« sentir », définition dans le dictionnaire Littré

sentir

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

sentir

(san-tir), je sens, tu sens, il sent, nous sentons, vous sentez, ils sentent ; je sentais ; je sentis ; je sentirai ; je sentirais ; sens, qu'il sente, sentons, sentez ; que je sente, que nous sentions, que vous sentiez ; que je sentisse ; sentant ; senti v. a.

Résumé

  • 1° Recevoir une impression.
  • 2° Particulièrement, percevoir par l'odorat.
  • 3° Il se dit des différentes affections que l'âme éprouve.
  • 4° Il se dit des impressions que l'âme reçoit de ce qui agit sur elle.
  • 5° Avoir l'appréciation délicate et instinctive.
  • 6° S'apercevoir, connaître.
  • 7° Éprouver.
  • 8° Se sentir quelque chose, sentir en soi quelque chose.
  • 9° Faire sentir, faire connaître, faire comprendre. Faire éprouver. Marquer dans le discours, accentuer. Se faire sentir, imprimer sa marque.
  • 10° Exhaler, répandre une odeur.
  • 11° Avoir telle ou telle saveur.
  • 12° Fig. Avoir les qualités, l'air, l'apparence de, indiquer, dénoter.
  • 13° Terme de marine. Sentir le fond. Sentir la barre.
  • 14° V. réfl. Se sentir, être senti.
  • 15° Être l'objet d'un sentiment.
  • 16° Connaître, apercevoir en quel état, en quelle disposition l'on est.
  • 17° Ne pas se sentir, être hors de soi par colère, joie, etc.
  • 18° Se sentir, suivi d'un verbe actif qui prend le sens passif.
  • 19° Se sentir de, éprouver, ressentir. Éprouver quelque mal, quelque dommage, ou, en sens contraire, quelque bien, quelque avantage. Porter la marque de, la trace de.
  • 1Recevoir une impression qui vient soit par l'extérieur du corps et par les sens, soit par l'intérieur et les parties profondes. Sentez-vous le goût de vinaigre dans cette sauce ? Sentir une grande douleur de tête. Sentir la faim, la soif. Nous ne sentons ni l'extrême chaud, ni l'extrême froid, Pascal, Pens. I, I, édit. HAVET. Elle n'a point encore senti son enfant ; elle sera bientôt à quatre mois et demi, Maintenon, Lett. à d'Aubigné, 20 févr. 1682. La Mollesse oppressée Dans sa bouche à ce mot sent sa langue glacée, Boileau, Lutr. II. Je sentis tout mon corps et transir et brûler, Racine, Phèd. I, 3. J'ai senti tout à coup un homicide acier Que le traître en mon sein a plongé tout entier, Racine, Ath. II, 5. La fée : Cher Arlequin, ces tendres chansons ne vous inspirent-elles rien ? que sentez-vous ? - Arlequin : Je sens un grand appétit, Marivaux, Arlequin poli par l'am. sc. III. Ai-je un sentiment propre de mon existence, ou ne la sens-je que par mes sensations ? voilà mon premier doute, qu'il m'est, quant à présent, impossible de résoudre, Rousseau, Ém. IV.

    Fig. Cette main invisible, ce bras qui ne paraît pas, donnent les coups que le monde sent, Guez de Balzac, Socrate chrétien, Disc. 8e.

    Absolument. Quoi ! le charme de sentir est-il si fort que nous ne puissions rien prévoir ? Bossuet, Duch. d'Orl. Si le bonheur des dieux est de voir, de connaître, Celui de l'homme est de sentir, Lamotte, Odes, t. I, p. 336, dans POUGENS. Nous ne connaissons l'âme et ses propriétés que par le sentiment intérieur que nous en avons ; nous sentons, et même nous avons un sentiment réfléchi de nos sensations ; nous sentons que nous sentons, Dumarsais, Œuv. t. V, p. 308. La faculté de sentir est la première de toutes les facultés de l'âme, elle est même la seule origine des autres, et l'être sentant ne fait que se transformer, Condillac, Traité anim. II, 10. Concluons que, si les bêtes sentent, elles sentent comme nous ; pour combattre cette proposition, il faudrait pouvoir dire ce que c'est que sentir autrement que nous ne sentons, Condillac, ib. II, 2. Je ne pensais plus, mais je sentais encore, et je souffrais toujours, Genlis, Mères riv. t. I, p. 347, dans POUGENS.

    S. m. L'action de sentir. Le sentir ne dépend pas de nous, mais le vouloir en dépend, Fénelon, t. III, p. 325.

    Terme de manége. Sentir son cheval, se rendre raison de tous ses mouvements et savoir en profiter.

    Sentir son cheval dans la main, le tenir de la main et des jarrets de manière qu'on en soit le maître.

    Sentir ne se dit point des simples perceptions de la vue et de l'ouïe. Cependant Corneille l'a employé au sens d'entendre, mais c'est un archaïsme. C'était fait de ma vie, ils me traînaient à l'eau ; Mais, sentant du secours, ils ont craint pour leur peau, Corneille, Suite du Ment. IV, 7.

  • 2Particulièrement, percevoir par l'odorat. Sentir une odeur. Que sens-tu ? dis-le moi : parle sans déguiser, La Fontaine, Fabl. VII, 7. Il me sentait venir de cent pas à la ronde, La Fontaine, ib. IX, 19. …Je l'ai vue avant vous [l'huître], sur ma vie. - Eh bien ! vous l'avez vue, et moi je l'ai sentie, La Fontaine, ib. IX, 9. Si le petit reste en arrière, elle [la femelle du tapir] retourne de temps en temps sa trompe, dans laquelle est placé l'organe de l'odorat, pour sentir s'il suit ou s'il est trop éloigné, et, dans ce cas, elle l'appelle et l'attend pour se mettre en marche, Buffon, Quadr. t. X, p. 6.

    Fig. Sentir de loin quelqu'un, reconnaître quel il est. Je sens un poëte de demi-lieue loin, Scarron, Rom. com. ch. 11.

    Sentir quelqu'un de loin, signifie pénétrer à l'avance ses intentions. Ce diable de beau-père a l'odorat subtil ; Il nous sent de bien loin, Th. Corneille, Comt. d'Orgueil, IV, 8.

    On dit de même : Je le sentis venir de loin.

    Fig. Sentir de loin, découvrir, prévoir les choses de loin.

    Flairer. Sentir une rose. Conservez bien vos sentiments, vos pensées, la droiture de votre esprit, repassez quelquefois sur tout cela, comme on sent de l'eau de la reine de Hongrie, quand on est dans le mauvais air, Sévigné, 511.

    Fig. et familièrement. Je ne puis sentir cet homme-là, j'ai pour lui beaucoup d'aversion.

  • 3Il se dit des différentes affections que l'âme éprouve. Je sentais tendrement ce déplaisir d'être haïe de Dieu, et je le sentais même, comme je crois, entièrement détaché des autres peines de l'enfer, Bossuet, Anne de Gonz. Sentiez-vous, dites-moi, ces violents transports Qui d'un esprit divin font mouvoir les ressorts ? Boileau, Sat. IX. Mais je m'étonne enfin que pour reconnaissance, Pour prix de tant d'amour, de tant de confiance, Vous ayez si longtemps, par des détours si bas, Feint un amour pour moi que vous ne sentiez pas, Racine, Bajaz. V, 3. Quel penchant, quel plaisir je sentais à les croire ! Racine, ib. IV, 5. Tremblante comme vous, j'en sens quelques remords, Racine, Phèdre, III, 3. Je vous avoue que je sens déchirer mes entrailles, quand on vient m'annoncer que quelques malades dans une paroisse sont morts sans secours par la faute et la négligence du curé, Massillon, Disc. synod. XI. Du soin que les curés doivent avoir pour les malades Tout ce que je sens, je l'exprime ; Ne sens-je rien, je finis, Lamotte, Odes, t. I, p. 462, dans POUGENS. Je ne suis plus qu'un juge à son devoir fidèle, Et qui ne doit sentir ni regrets ni courroux, Voltaire, Tancr. II, 6. Mais nous [les poëtes], pour embraser les âmes, Il faut brûler, il faut ravir Au ciel jaloux ses triples flammes ; Pour tout peindre, il faut tout sentir, Lamartine, Médit. I, 11.

    Absolument. Or il faut, quelque loin qu'un talent puisse atteindre, Éprouver pour sentir, et sentir pour bien peindre, Piron, Métrom. I, 4. Ce sont les passions qui sont l'âme de la tragédie ; par conséquent un héros ne doit point prêcher, et doit peu raisonner ; il faut qu'il sente beaucoup et qu'il agisse, Voltaire, Comm. Corn. Rem. sur les disc. Discours 1er. Il ne jouit plus de rien ; le malheureux ne sent plus, il ne vit plus ; il est déjà mort, Rousseau, Ém. IV.

    Sentir quelque chose pour quelqu'un, être disposé à l'aimer, ou l'aimer déjà. Cependant, quoique aimable et peut-être plus belle, Je la vois, je lui parle, et ne sens rien pour elle, Th. Corneille, Ariane, I, 1. Hippolyte est sensible, et ne sent rien pour moi ! Racine, Phèdre, IV, 5.

  • 4Il se dit des impressions que l'âme reçoit de ce qui agit sur elle. Il ne sent point les affronts. Il sent vivement les services qu'il a reçus. Vous ne sentez pas votre bonheur. Il y a des choses qu'il ne faut que sentir. On n'a tous deux qu'un cœur qui sent mêmes traverses, Corneille, Poly. I, 3. C'est dommage de la perte de cet enfant [un enfant né à huit mois] ; je la sens, et j'ai besoin de vos réflexions chrétiennes pour m'en consoler, Sévigné, à Mme de Grignan, 23 févr. 1676. Le prince se souvint de toutes les fautes qu'il avait commises ; et, trop faible pour expliquer avec force ce qu'il en sentait, il emprunta la voix de son confesseur pour en demander pardon au monde, à ses domestiques et à ses amis, Bossuet, Louis de Bourb. Très reconnaissante des services, elle aimait à prévenir les injures par sa bonté ; vive à les sentir, facile à les pardonner, Bossuet, Duch. d'Orl. Il me semblait sentir la présence réelle de Jésus-Christ, comme on sent les choses visibles et dont on ne peut douter, Bossuet, Anne de Gonz. S'il [le poëte] ne sent pas du ciel l'influence secrète, Boileau, Art p. I. Il sent soudain frapper et son cœur et ses yeux Par l'objet le plus agréable…, Perrault, Contes en vers, Grisel. Elle [la Dauphine] a senti jusqu'où va la misère humaine, jusqu'où vont les miséricordes divines, Fléchier, Dauphine. Quoique Chamillart ne pût me raccommoder avec le roi, je ne sentis pas moins cette tentative, Saint-Simon, 114, 252. Illustres malheureux, que j'aime à voir vos cœurs Embrasser mes desseins, et sentir mes fureurs ! Voltaire, Alz. II, 6. Mon père, en tous les temps, je sais que votre cœur Sentit tous mes chagrins, et voulut mon bonheur, Voltaire, Tancr. I, 3.

    Sentir de, avec un infinitif, éprouver un regret, une peine de. Je sens vivement de ne plus causer avec le chevalier [de Grignan], Sévigné, 22 avr. 1689. Il [le chevalier de Grignan] a bien fait de choisir la demeure de Grignan pour être malade, plutôt que celle de Paris, où l'on sent encore plus de n'être pas comme les autres, Sévigné, 4 janv. 1690.

  • 5Avoir l'appréciation délicate et instinctive de ce qui est beau dans une œuvre, dans une personne, dans un auteur ou un artiste. Sentir la musique. Quand je ne vous nomme point Pauline [fille de Mme de Grignan], c'est une faute ; car elle est toujours vive sur votre sujet, et sent votre esprit et vos lettres d'une manière qui fait son éloge, Sévigné, à Mme de Coulanges, 16 nov. 1694. Ou il est présenté à une troupe d'ignorants qui ne sont pas en état de le sentir, ou il est senti par quelques envieux qui se taisent, Diderot, Rech. phil. sur le beau, Œuv. t. II, p. 465, dans POUGENS. On peut dire sans paradoxe que les Français ne sentent pas les arts, mais qu'ils les comprennent, D. Stern, Esquisses morales, p. 145.
  • 6S'apercevoir, connaître. Alexandre dit qu'on le faisait fils de Jupiter, mais qu'il sentait bien qu'il était fait comme les autres, Vaugelas, Q. C. VII, 10. Rien n'est si insupportable à l'homme que d'être dans un plein repos, sans passion… il sent alors son néant, son abandon, son insuffisance, sa dépendance, son impuissance, son vide, Pascal, Pens. XXV, 26, éd. HAVET. Toute l'armée était en joie, et jamais elle ne sentit qu'elle fût plus faible que celle des ennemis, Bossuet, Louis de Bourbon. Elle vit le monde, elle en fut vue ; bientôt elle sentit qu'elle plaisait, Bossuet, Anne de Gonz. Je sens de jour en jour dépérir mon génie, Boileau, Épît. VIII. L'endroit que l'on sent faible et qu'on se veut cacher, Boileau, Art p. IV. Britannicus le gêne [Néron], Albine, et chaque jour Je sens que je deviens importune à mon tour, Racine, Brit. I, 1. Un cœur noble ne peut soupçonner en autrui La bassesse et la malice Qu'il ne sent point en lui, Racine, Esth. III, 9. Bajazet, écoutez, je sens que je vous aime, Racine, Bajaz. II, 1. Je sentais renaître mon courage au fond de mon cœur à mesure que ce sage ami me parlait, Fénelon, Tél. II. Les honnêtes gens veulent qu'on sente leur droiture, Fénelon, ib. XXIV. Le chevalier sentait le dénoûment de l'aventure, Hamilton, Gramm. 11. Le mouvement de l'amour-propre nous est si naturel, que le plus souvent nous ne le sentons pas, et que nous croyons agir par d'autres principes, Fontenelle, Mondes, 1er soir. La société nous apprend à sentir les ridicules ; la retraite nous rend plus propres à sentir les vices, Montesquieu, Esp. XIX, 27. Vous sentez sans doute ces vérités [des reproches que Voltaire adresse à Frédéric], Voltaire, Lett. au roi de Pr. 21 avr. 1760. Colin sentit son néant et pleura, Voltaire, Jeannot et Colin. Malherbe, le premier, sentit quel heureux choix de mots pouvait donner aux vers français de la pompe et de l'harmonie, Marmontel, Œuv. t. IV, p. 399, dans POUGENS. Vous paraissez trop sentir votre tort, pour qu'il me soit possible de vous le reprocher, Genlis, Théât. d'éduc. Dangers du monde, III, 9.

    Vous sentez que, il vous est apparent, vous reconnaissez que. Vous sentez que ma fille au sortir de l'enfance Pourrait s'effaroucher de ce sévère accueil, Voltaire, Tancr. I, 2.

    On dit de même : On sent que. On sent assez que je parle des Romains, Rollin, Hist. anc. Œuvr. t. II, p. 375, dans POUGENS.

  • 7Éprouver. Tout notre sang doit-il sentir votre colère ? Racine, Théb. II, 2. Plus d'un monstre farouche Avait de votre bras senti la pesanteur, Racine, Phèdre, III, 5. Ainsi mes ennemis sentiront mon courroux, Voltaire, Fanat. V, 4. Qui n'ose me venger sentira ma justice, Voltaire, Oreste, V, 4.
  • 8Se sentir quelque chose, sentir en soi quelque chose. Je me suis senti des forces que je ne me connaissais pas. Il n'est rien qui puisse arrêter l'impétuosité de mes désirs ; je me sens un cœur à aimer toute la terre, Molière, D. Juan, I, 2. Si jamais votre cœur affligé se sent besoin de ressources qu'il ne trouvera pas en lui-même, Rousseau, Lett. à Mme d'Houdetot, 13 juill. 1758.
  • 9Faire sentir, faire connaître, faire comprendre. Les rois [d'Angleterre] ont trop fait sentir aux peuples que l'ancienne religion se pouvait changer, Bossuet, Reine d'Anglet. Les bontés que vous m'avez fait sentir me donnent le droit de me servir d'un nom si tendre, Fénelon, Tél. X. Je faisais même de temps en temps sentir à Protésilas que je supportais son joug avec impatience, Fénelon, ib. XII. Je ne me ferai pas toujours sentir à votre cœur, Massillon, Or. fun. Prof. 4. Je ne suis qu'une suivante, et vous me le faites bien sentir, Marivaux, Jeux de l'am. et du has. III, 8. Cette victoire d'Hollosin, en comblant Charles XII de gloire, pouvait lui faire sentir tous les dangers qu'il allait courir en pénétrant dans des pays si éloignés, Voltaire, Russie, I, 16. Comme je l'ai déjà fait sentir, la nature n'a ni classes ni genres, elle ne comprend que des individus, Buffon, Hist. anim. ch. 11.

    Faire éprouver. Avant que de frapper, elle [son entreprise] lui fit sentir [à Brutus, meurtrier de César] Plus d'un remords en l'âme et plus d'un repentir, Corneille, Cinna, III, 2. Après avoir fait sentir aux ennemis durant tant d'années l'invincible puissance du roi, Bossuet, Louis de Bourbon. Tant que la reine d'Angleterre a été heureuse, elle a fait sentir son pouvoir au monde par des bontés infinies, Bossuet, Reine d'Angleterre. Ce n'est point au bout de l'univers Que Rome fait sentir tout le poids de ses fers, Racine, Mithr. III, 1. La colère des dieux se ferait sentir aux Phrygiens par une cruelle peste, Fénelon, Tél. XXIV. Il fit sentir à tout le monde le pouvoir sacré des lois, et ne fit sentir à personne le poids de sa dignité, Voltaire, Zadig, 6.

    Marquer dans le discours, accentuer. Il fallait faire sentir cela davantage.

    Se faire sentir, imprimer sa marque. La physique est à la poésie ce que l'anatomie est à la peinture : elle ne doit pas s'y faire trop sentir ; mais, revêtue des grâces de la fiction, elle y joint le charme de la vérité, Marmontel, Œuvr. t. IX, p. 423.

  • 10Exhaler, répandre une odeur. Cela sent la fleur d'orange. J'aime nos Bretons, ils sentent un peu le vin ; mais votre fleur d'orange ne cache pas de si bons cœurs, Sévigné, 83. Vespasien… ôtant le brevet d'une charge à un jeune homme qui était venu tout parfumé pour l'en remercier, et ajoutant : j'aimerais mieux que vous sentissiez l'ail, Rollin, Traité des Ét. V, 1re part. 4. D'honneur, il sent la fièvre d'une lieue, Beaumarchais, Barb. de Sév. III, 11.

    Fig. Cet ouvrage sent l'huile, sent la lampe, il paraît avoir coûté beaucoup de veilles, beaucoup de travail à son auteur.

    Fig. Cette chanson sent le corps de garde, elle est libre ou grossière.

    Fig. Cette action sent le gibet, la roue, la hart, les coups de bâton, celui qui l'a commise mérite d'être pendu, roué, bâtonné. Savez-vous, mes drôles, Que cette chanson Sent sur vos épaules Les coups de bâton ? Molière, Sicil. sc. 9.

    Fig. Sentir le fagot, voy. FAGOT.

    Fig. Sentir le sapin, voy. SAPIN.

    Sentir la Brinvilliers, avoir l'air aussi malade que si on avait été empoisonné par la Brinvilliers (phrase de Mme de Sévigné au moment où l'on s'entretenait des crimes de cette célèbre empoisonneuse, et qui est oubliée avec cet événement). Le prince [chevalier de Lorraine] est d'une maigreur et d'une langueur qui sent la Brinvilliers, Sévigné, 19 août 1676.

    Il s'emploie souvent comme neutre. Cela sent bon, sent mauvais. D'où vient cette puanteur qui confond tous les parfums ? c'est sans doute que l'incrédulité et l'ingratitude sentent mauvais comme les vertus sentent bon, Sévigné, 561.

    Sentir comme baume, avoir une très agréable odeur.

    Fig. Nous ne vous donnons pas de ces effets véreux [effets de commerce] ; Cela sent comme baume, Regnard, Joueur, III, 4.

    Absolument. Sentir se dit pour sentir mauvais. Cette viande commence à sentir. C'est, dit-il, un cadavre, ôtons-nous, car il sent, La Fontaine, Fabl. V, 20.

    Impersonnellement. Il sent bon dans cette chambre. Il sent le brûlé dans la cuisine. Il sent mauvais.

    Fig. et impersonnellement. Ouais, je ne sais d'où cela vient ; mais il sent ici l'amour, Molière, Am. magn. I, 1. Que regardes-tu là ? - C'est qu'il sent le bâton du côté que voilà, Molière, le Dép. V, 4.

    Fig. et familièrement. Cela ne sent pas bon, l'affaire prend une mauvaise tournure, elle peut avoir des suites fâcheuses.

  • 12Avoir telle ou telle saveur. Cette soupe ne sent rien. Ce vin sent le fût, sent le terroir, sent un goût. Ce cidre sent le pourri.

    Fig. et familièrement. Sentir le terroir, se dit d'un homme qui a les défauts des gens de son pays, ou d'un ouvrage dans lequel se trouvent des défauts qui tiennent à des habitudes de localité. Ragotin, chien picard et sentant le terroir, Lamotte, Fabl. V, 4. Fig. Avoir les qualités, l'air, l'apparence de, indiquer, dénoter. Cela sentirait trop sa fin de comédie, Corneille, Gal. du Pal. V, 8. Je ne hais point la vie et j'en aime l'usage, Mais sans attachement qui sente l'esclavage, Corneille, Poly. V, 2. Elles [les lettres patentes de l'Académie française] sont conçues en termes fort purs et fort élégants, qui, sans s'écarter des clauses et des façons de parler ordinaires de la chancellerie, sentent néanmoins la politesse de l'Académie et de la cour, Pellisson, Hist. Acad. I. Je me dispenserai seulement de suivre toujours et pas à pas l'ordre des dates, qui sentirait un peu trop le journal, et m'obligerait à revenir trop souvent sur les mêmes choses, Pellisson, ib. Un vieux renard, mais des plus fins, Sentant son renard d'une lieue, La Fontaine, Fabl. V, 5. Quatre siéges boiteux [chez une devineresse], un manche de balai, Tout sentait son sabbat et sa métamorphose, La Fontaine, ib. VII, 15. Cybèle est vieille, Junon de mauvaise humeur ; Cérès sent sa divinité de province, et n'a nullement l'air de cour, La Fontaine, Psyché, II, p. 214. Cela sent son vieillard, qui, pour en faire accroire, Cache ses cheveux blancs d'une perruque noire, Molière, Éc. des mar. I, 1. Vous êtes orfévre, monsieur Josse, et votre conseil sent son homme qui a envie de se défaire de sa marchandise, Molière, Am. méd. I, 1. La ballade, à mon goût, est une chose fade ; Ce n'en est plus la mode, elle sent son vieux temps, Molière, Femm. sav. III, 5. Je trouve que le château de Grignan est parfaitement beau, il sent bien les anciens Adhémars, Sévigné, 60. J'espère que ceux qui sont à Paris vous auront mandé des nouvelles ; je n'en sais aucune, comme vous voyez ; ma lettre sent la solitude de notre forêt, Sévigné, 28 août 1676. Persuadé que rien ne sentait plus le grand seigneur, Boursault, Lett. nouv. t. II, p. 293, dans POUGENS. Les Locriens, venus de la Grèce, sentent encore leur origine, et sont plus humains que les autres, Fénelon, Tél. X. Voici qui sent bien le roman, Hamilton, Gramm. 3. Ils [les Anglais] ont un penchant pour ce qui sent le gladiateur, Hamilton, ib. 9. Pollion, d'un goût raffiné et difficile, prétendait découvrir, dans le style de Tite-Live, de la patavinité, c'est-à-dire apparemment quelques termes ou quelques tours qui sentaient la province, Rollin, Hist. anc. liv. XXV, II, 2. Barbezieux, avec tous ses grands airs, sentait plus l'intendant que le général d'armée, Saint-Simon, 23, 5. Ramener tout à l'amour de Dieu sent peut-être moins l'amour de Dieu que la haine que tout janséniste a pour son prochain moliniste, Voltaire, Rem. Pens. Pasc. 20. De tous ceux qui ont un peu vécu avec M. le cardinal de Polignac, il n'y a personne qui ne lui ait entendu dire que Newton était péripatéticien, et que ses rayons calorifiques et surtout son attraction sentaient beaucoup l'athéisme, Voltaire, Dict. phil. Newton, 2. Il [le roi de Prusse] vous a envoyé sans doute le petit ouvrage qu'il a composé en dernier lieu dans le goût de Marc-Aurèle, pendant qu'il avait la goutte ; cela sent encore plus son Frédéric que son Marc-Aurèle, Voltaire, Lett. d'Alembert, 27 avr. 1770. Qui est-ce qui dit mon père, à la cour ? Monsieur, appelez-moi monsieur ! vous sentez l'homme du commun ! Beaumarchais, Mère coupable, I, 12.

    Cet homme, ce valet sent le vieux battu, sent son vieux battu, locution vieillie qui signifie : il est devenu insolent, négligent, parce qu'il y a longtemps qu'il n'a été châtié.

    Sentir son bien, avoir de bonnes manières, être de bon ton (locution vieillie, qu'en 1690 Caillières déclarait du dernier bourgeois). Une raillerie noble et galante qui sent son bien et sa personne de condition, Pellisson, Hist. Acad. 1. Vous savez vivre, vous sentez votre bien, et vous avez l'air français, Boissy, Français à Lond. sc. 14. La raillerie de Cicéron a je ne sais quoi d'honnête et qui sent son bien, Gedoyn, Trad. de Quintil. 6.

  • 13 Terme de marine. Sentir le fond, se dit d'un bâtiment qui est mouillé sur un fond presque égal à son tirant d'eau.

    Un navire sent bien sa barre [du gouvernail], lorsqu'il obéit vivement à ses mouvements.

  • 14Se sentir, v. réfl. Être senti, faire éprouver une sensation. Les marbres et les métaux se sentent plus froids que le bois, Descartes, Météores, I.
  • 15Être l'objet d'un sentiment. Les principes se sentent, les propositions se concluent, et le tout avec certitude, quoique par différentes voies, Pascal, Pens. VIII, 6, édit. HAVET.
  • 16Connaître, apercevoir en quel état, en quelle disposition l'on est. Il ne se sentit pas mourir. Il n'est pas étrange que les hommes ne se connaissent pas ; il y a des temps mêmes où l'on peut dire qu'ils ne se sentent point, Retz, Mém. t. III, liv. IV, p. 268, dans POUGENS. Ô paroles qu'on voyait sortir de l'abondance d'un cœur qui se sent au-dessus de tout ! Bossuet, Duch. d'orl. Madame savait estimer les uns sans fâcher les autres ; et, quoique le mérite fût distingué, la faiblesse ne se sentait pas dédaignée, Bossuet, ib. Au moment où j'ouvre la bouche pour célébrer la gloire immortelle du prince de Condé, je me sens également confondu par la grandeur du sujet…, Bossuet, Louis de Bourbon. L'esprit ne se sent point plus vivement frappé Que lorsqu'en un sujet…, Boileau, Art p. III. Jamais je ne me suis senti plus amoureux, Racine, Bérén. V, 7. Il y a de la douceur à se sentir vertueux, Marivaux, Pays. parv. 4e part. Réduite au sentiment fondamental, elle [la statue] se sentira comme dans un point, s'il est uniforme ; et, s'il est varié, elle se sentira seulement de plusieurs manières à la fois, Condillac, Traité sensat. II, 12.

    Je ne me sens pas bien, je ne me sens pas à mon aise, j'éprouve quelque indisposition.

    Absolument. Se sentir, se bien sentir, avoir conscience des forces qu'on a, du mérite qu'on possède, de ce qu'on est en droit d'exiger. Petit serpent que j'ai réchauffé dans mon sein, Et qui, dès qu'il se sent, par une humeur ingrate Cherche à faire du mal à celui qui le flatte ! Molière, Éc. des fem. V, 4. Il faut se sentir, et prendre sur soi certaines choses décisives où l'on ne peut vous conseiller que faiblement, Bossuet, Polit. X, IV, 4. Les ligues et les guerres, au commencement détestées, aussitôt que les protestants se sentirent, devinrent permises, Bossuet, Var. X. Un écrit signé de la main de Persée, qui attestait tout ce qui vient d'être dit, et qu'elle devait remettre entre les mains de lui, Philippe, lorsqu'il serait en âge de se sentir, Rollin, Hist. anc. t. IX, p. 223, dans POUGENS. Elle a le noble orgueil du mérite qui se sent, qui s'estime, et qui veut être honoré comme il s'honore, Rousseau, Ém. V.

    Se sentir, ressentir les premières impressions de la puberté. Dans les premiers temps où M. le comte de Toulouse commença à être hors de page et à se sentir, elle [Mme d'O] lui plut fort par ses facilités, Saint-Simon, 39, 202.

  • 17Ne pas se sentir, être hors de soi par colère, joie, etc. À ces mots le corbeau ne se sent pas de joie, La Fontaine, Fabl. I, 2. Je suis dans une colère que je ne me sens pas, Molière, Mar. forcé, 6. Je ne me sens pas, je l'avoue ; je jette des larmes de joie ; tous mes vœux sont satisfaits, Molière, Festin, V, 1.
  • 18Se sentir, suivi d'un verbe actif qui prend le sens passif. Par d'inquiétants transports me sentant émouvoir, Corneille, Poés. div. Élégie. Ah ! je me sens saisir d'horreur, Quinault, Phaéth. I, 8. Mon cœur tremble, soupire et se sent déchirer, Quinault, ib. II, 4. De ses bras innocents je me sentis presser, Racine, Ath. I, 2. De ce discours, ô ciel ! que je me sens confondre ! Voltaire, Alz. III, 5.

    Se sentir, se dit aussi avec le participe passif : se sentir ému. Mais cela rentre alors dans le cas du n° 16.

  • 19Se sentir de, éprouver, ressentir. Il commence à se sentir de la goutte, des incommodités de la vieillesse. Je suis ravie que vous vous sentiez aussi quelquefois de la faiblesse humaine, Sévigné, à Mme de Grignan, 19 juin 1675.

    Éprouver quelque mal, quelque dommage. Il se sentira longtemps de cette blessure. Il se sent de s'être exposé au froid, à l'humidité. Comme nous eûmes part à vos prospérités, Il nous faut bien sentir de vos adversités, Mairet, Sophon. II, 5. Il faut que les affaires de M*** se sentent du temps, comme celles de tout le monde, Sévigné, 17 juil. 1689. Quand il considère qu'il laisse, en mourant, un monde qui ne se sent pas de sa perte, et où tant de gens se trouvent pour le remplacer, La Bruyère, II. Son éducation se sentit de cette négligence, Rousseau, Conf. 1.

    En un sens contraire, recevoir quelque bien, quelque avantage. On a donné tant pour les domestiques ; il faut le distribuer entre tous, afin que chacun s'en sente, Dict. de l'Acad. Cette marquise a des soins de M. de la Garde, dont vous vous sentirez, Sévigné, 473. Le jeune prince se sentira éternellement d'avoir été cultivé par de telles mains, Bossuet, Louis de Bourbon. Les ignorants même d'un siècle savant se sentent un peu de la science de leur siècle, Fontenelle, Hist. Théât. fr. Œuv. t. III, p. 51, dans POUGENS. Le monde entier se sent de leurs vertus ou de leurs vices [les grands] : ils sont, si j'ose le dire, citoyens de l'univers, Massillon, Petit. car. Exempl.

    Porter la marque de, la trace de. De son orgueil ses habits se sentaient, La Fontaine, Court. Mon Dieu, ma chère enfant, que mon loisir est dangereux pour vous ! je crains qu'il ne vous fasse mal, il se sent de la tristesse de mes rêveries, Sévigné, 543. Le vers se sent toujours des bassesses du cœur, Boileau, Art p. IV. Heureux si ses discours [de Régnier], craints du chaste lecteur, Ne se sentaient des lieux où fréquentait l'auteur ! Boileau, ib. II. Vos repas se sentent-ils de la frugalité de ce temps de pénitence ? Massillon, Carême, Jeûne. Un autre ouvrage [la Chronologie réformée] plus à la portée du genre humain [que les Principes], mais qui se sent toujours de cet esprit créateur que M. Newton portait dans toutes ses recherches, Voltaire, Dict. phil. Newton, 3.

    PROVERBE

    La caque sent toujours le hareng, voy. CAQUE.

REMARQUE

Au présent, 1re personne du singulier, dans l'interrogation, on dit : sens-je, qui se trouve dans quelques auteurs, ou est-ce que je sens. Senté-je est un grossier barbarisme.

HISTORIQUE

XIe s. Oliviers sent que à mort est ferut, Ch. de Rol. CXLIV.

XIIe s. Or est amors tornée à fable, Por ce que cil qui rien n'en santent, Dient qu'il aiment, mais il mantent ; Et cil fable et mançonge en font, Qui s'an vantent et droit n'i ont, Chrestien de Troyes, Cheval. au Lyon, V. 24. [La prison] Qu'ele me fait assaier et sentir, Couci, XII.

XIIIe s. Adonc m'est vis que jel sente [le vent] Par desous mon mantau gris, Dame de Faïel, dans Couci. Tel chose [le comte Thibaut] a faite en sa vie, Dont [il] deüst estre apelés [en champ clos] ; Il ne se deffendist mie, Car il se sent encoupé [inculpé, criminel], Hues de la Ferté, Romancero, p. 187. Cil qui chantent de flor ne de verdure, Ne sentent pas la douleur que je sent, Eust. le Peintre, dans Couci. Berte pleure du froit et du mal qu'ele sent, Berte, XLVII. Quant Berte sent le feu, à Dieu graces en rent, ib. XLVII. Du duel [deuil] que ele en ot, jusqu'au cuer [elle] s'en senti, ib. LXXXIX. Cil qui savoit assez de guile [tromperie], Qui ne volt pas estre veüz, Par ces haies, par ces seüz [saules] S'en va le pas, sentant le vent, Ren. 4929. Il lui fist en tans et en lieu Sentir son pooir et sa force, Lai de l'ombre. Qu'est-ce qui si m'a alegié De toute ma grant maladie, De mes doleurs ? ne les sent mie, St-Graal, V. 1686.

XIVe s. L'utilité de la creation des ners ou [au] cors est que tous les membres sentent et aient mouvement par euls, H. de Mondeville, f° 9. La chose qui sent et la chose sensible ou qui est sentue, Oresme, Éth. 305. Icelluy exposant dist audit Creton qu'il sentist audit bailly pour combien il donroit son office de bailli, Du Cange, sentire. Laquelle Marguerite estoit grosse d'enfant sentant, dès six sepmaines avoit, Du Cange, ib.

XVe s. Quand le jeune roi se sentit defié [par Robert Bruce], Froissart, I, I, 29. Il avoit intention de chevaucher contre les Anglois, qu'il sentoit moult efforciement en Cambresis, Froissart, I, I, 84. Par quoi si ceux [gardes et écoutes] sentissent ni ouïssent rien, ils le signifiassent en l'ost, Froissart, I, 1, 43. Si j'ay mon temps mal despendu, Fait l'ay par conseil de folie ; Je m'en sens et m'en suis sentu Ez derreniers jours de ma vie, Orléans, Ball. 106. Tantost après que le comte de Warwyc… sentit ces nouvelles, il se hasta…, Commines, III, 7. Ses bienfaitz n'estoient point fort grans, pource qu'il vouloit que chascun s'en sentist, Commines, V, 9.

XVIe s. Ce ne sont pas tant remedes pour adoucir le mal, que venins arrousez de miel, afin de n'offenser point trop par leur rudesse le premier goust, ains tromper et entrer aux parties cordiales avant qu'estre sentuz, Calvin, Instit. 499. …Qu'il nous falloit sentir humblement de nous devant Dieu, et avoir neantmoins nostre justice en quelque estime, Calvin, ib. 596. Vostre halaine me sent le vin. - La tienne me sent la fiebvre, Rabelais, Pant. IV, Prol. Mon languaige françois est alteré, et en la prononciation et ailleurs, par la barbarie de mon creu ; je ne veis jamais homme des contrées de deça qui ne sentist bien evidemment son ramage, et qui ne bleceast les aureilles pures françoises, Montaigne, III, 39. Se sentir incapable de…, Montaigne, I, 42. Nous sentons nostre corps agité, Montaigne, I, 91. L'entreprinse se sent de la qualité de la chose qu'elle regarde, Montaigne, I, 70. Livia sa femme le sentant [Auguste] en ces angoisses, Montaigne, I, 128. Invention qui ne sent aulcunement la barbarie, Montaigne, I, 244. Je hais à mort de sentir au flatteur, Montaigne, I, 292. La plus exquise senteur d'une femme, c'est ne sentir à rien… c'est puer que de sentir bon, Montaigne, I, 391. Democrites, ayant mangé des figues qui sentoient le miel…, Montaigne, I, 242. J'estime que les anciens avoient encore plus à se plaindre de ceulx qui apparioient Plaute à Terence (cettuy cy sent bien mieulx son gentilhomme) que Lucrece à Virgile, Montaigne, II, 102. Elle nous faisoit sentir tous les plaisirs du monde à nous festoyer, La Boétie, 328. … Que, de tous les actes de recreation, il n'y en avoit point qui sentist moins son homme que la danse, Despériers, Contes, XL. Il commencea à user d'une franchise de parler qui sentoit plus son accusateur que sa libre defense, Amyot, Cor. 26. Ilz se saisirent de la place, avant que ceux de la ville en sentissent rien, Amyot, Pyrrhus, 72. C'estoit un païs bossu et malaisé pour gens de cheval, en quoy il se sentoit le plus foible, Amyot, Agés. 15. Adieu ma lyre, adieu fillettes, Jadis mes douces amourettes, Adieu, je sens venir ma fin, Ronsard, 493. Ces ouvrages sentent à l'huile et à la lampe [façons de parler gasconnes, reprochées à Montaigne], Pasquier, Lettres, t. II, p. 380.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. et espagn. sentir ; ital. sentire ; du lat. sentire ; comparez l'allem. sinnen. Le participe senti se conforme à la 4e conjugaison, tandis qu'en latin il perd ce caractère (sensus).