« séduire », définition dans le dictionnaire Littré

séduire

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

séduire

(sé-dui-r') v. a.

Il se conjugue comme conduire.

  • 1Faire tomber dans l'erreur ; détourner du chemin de la vérité. Au nom de cet amour, daignez suivre mes pas [devenir chrétienne]. - Pauline : C'est peu de me quitter, tu veux donc me séduire ? Corneille, Pol. IV, 3. Expliquer à ce nouveau peuple [les protestants après la révocation de l'édit de Nantes] la sainte parole, dont, hélas ! on s'est tant servi pour le séduire, Bossuet, le Tellier. Il n'y a point d'imposture si grossière qui ne les séduise, Bossuet, Hist. II, 9. Une femme italienne [dans le XIe siècle] avait apporté en France cette damnable hérésie [le manichéisme] ; deux chanoines d'Orléans, qui étaient en réputation, furent les premiers séduits, Bossuet, Var. XI, 18.

    Fig. Évite un malheureux, abandonne un coupable ; Cher Pylade, crois-moi, ta pitié te séduit, Racine, Andr. III, 1.

    Il se dit quelquefois des sens qui trompent. Ses yeux ne l'ont-ils point séduite ? Roxane est-elle morte ? Racine, Bajaz. V, 11.

  • 2Faire manquer à un devoir, à ce qu'on doit. Si j'ai séduit Cinna, j'en séduirai bien d'autres, Corneille, Cinna, V, 2. Adam n'a pas été séduit ; mais la femme ayant été séduite est tombée dans la désobéissance, Sacy, Bible, St Paul, 1re épit. à Timoth. II, 14. Une partie de ces anges se laissa séduire à l'amour propre, Bossuet, Hist. II, 1. Il brave ce faste orgueilleux, Et ne se laisse point séduire à tous ses attraits périlleux, Racine, Athal. II, 9. Le sénat fut séduit : une loi moins sévère Mit Claude dans mon lit et Rome à mes genoux, Racine, Brit. IV, 2. Ces dieux qui se sont fait une gloire cruelle De séduire le cœur d'une faible mortelle, Racine, Phèdre, II, 5. Il se laissa séduire par la vaine gloire des conquérants, Fénelon, Tél. XIX.

    Absolument. Ces discours sont dangereux et propres à séduire. C'est un homme habile à séduire.

    Particulièrement. Corrompre l'innocence, la vertu d'une fille, d'une femme. Les misérables femmes, en se laissant séduire, ne savent guère les maux qu'elles apprêtent, Beaumarchais, Mère coup. II, 2.

    Absolument. Moi, plus soldat que tendre, et dédaignant toujours Ce grand art de séduire, inventé dans les cours, Voltaire, Adél. II, 7.

    Il se dit quelquefois pour suborner. Séduire des témoins. Les deux accusateurs que lui-même a produits, Que pour l'assassiner je dois avoir séduits, Corneille, Nicom. III, 8. Femmes, gardes, vizir, pour lui j'ai tout séduit, Racine, Baj. I, 3.

  • 3Plaire, toucher, persuader. Cet homme nous a séduits par le charme de ses manières. Une telle vertu séduirait plus nos cœurs Que tout l'or de ces lieux n'éblouit nos vainqueurs, Voltaire, Alz. IV, 2. Et le sexe imprudent, que tant d'éclat séduit, Voltaire, Tancr. IV, 2. Si, contre toute apparence, un raisonnement de cette espèce avait séduit quelques-uns de nos lecteurs, Voltaire, Diatribe du docteur Akakia.

    Absolument. Son ton séduit. Cela séduit. C'est quelque air d'équité qui séduit et qui plaît, Boileau, Sat. X.

  • 4Se séduire, v. réfl. Être à soi-même une cause de séduction, de faute. Ô anges inconsidérés, vous vous êtes soulevés contre Dieu… l'honneur de votre nature qui vous a enflés, ces belles lumières par lesquelles vous vous êtes séduits, Bossuet, 1er sermon, Démons, I.

    Se faire illusion à soi-même. Ainsi se séduisent eux-mêmes ceux qui n'aiment pas Jésus-Christ selon les sentiments qu'il demande, c'est-à-dire qui n'aiment pas sa croix, Bossuet, Panég. St Pierre, 1. Cédons-la ; vains efforts qui ne font que m'instruire Des faiblesses d'un cœur qui cherche à se séduire, Racine, Mith. IV, 5. Le monde est assez ingénieux à se séduire, sans que nous lui aidions encore nous-mêmes, Massillon, Villeroi. Il n'est personne qui ne soit aveugle à certains égards, et qui ne se séduise soi-même par quelque endroit, Massillon, Carême, Confess. Les vains remèdes qu'elle [la raison] fournit, sont des maux d'autant plus grands et plus incurables, qu'elle est intéressée à ne les plus reconnaître pour des maux, et qu'elle s'est séduite elle-même en leur faveur, Fontenelle, Disc. sur la patience.

SYNONYME

SÉDUIRE, SUBORNER. Séduire, c'est mener hors du chemin de la vérité, du devoir, d'une façon quelconque, par la parole, par les écrits, par les exemples. Suborner, c'est acheter, au moyen d'un prix quelconque, des services qui ne devraient pas être rendus.

HISTORIQUE

XIIe s. Se or vesquit Nerun, jà truvast tost Symun, Qui suduit tut le mund e par buche e par dun, Th. le mart. 29.

XVIe s. Povres brebis, on vous a bien seduictes, Marot, I, 267. Ce sont des loups, qui les troupeaux seduisent Du droict chemin, et à mal les induisent, Marot, I, 314. Tenant avec luy une jeune femme de noble maison qu'il avoit desbauchée et seduitte, Amyot, Alc. 81. J'estime la beauté qualité puissante et advantageuse… nous n'en avons point qui la surpasse en credit ; elle tient le premier rang au commerce des hommes ; elle se presente au devant, seduict et preoccupe nostre jugement, Montaigne, IV, 223.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. seduire ; catal. seduir ; espagn. seducir ; portug. seduzir ; ital. sedurre ; du lat. seducere, de se, indiquant séparation, et ducere, mener (voy. DUIRE).