, Imit. I, 21.

  • 5 Fig. Ce qui, dans le caractère, dans l'humeur, dans les manières d'agir, est comparé à l'action des corps rudes. Il ne faut pas… vous figurer que ce présent [du cardinal de Retz à Mme de Grignan] soit autre chose… qu'une pure bagatelle, dont le refus serait une très grande rudesse, Sévigné, 24 juillet 1675. La sincérité passe pour incivilité et pour rudesse, Fléchier, Duc de Mont. Qu'il était éloigné de ceux qui, joignant à la sévérité de leur profession la rudesse de leur humeur…, Fléchier, le Tellier. De Joad l'inflexible rudesse De leur superbe oreille [des princes] offensait la mollesse, Racine, Ath. III, 3. Nourri dans les forêts, il en a la rudesse, Racine, Phèd. III, 1. …Que puissent nos chants Du cœur d'Assuérus adoucir la rudesse ! Racine, Esth. III, 3. Il [Viviani] n'avait point cette rudesse et une certaine fierté sauvage que donne assez souvent le commerce des livres sans celui des hommes, Fontenelle, Viviani.

    Poétiquement. Insensibilité. J'ai poussé la vertu jusques à la rudesse, Racine, Phèd. IV, 2.

  • 6Action, parole dure, choquante. Reprends, reprends, Jason, tes premières rudesses ; Leur coup m'est bien plus doux que tes fausses tendresses, Corneille, la Tois. d'or, III, 3. La privation des rudesses me tiendrait lieu d'amitié en un besoin, Sévigné, 6 nov. 1680. Je lui dis [à Mlle du Plessis] des rudesses abominables, Sévigné, 29 sept. 1675. Je ne puis lui pardonner [à la fortune] les rudesses qu'elle a pour nous tous, Sévigné, 8 avr. 1676. Ne vous ai-je point parlé d'une rudesse qu'avait faite l'ami de Quanto [le roi] au fils de M. de la Rochefoucauld [Marsillac] ? Sévigné, 23 oct. 1675. Le ris sur son visage est en mauvaise humeur… Ses mots les plus flatteurs paraissent des rudesses, Boileau, Sat. X.

HISTORIQUE

XIIIe s. Puisque chascuns maintenant par rudece Veut estre amés ains que raisons l'adresse…, Mätzner, p. 50.

XIVe s. La rudece de l'ancien langage seurmonter, Bercheure, f° 7. La rudesce de leur entendement, Oresme, Thèse de MEUNIER.

XVe s. Et fist plusieurs rudesses audit hostel à dame Ambroise de Loré, J. de Troyes, Chron. 1460.

XVIe s. Philopoemen faisoit comme le bon pilote, qui resiste le plus qu'il peult à la rudesce du temps et à la force des undes, Amyot, Philop. 30. Et ne doit-on repputer, après l'injure et la rudesse du temps, le deslogement de l'empereur [CharlesQuint] qu'à vous et à vos armes, Carloix, V, 24. Et si l'erreur de ma jeunesse Merite la grande rudesse Des traits contre moy decochez, Desportes, Œuvres chrestiennes, Plainte de l'autheur. N'ayant jamais receu de moy que rudesse, ny senty qu'une façon tyrannique [Montluc parlant de son fils mort], Montaigne, II, 82. Antiochus, estonné de la rudesse d'un si pressant commandement [Popilius et son cercle], Montaigne, III, 103.

ÉTYMOLOGIE

Rude ; prov. et esp. rudeza ; catal. rudesa. On a dit aussi ruderie.