« soufflet », définition dans le dictionnaire Littré

soufflet

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

soufflet

(sou-flè ; le t ne se lie pas ; au plur. l's se lie : des sou-flè-z élégants ; soufflets rime avec traits, succès, paix, etc.) s. m.
  • 1Instrument qui sert à souffler. Un soufflet de forge, de cheminée, d'orgues. Un soufflet d'abattoir. L'âme d'un soufflet. Un soufflet gonfle l'animal expiré, et lui donne une forme hideuse, Mercier, Tabl. de Par. 42.

    Soufflet à deux vents, à double vent, à double âme, soufflet dont une partie aspire l'air, pendant que l'autre le chasse, de sorte qu'il souffle sans interruption.

    Se dit aussi des diverses machines soufflantes employées dans les fabriques, les hauts fourneaux, les usines, etc.

    Cela ne vaut pas un clou à soufflet, voy. CLOU.

  • 2Dessus d'une calèche, d'un cabriolet qui se replie en forme de soufflet. Cabriolet à soufflet ou à capote. Ouvrir, fermer le soufflet.

    On dit semblablement : casquette, valise, malle en soufflet.

  • 3Ancienne espèce de voiture à deux roues, fort légère, où il n'y avait place que pour une ou deux personnes, dont le dessus et le devant, étant de cuir ou de toile cirée, se levaient et se repliaient comme un soufflet dans le beau temps, et s'abaissaient et s'étendaient pendant la pluie. Sa Majesté se porta bien… à un peu de rhume près gagné à une chasse où le roi fut mouillé de la pluie qui avait coulé par le dossier de son soufflet, Journ. de la santé du roi, p. 299.
  • 4Coup du plat de la main ou du revers de la main sur la joue. D. Diègue : Viens me venger. - Rodrigue : De quoi ? - D. Diègue : D'un affront si cruel Qu'à l'honneur de tous deux il porte un coup mortel, D'un soufflet, Corneille, Cid, I, 8. Je t'appliquerai sur la joue le plus grand soufflet qui se soit jamais donné, Molière, Bourg. gent. III, 2. Seigneur, j'ai reçu un soufflet ; vous savez ce que c'est qu'un soufflet, lorsqu'il se donne à main ouverte sur le beau milieu de la joue ; j'ai ce soufflet fort sur le cœur, Molière, Sicil. SC. 11. Le soufflet est très injurieux, et rien ne peut déshonorer davantage un honnête homme, Le Maitre, Plaidoyer 26. J'aimerais mieux recevoir un soufflet ou un coup de poing de vous, comme cela m'était assez ordinaire, Racine, Lett. à Mlle Vitart 26 déc. 1661. Un soufflet devint une injure qui devait être lavée par le sang, parce qu'un homme qui l'avait reçu avait été traité comme un vilain, Montesquieu, Esp. XXVIII, 20. Ce chapelier qui présentait sa requête à un duc et pair pour être payé de ses fournitures : Est-ce que vous n'avez rien reçu, mon ami, sur votre partie ? Je vous demande pardon, monseigneur ; j'ai reçu un soufflet de monseigneur votre intendant, Voltaire, Dial. XXIV, 6. Le grand Condé s'oublia jusqu'à donner un soufflet au comte de Rieux… le comte de Rieux rendit le soufflet au vainqueur de Rocroi, de Fribourg, de Nordlingue et de Lens ; cette étrange aventure ne produisit rien, Voltaire, Louis XIV, 5. Réflexion faite, lui dit-il, ce n'est pas un soufflet, c'est un coup de poing que vous m'avez donné, Ch. de Bernard, la Peau du lion, XI.

    Fig. Donner un soufflet à Vaugelas, faire une faute grossière contre la langue française

    On a dit autrefois dans le même sens : Donner un soufflet à Ronsard.

    Fig. Donner un soufflet au bon droit, au sens commun, faire ou dire une chose contraire au bon droit, au sens commun. Et qu'une faible pointe à la fin d'un couplet En dépit de Phébus donne à l'art un soufflet, Corneille, Excuses à Ariste. Il n'y a pas un de ces gens-là qui, pour la moindre chose, ne soit capable de donner un soufflet au meilleur droit du monde, Molière, Fourb. II, 8.

    Autrefois, il a donné un soufflet au roi, il a fait de la fausse monnaie.

    Donner un soufflet à quelqu'un sur la joue d'un autre, diriger contre l'un le blâme que l'on adresse à l'autre. Le critique imprudent, qui se croit bien habile, Donnera sur ma joue un soufflet à Virgile, Chénier, Épît. II.

  • 5Petit soufflet, petit coup sur la joue qui est quelquefois ou une caresse ou une marque de familiarité. À l'autre, d'un air et d'un ton plus amical : Bonjour, abbé, en lui donnant parfois un petit soufflet sur la joue, Marmontel, Mém. IV.

    L'évêque donne un petit soufflet à ceux qu'il confirme.

    Jouer aux petits soufflets, jeu d'enfants où l'on s'amuse à se donner de petits soufflets. Il y a entre eux [le duc d'Enghien et Mme de Brissac] un air de guerre ou de mauvaise paix qui nous réjouit ; nous trouvâmes qu'ils jouaient aux petits soufflets, comme vous y jouiez autrefois avec lui, Sévigné, 3 avr. 1671.

  • 6 Fig. et familièrement. Dégoût, mortification. Il a reçu un rude soufflet. On dit que les vieillards sont durs ; j'ai le malheur d'être sensible, comme si j'avais vingt ans ; le soufflet donné à Laharpe et à notre Académie est tout chaud sur ma joue, Voltaire, Lett d'Argental, 11 oct. 1771.
  • 7 Terme de relieur. Sorte de godet que présente la peau. Ce papier se décolle souvent, soit en dedans, soit en dehors, par le seul effet de la fraîcheur que lui communique la peau, et celle-ci présente des soufflets le long des mords, Lesné, la Reliure, p. 162.
  • 8Poisson de la mer du Sud.

HISTORIQUE

XIIIe s. Le souflet à soufler le feu ; Pot de cuivre tient bien son lieu, Choses qui faillent en ménage. N'est nus si os [nul si osé] ki laiens entre, N'ait d'un souflet parmi le ventre, Ms. de poés. franç. av. 1300, t. IV, f° 1337.

XIVe s. Cinq soufflets neufs, les aucuns ouvrez de taille [c'est-à-dire sculptés], De Laborde, Émaux, p. 502. Le dyafregme est ung instrument qui sert au cuer ainsy comme les soufflès des fevres qui reçoivent l'air en ouvrant et en cloant, Lanfranc, f° 32.

XVe s. Il donna audit homme deux souffletz bien assis, Du Cange, sylvaticus. M'ont mainte fois assigné au souflet Les generaulx [ne m'ont pas payé]…, Deschamps, Poés. mss. f° 310. Pour donner à Dago, le foul, en recompense de soufflets qui luy furent baillés en sa presence [du duc de Bretagne], un escu neuf, De Laborde, Émaux, p. 502. Et quant il vint près, il sentit un soufflet de vent si chault, qu'il luy estoit advis que ce fust feu, Lancelot du Lac, t. III, f° 112, dans LACURNE.

XVIe s. Le feu fut mis par artifice en trois tours, où les Venitiens mettoient principalement leurs poudres ; de ce soufflet toutes les portes et fenestres de la ville de Venise furent ouvertes, et le couvent des Celestins ruiné, D'Aubigné, Hist. I, 342. Nul ne vouloit porter la meche à cette petite trainée, craignant le soufflet du gros, D'Aubigné, ib. II, 150. Le feu estoit mort au foier de son cœur, et tous ces soufflets [ces attaques] n'en faisoient voller que de la cendre, D'Aubigné, ib. II, 439. Vous battez le soufflet, vous serez mal chauffé, Oudin, Curios. franç.

ÉTYMOLOGIE

Souffler (proprement, petit souffle) ; wallon, soflet ; bourg. sôflai. L'instrument à souffler a été dit de souffle ; quant au coup sur la joue, la transition est le bruit produit sur la joue qui recouvre une cavité vide. C'est ainsi que l'ancien mot buffet, coup sur la joue, se rattache à bouffer.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

SOUFFLET. Ajoutez :
9Dans le langage des tailleurs, pièce triangulaire insérée dans une fente de l'étoffe pour élargir un vêtement sur un point donné.

HISTORIQUE

XIVe s. Ajoutez : Tiens te coy, ou je te dounrai un ytel soufflet que tu penseras de moy de cy as quatre jours, Rev. critique, 5e année, 2e série, p. 397.

XVIe s. Ajoutez : Il faudra attendre à punir ces soufflets et boutefeux de meurtres et seditions, jusques à ce que…, Ph. de Marnix de Sainte-Aldegonde, Response apologetique, 1598, Corresp. et mélanges, p. 485.