« sentinelle », définition dans le dictionnaire Littré

sentinelle

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sentinelle

(san-ti-nè-l') s. f.
  • 1Guet que fait un homme et surtout un soldat ; en ce sens il ne s'emploie qu'avec en, de ou faire. Isabelle Durant notre entretien demeure en sentinelle, Corneille, le Ment. III, 5. Sur la branche d'un arbre était en sentinelle Un vieux coq adroit et matois, La Fontaine, Fabl. II, 15.

    Mettre quelqu'un en sentinelle, le mettre dans un endroit d'où il puisse apercevoir ce qui se passe.

    Fig. Vos talents [d'un danseur], quels qu'ils soient, n'auraient qu'un faible éclat Sans ce juge subtil, ce tact si délicat Que la nature même, à nos plaisirs fidèle, Pour épier les sons a mis en sentinelle, Dorat, la Déclamation théâtrale, IV.

    Faire sentinelle, attendre, épier. [l'alouette] …avertit ses enfants D'être toujours au guet et faire sentinelle, La Fontaine, Fabl. IV, 22. Je m'éloigne un moment, faites bien sentinelle, Imbert, Jaloux s. amour, V, 1.

    Fig. et familièrement. Relever quelqu'un de sentinelle, voy. RELEVER.

  • 2Soldat qui fait le guet pour la garde d'un camp, d'un poste, d'un monument, etc. Poser des sentinelles. Relever une sentinelle. Il revenait au fort, quand une sentinelle Dans l'ombre de la nuit reconnut le rebelle, Mairet, Mort d'Asdr. III, 3. La nuit finissait … quand tout à coup les Russes de Doctorof sortent des bois avec des cris épouvantables ; nos sentinelles sont renversées sur leurs postes, les postes sur leurs bataillons, les bataillons sur la division, Ségur, Hist. de Nap. IX, 2.

    Fig. Le prince est une sentinelle établie pour garder son État ; il doit veiller plus que tous les autres, Bossuet, Polit. V, II, 2. De nouveaux citoyens que le premier éveil du patriotisme mit aux mêmes pensées dans toutes les parties de l'empire, et qui, sentinelles les uns des autres, communiquent rapidement toutes leurs espérances et toutes leurs craintes…, Mirabeau, Collection, t. V, p. 312. Les êtres sensibles et compatissants sont des sentinelles bienfaisantes placées sur la terre pour veiller sur le malheur, Genlis, Jeanne de France, t. II, p. 31, dans POUGENS.

    Sentinelle perdue, soldat placé dans un poste avancé et périlleux.

  • 3Tuyau de conduite de l'air dans un appareil de soufflets hydrauliques.

REMARQUE

Quelques poëtes ont fait ce mot masculin : Sur leurs corps et leurs ailes Brillent des yeux sans nombre, assidus sentinelles, Delille, Parad. perdu, X.

HISTORIQUE

XVe s. Il vault mieulx près beau feu boire la muscadelle, Qu'aller sur ung rempart faire la sentinelle, Basselin, Vau de Vire, 19.

XVIe s. Ces mille ans devant toy sont comme la journée Qui fut hier finie, ou l'espace ordonnée Pour une sentinelle en sa garde de nuit, Desportes, Œuv. chrest. XVIII, Prière de Moyse. Il met en divers endroits sentinelles perdues, fournit le corridour de rondes, et les rues de patrouilles, D'Aubigné, Hist. II, 61. Qui se fasche quand on l'appelle à la porte, à la sentinelle, à la tranchée, et au rampart, Il n'est point de la bonne part, Sat. Mén. p. 142. Nous ne serons plus subjets aux gardes et sentinelles, où nous perdons la moitié de nostre temps, ib. p. 177. Poser une sentinelle, scaricare il ventre, Oudin, Dict. Cependant qu'il [un vieillard maître impérieux et joué] se contente de l'espargne et chiceté de sa table, tout est en desbauche en divers reduicts de sa maison… chascun est en sentinelle contre luy, Montaigne, II, 79.

ÉTYMOLOGIE

Espagn. centinela ; de l'ital. sentinella. On le tire ordinairement de l'ital. sentire, entendre ; mais, comme le dit Diez, il manque dans la dérivation un intermédiaire : sent-in-ella. Aussi s'est-on tourné du côté de Galvani qui y voit un diminutif de sentina, sentine, signifiant le gardien qui veillait à la sentine, d'où le sens se serait élargi en celui de veilleur en général. Cependant, s'il en était ainsi, est-ce que le mot ne serait pas masculin, sentinello, et non sentinella ? Puis l'affixe in se trouve dans un mot latin, peu usité il est vrai : sentinus, dieu qui donnait les sens à l'enfant dans le sein de la mère.