« séjour », définition dans le dictionnaire Littré

séjour

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

séjour

(sé-jour) s. m.
  • 1Résidence plus ou moins longue dans un lieu, dans un pays. Mme la princesse [de Condé] partira …pour Chateauroux, où M. le Prince désire qu'elle fasse quelque séjour, Sévigné, 14. Je ne ferai jamais de séjour à cette terre [de Bourbilly], Sévigné, à Guitaut, 9 févr. 1683. On était de séjour dans un pays ouvert et plein, Hamilton, Gramm. 10.

    Le séjour d'un lieu, la résidence en ce lieu durant un certain temps. Craignez-vous la présence De ces paisibles lieux si chers à votre enfance, Et dont je vous ai vu préférer le séjour Au tumulte pompeux d'Athène et de la cour ? Racine, Phèd. I, 1. Germain était venu satisfaire cette curiosité [des dames de la cour] par sa présence, et, quoiqu'on trouvât son brillant un peu brouillé par le séjour de la campagne…, Hamilton, Gramm. 10.

  • 2 Fig. Il se dit des eaux, du sang, des humeurs dont le mouvement est arrêté. Le séjour des mers sur un continent. Le séjour du sang extravasé en une partie. Par cette immense quantité d'eaux que Dieu amena sur la terre, et par le long séjour qu'elles y firent, Bossuet, Hist. II, 1.
  • 3Intervalle de repos que l'on prend en voyage. Les troupes ont une longue marche à faire, et peu de séjours. Les lamas prennent d'eux-mêmes un séjour de 24 à 30 heures avant de se remettre en marche, Buffon, Morc. choisis, p. 185.

    Bête de séjour, bête malade qui doit rester à l'écurie.

  • 4 Terme de marine. Temps qu'un bâtiment passe en relâche. Le séjour de la frégate dans tel port.
  • 5Lieu considéré par rapport à l'habitation, à la demeure qu'on y fait Cette ville est un agréable séjour, est le séjour des plaisirs. Je vous vois à regret, tant mon cœur amoureux Trouve la cour pour vous un séjour dangereux, Corneille, Nicom. I, 1. Mais si dans ce séjour de gloire et de lumière Ce Dieu tout juste e bon peut souffrir ma prière, Corneille, Poly. IV, 3. Et [certaines femmes] font de leur maison… Un séjour de douleur, de larmes et de cris, Boileau, Sat. X. Ces images de félicité me font comprendre que vous êtes déjà descendu dans le séjour des âmes bienheureuses que les dieux récompensent de leurs vertus par une éternelle tranquillité, Fénelon, Tél. XVIII.

    Petit séjour, nom qu'on donnait aux maisons de campagne qu'avaient les princes et les princesses aux environs de Paris.

    Il se dit poétiquement dans plusieurs locutions. L'humide séjour, la mer.

    Le séjour infernal, l'enfer.

    Le séjour ténébreux, le séjour du trépas, l'empire des morts. Du séjour du trépas quelle voix me rappelle ? Voltaire, Zaïre, II, 3. Que les morts déchaînés du séjour ténébreux De la terreur en vous laissent encor la trace, Voltaire, Sémir. IV, 4.

    Le séjour des dieux, le céleste séjour, le séjour du tonnerre, le ciel.

  • 6Retard, délai. Sans discourir, faites ce qu'il faut faire ; Un moment de séjour peut tout déconcerter, Corneille, Oth. IV, 2. Je me rendrais suspect par un plus long séjour, Racine, Brit. V, 1.

HISTORIQUE

XIe s. Entres qu'à Aix [il] ne velt prendre sujurn, Ch. de Rol. CCLIX.

XIIe s. Tant s'est amours affermée En mon cuer à lonc sejor, Couci, I. Courtois ameor [amants], Qui à sejor [en repos] Gisez en chambre coie, Romancero p. 68. L'arcevesque Thomas n'out cure de sujur : Bien lui fu acuintié, s'il atendist le jur, Il fust mis en prisun…, Th. le mart. 49.

XIIIe s. Li empereres ert [était] à sejour à Constantinoble, H. de Valenciennes, II. Le diex d'amors et nuit et jor Servés loiaument sans sejor [relâche], la Rose, 7324. Cil Guillaumes dont je vos conte, Qui est à monseigneur le conte De Poitiers, chassoit l'autre jour Un lievre qui ert à sejour, Rutebeuf, 290.

XIVe s. Semblablement porront pasturer toutes manieres de bestes arables desdiz habitans, et chascun desdiz habitans avec deux bestes de sejour, avec leur seguence de lait, Du Cange, sejornare.

XVe s. Ils ont le sejour et les beaux manoirs ; et nous avons… la pluie et le vent aux champs [Jean Balle aux serfs anglais contre les seigneurs], Froissart, II, II, 106. Quant me souvient des bons jours, Des sejours, Des grans festes, des estours, Qui furent en mainte ville, Deschamps, Poésies mss. f° 70. Pierre de Leraut, concierge du sejour de Neelle du duc de Berry, Du Cange, sejornare.

XVIe s. Vous mes bons disciples, et quelques autres fols de sejour, lisans les joyeulx tiltres d'aulcuns livres de nostre invention…, Rabelais, Garg. I, prol. Cy entrez, vous… en ce passaige est le sejour d'honneur, Rabelais, ib. I, 54. Une maniere d'hommes las du repous et faschez du sejour, Rabelais, ib. I, 58. En ces menuz deviz arrivarent en leurs navires, et plus long sejour ne feirent en ycelle isle de Chely, Rabelais, Pant. IV, 11. Adieu aussi à toutes celles Qui embellissent ton sejour [Lyon], Marot, II, 188. Dictes pourquoy faites si longz sejours à me donner ce que tant veux cherir ? Marot, II, 326. Autour de luy sont en ce beau sejour L'air et les mois, les siecles et le jour, Marot, IV, 57. …Combien qu'ils [mes chevaux] soient tout frais et de sejour, Marot, IV, 60. Il fault choisir une occupation non penible ; aultrement pour neant ferions nous estat d'y estre venus chercher le sejour [repos], Montaigne, I, 282. C'est un grand sejour d'esprit de n'avoir à tenir qu'une voye tracée, et à respondre que de soy, Montaigne, I, 330. Le soleil bransle, sans sejour, sa course ordinaire, Montaigne, II, 261. La salle du plaidoyer du sejour d'Estampes, lieu destiné et prins pour faire la seance, arrest, lecture et publication desdittes coustumes, Coust. génér. t. I, p. 244.

ÉTYMOLOGIE

Voy. SÉJOURNER ; bourguig. séjor, provenç. sojorn, sejorn ; anc. espagn. sojorno ; ital. soggiorno.