« son », définition dans le dictionnaire Littré

son

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

son [1]

(son, l'n se lie : so-n ami) adj. m. poss.

SA (sa), f. sing. SES (sê, l's se lie : sê-z amis), pluriel des deux genres. Adjectif possessif qui répond aux pronoms de la 3e personne du singulier, il, elle, soi, se.

  • 1Il détermine le nom, en y ajoutant une idée de possession. Son père. Sa mère. Ses cousins. Chacun, à ses périls et fortune, peut croire tout ce qu'il lui plaît, Molière, Mal. imag. III, 3. Nul homme n'est à soi-même sa raison, sa lumière, sa sagesse ; si ce n'est peut-être lorsque sa raison est une raison particulière, sa lumière une fausse lueur, sa sagesse une folie, Malebranche, Rech. vér. éclair. liv. I, t. IV, p. 91, dans POUGENS. Cette femme qui prenait le temps de demander son masque, lorsqu'elle l'avait sur son visage, La Bruyère, XI. La peine a ses plaisirs, le péril a ses charmes, Voltaire, Henr. IV. Il faut que chaque parti ait son fou, comme autrefois chaque parti avait son chansonnier, Voltaire, Lett. Damilaville, 15 oct. 1766. Rien de Robert ne me plaît que lui-même ; C'est sa valeur et ses grâces que j'aime, Voltaire, Ce qui plaît aux dames. Les lacs ont leurs oiseaux, la mer a ses serpents, Et ses poissons ailés et ses poissons rampants, Delille, Trois règnes, VIII.

    PROVERBE

    À chaque jour suffit sa peine.
  • 2Dans des cas rares, où un verbe à l'infinitif donne quelque chose de général à la phrase, on peut mettre son, sa, ses, bien que le verbe principal ne soit pas à la 3e personne. Je trouve fort triste de vivre et de mourir sans son archevêque, Maintenon, Lett. au card. de Noailles, 24 oct. 1700.

    Dans des cas encore plus rares et qui ne sont pas à imiter, son se rapporte à un possesseur vague qui n'est pas nommé. Le meilleur de tous les biens, s'il y a des biens, c'est le repos, la retraite et un endroit qui soit son domaine, La Bruyère, De la cour. Il faudrait : qui soit notre domaine.

  • 3Dans le langage familier, son, sa, ses, joint au verbe sentir, équivaut à l'article. … pour me l'amener tu t'en vas en personne… N'envoyer qu'un valet sentirait son mépris, Corneille, le Ment. IV, 4. Un vieux renard, mais des plus fins,… Sentant son renard d'une lieue, La Fontaine, Fabl. V, 5. La ballade, à mon goût, est une chose fade ; Ce n'en est plus la mode, elle sent son vieux temps, Molière, Fem. sav. III, 5. Cela sent son vieillard, qui, pour s'en faire accroire, Cache ses cheveux blancs d'une perruque noire, Molière, Éc. des maris, I, 1. Comme le vrai mérite a ses prérogatives… cette phrase, ce comme ne conviennent pas à Pompée ; cela sent trop son rhéteur, Voltaire, Comm. Corn. Rem. Sertor. III, 2. Sa conversation, non moins instructive qu'amusante, ne sentait point son curé de village, Rousseau, Conf. X.
  • 4Posséder son Homère, son Cicéron, ses auteurs anciens, connaître bien Homère, Cicéron, les auteurs anciens, etc. Il savait Rabelais et son saint Augustin, Voltaire, Marseill. et Lyon. Il n'avait en littérature qu'une légère superficie, il ne savait que son Ovide, Marmontel, Mém. VI.

    On dit de même : il possède bien son arithmétique. Pontchartrain était appliqué, sachant bien sa marine, assez travailleur, Saint-Simon, 305, 233.

  • 5Quelquefois son, sa, ses a une signification méprisante et de reproche. M. Burnet me passe tous les faits que j'ai rapportés sur la réforme anglicane et sur son Cranmer, aussi bien que sur ses autres héros, sans en contredire aucun, Bossuet, Déf. Var. 1er disc. 31.
  • 6Son, sa, ses, placés devant les adverbes comparatifs, forment un superlatif. Son plus riche habit. Sa moins belle robe.
  • 7Son, quoique masculin, se dit au féminin devant un nom commençant par une voyelle ou une h muette : son âme, son épée, son héroïne. Ce solécisme, qui est passé dans l'usage, n'était pas commis par nos aïeux, qui disaient en élidant l'a comme dans l'article : s'ame, s'espée ; ce n'est qu'au XIVe siècle qu'il a commencé à s'introduire.

REMARQUE

1. La règle générale est d'employer l'adjectif son, sa, ses, lorsqu'on parle des personnes ou des choses personnifiées, c'est-à-dire auxquelles on attribue des vues et une volonté. Hors ces cas, il vaut mieux employer en. Au lieu de dire : Le soin qu'on apporte au travail empêche de sentir sa fatigue ; dites : d'en sentir la fatigue. Cependant ce n'est point une loi grammaticale qui y oblige, c'est la clarté et l'élégance, et plus d'une fois les écrivains s'en sont départis. J'ai honte de ma vie, et je hais son usage, Depuis que je la dois aux effets de ta rage, Corneille, Méd. III, 3. On ne peut d'ailleurs qu'user de son, sa, ses quand le nom est en complément indirect, comme ici : Lysidas [parlant de sa pièce] : Tous ceux qui étaient là doivent venir à sa première représentation, Molière, Critique, 7.

2. Pour l'emploi de son, sa, ses avec chacun, voy. CHACUN, Rem. 1.

HISTORIQUE

IXe s. Si Lodhwigs sagrament que son fradre Karlo jurat, conservat…, Serment. Et Karlus meos sendra [mon seigneur], de suo part…, ib.

Xe s. Un edre [un lierre] sore sen cheve [tête] Frag. de Valenc. p. 468. Mult laetatus, por que Deus cel edre li donat à sun soueir e à sun repausement, ib. Ne aiet niuls male voluntatem contra sem peer, ib. p. 469. Elle ent adunet [abandonne] lo suon element [doctrine], Eulalie. Qu'elle perdesse sa virginitet, ib. Par souue clementia, ib.

XIe s. D'icez sons sers [de ces siens serfs], St Alexis, XX. Se [il] mesfeist as homes de sa baillie, Lois de Guill. 2. Serez ses hom [son homme] par honur et par bien, Ch. de Rol. III. Li reis est fiers, et sis curages pesmes, ib. IV.

XIIe s. [Que je] Ne puisse assez li [elle] et s'amor servir, Couci, XI.

XIIIe s. En terre sen fil [son fils] [il] envoia, Qui aveques nous conversa, St Graal, V. 2183. En son lit en seant [elle] prist ses heures à dire, Berte, XI. Mal lui monstrons semblant que soions si ami, ib. LXXI. Et l'apostoles li manda qu'il sermonnast de la croix par s'auctorité, Villehardouin, I. Savés-vous qui estoit s'amie ? la Rose, 835 Dieu, en qui il mist sa fiance, le gardoit touz jours dès s'enfance, Joinville, 201.

XIVe s. Cest os ou son extremité vers la jointure du coude, H. de Mondeville, f° 21. Comme il se feist voie parmi la tourbe avecques son espée, Bercheure, f° 32, recto. Son ire croissoit, Bercheure, f° 40, verso. Il avoit defraudé son esperance, Bercheure, f° 24, verso. Et doit icellui pecheur dire tout ce qui peut grever son ame, Ménagier, I, 3.

XVe s. Du temps de ses feu pere et mere, Louis XI, Nouv. X.

XVIe s. Et ayme mieux en s'amour avoir peine, Que sans s'amour avoir liesse plaine, Marot, II, 375. Sy luy dirois la peine que j'endure Pour son amour, et elle orroit ma plaincte, Marot, I, 376. Ce disant, Dindenault desguainoyt son espée, Rabelais, Pant. IV, 5. Il tua son homme en ce mesme combat, Montaigne, III, 296. La foy prend son commencement, accroissement et perfection de la parole, Calvin, Instit. 1034. … que la loy n'a de rien profité à ses observateurs, Calvin, ib. 1045. Au gentilhomme bien né, son estude, exercice et plaisir, doit estre en toutes les vertus, Lanoue, 201. Ainsi qu'on void avenir à une lanterne : car plus sa vitre est claire, plus sa lumiere interieure s'apperçoit, Lanoue, 531. Il commencea à user d'une franchise de parler, qui sentoit plus son accusateur que sa libre defense, Amyot, Cor. 26.

ÉTYMOLOGIE

Poit. seun ; picard sin ou sen devant une voyelle, chin, son, che, sa ; provenç. ses, son, au fém. sa ; au plur. siei, sei ; au fém. sas ; cat. sos, son ; espagn. suyo ; ital. suo : du lat. suum ; comparez le grec σφέος, et l'allem. sein. Dans l'ancienne langue, ses était le nominatif, son le régime, au sing. masculin ; si le nominatif pluriel, ses le régime pluriel.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1. SON. - REM. Ajoutez :

3. Cet adjectif possessif peut se dire avec un substantif composé. Son contrains-le [de l'Évangile]…, Voltaire, Philos. Déf. de Milord Bolingbroke, XXXII.

HISTORIQUE

VIIIe s. Per sa preceptione, pour : per suam praeceptionem (716), dans JUBAINVILLE, De la déclinaison latine en Gaule à l'époque mérovingienne, p. 96.