« sonder », définition dans le dictionnaire Littré

sonder

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

sonder

(son-dé) v. a.
  • 1Reconnaître par le moyen d'un plomb attaché au bout d'une corde, la profondeur d'une eau dont on ne peut voir le fond. Sonder une rivière, le rivage, la côte. Il n'y avait point de passage difficile qu'il [Pierre le Grand] n'eût sondé lui-même, depuis le fond du golfe de Bothnie jusqu'à l'Océan, Voltaire, Charles XII, 7.

    Terme de marine. Sonder une pompe, s'assurer combien il existe d'eau à son pied dans la cale.

    Fig. Sonder le gué dans une affaire, tâcher de connaître s'il n'y a point de danger, et de quelle façon il faudra s'y prendre.

  • 2Reconnaître les diverses couches d'un terrain à l'aide de la sonde. Si les rois d'Égypte, au lieu d'avoir fait des pyramides et élevé d'aussi fastueux monuments, eussent fait la même dépense pour sonder la terre et y faire une profonde excavation, comme d'une lieue de profondeur…, Buffon, Hist. nat. Preuv. th. terre, Œuvr. t. II, p. 15.

    Fig. Sonder le terrain, examiner soigneusement une affaire avant de l'entreprendre ; regarder d'un œil pénétrant. Mon maître, qui m'attend au cabaret prochain, M'envoie ici devant pour sonder le terrain, Regnard, Fol. am. I, 5.

  • 3Introduire un instrument fait exprès dans certaines choses, pour en connaître la nature, la qualité. Sonder un fromage, un jambon. Sonder une charretée de foin pour savoir si elle ne renferme pas de contre-bande.

    On dit à peu près dans le même sens : sonder une poutre, un bâtiment, une pièce de monnaie.

    Terme de menuiserie. Sonder le bois, découvrir les planches sur le plat avec la demi-varlope, pour voir si elles sont d'une belle couleur.

    Frapper sur un objet pour juger de son état.

  • 4 Terme de chirurgie. Reconnaître l'état d'une plaie, en y introduisant une sonde. Le premier [médecin], ayant sondé ses plaies [d'un patient], les juge mortelles, Pascal, Prov. II.

    Introduire une sonde dans quelque cavité naturelle, pour en reconnaître l'état, ou pour en faire sortir un liquide accumulé.

    Particulièrement. Sonder un malade, introduire une sonde dans la vessie, soit pour reconnaître si le malade a la pierre, soit pour faire sortir l'urine retenue par quelque empêchement.

    Absolument. Ce chirurgien n'a pas la main rude, il sonde doucement.

  • 5 Fig. Porter comme une sonde en quelqu'un, essayer de découvrir quelles sont ses dispositions. Monsieur, laissez-moi faire, je m'en vais la sonder un peu, Molière, Am. méd. I, 3. Enfin, j'ai voulu vous parler pour m'aider à sonder mon père sur les sentiments où je suis, Molière, l'Av. I, 2. Ce n'est pas vivre avec eux [les hommes] que de les voir en public… il est question de les voir en particulier… de les tâter de tous côtés et de les sonder pour découvrir leurs maximes, Fénelon, Tél. XXIV. Ce prélat voulut voir M. Sauveur ; il le tourna sur plusieurs matières de physique, le sonda, et le connut bien, Fontenelle, Sauveur.

    Il se dit aussi des choses. Sondez ses sentiments, et réglez-vous sur eux, Corneille, Tite et Bérén. IV, 4. Dieu, qui sonde les cœurs, Bossuet, Sermons, Soumission, 3. Il [Valentinien] sonda les esprits des gens de guerre, Fléchier, Hist. de Théodose, I, 22. Publions les exemples de sa charité [de Mme d'Aiguillon], et n'en sondons pas les mystères, Fléchier, Mme d'Aiguillon. Entreprenez, si vous le voulez, de sonder le fond de cet abîme des jugements divins, Fénelon, t. III, p. 274. Misérable mortel, si je ne puis sonder ma propre intelligence, si je ne puis savoir ce qui m'anime, comment connaîtrai-je l'intelligence ineffable qui préside visiblement à la nature entière ? Voltaire, Phil. ignor. 17.

    Sonder un bois, chercher s'il ne renferme pas d'ennemis. Il [Napoléon] marchait lentement… faisant sonder devant lui les bois et les ravins, Ségur, Hist. de Nap. VIII, 4.

  • 6 V. n. S'enfoncer dans la mer, en parlant de la baleine. Dès qu'elle est harponnée, la baleine sonde avec une vitesse de quinze à dix-sept nœuds, J. Nougaret, Monit. univ. 20 août 1868, p. 1212, 4e col.
  • 7Se sonder, v. réfl. Pratiquer sur soi-même l'opération du cathétérisme, s'introduire une sonde dans la vessie. Ce malade a une rétention d'urine, il a appris à se sonder.
  • 8 Fig. Reconnaître quelles sont les dispositions où l'on est. Il faut… Se sonder, s'exercer, avant que s'employer, Régnier, Sat. I. Il faut s'instruire et se sonder soi-même, S'interroger…, Voltaire, Pauvre diable.

HISTORIQUE

XVIe s. Cinq ou six chirurgiens des plus experts de France firent toute diligence et devoir de profondir la playe [de Henri II blessé dans le tournois], et sondre l'endroict du cerveau où les esquilles du tronsson de la lance pouvoient avoir donné, Carloix, VII, 28. Themistocles voulant sonder quelle seroit l'opinion d'Aristides, Amyot, Arist. 24. Quand ils sonderent le guay, ils trouverent qu'il estoit impossible de la guayer [une rivière], Amyot, Pyrrhus, 3. Si c'est un subject que je n'entende point, à cela mesme je l'essaye [mon jugement], sondant le gué de bien loin, Montaigne, I, 375. Se veoir destailler en pieces, et arracher une balle d'entre les os, se souffrir recoudre, cauteriser et sonder…, Montaigne, I, 302.

ÉTYMOLOGIE

Origine incertaine. Diez admet que, si sombrer est pour so-ombrar [sous ombre], sonder est pour so-ondar [sous onde], étymologie fortifiée peut-être par le sens du n° 6.