« souffrance », définition dans le dictionnaire Littré

souffrance

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

souffrance

(sou-fran-s') s. f.
  • 1 Terme de jurisprudence. Tolérance pour certaines choses qu'on pourrait empêcher (le sens propre de souffrir étant porter, soutenir). Cette vue est une souffrance. Un jour de souffrance.
  • 2 Terme de comptabilité. Suspension dans l'allocation ou le rejet d'une dépense portée en compte sans pièces à l'appui. Cet article est en souffrance. Tenir une partie en souffrance.
  • 3 Par extension, tout retard préjudiciable dans la conclusion d'une affaire. Cet homme laisse toutes ses affaires en souffrance. Ce procès met mon commerce en souffrance.
  • 4 Terme de féodalité. Surséance, délai que le seigneur accordait en certains cas à son nouveau vassal, pour faire foi et hommage.
  • 5État de celui qui souffre (celui qui souffre portant, supportant le mal). La souffrance aux personnes de ce rang tient lieu d'une grande vertu, Retz, Mém. t. I, liv. II, p. 93, dans POUGENS. Il [Jésus-Christ] a souffert et est mort pour sanctifier la mort et les souffrances, Pascal, Lett. sur la mort de son père. Ainsi parmi les souffrances et dans les approches de la mort s'épure comme dans un feu l'âme chrétienne, Bossuet, le Tellier. Dieu, qui sait que les plus fortes vertus naissent parmi les souffrances, l'a fondée [l'Église] par le martyre, et l'a tenue durant trois cents ans dans cet état, Bossuet, Hist. II, 7. Le néant seul, hélas ! ignore la souffrance, Delille, Parad. perdu, X. En présence de cette nature immuable, faut-il donc avoir tant de peur des souffrances que le temps entraîne avec lui ? Staël, Corinne, XI, 4. Dans notre siècle, que quelques découvertes encouragent à tout expliquer, ceux-là [les officiers des armes savantes], au milieu des souffrances aiguës que leur apportait le vent du nord [dans la campagne de Russie], cherchaient la cause de sa constante direction, Ségur, Hist. de Nap. XI, 11.

    Action de souffrir. La souffrance du mal.

    Il se dit des peines de l'amour. Il pria sa maîtresse d'avoir pitié de ses souffrances, Hamilton, Gramm. 4.

    Armée de souffrance, nom que prenait la bande des nu-pieds, 1639, en Normandie.

  • 6Dans le langage de la physiologie, toute sensation pénible, qu'elle soit bornée à un simple malaise, ou qu'elle s'élève jusqu'à l'état de douleur.

HISTORIQUE

XIIe s. Je l'ai mis en sufrance [j'ai passé par-dessus, je n'en ai tenu compte], que nel fis amender, Th. le mart. 72.

XIIIe s. Apriès li vesti on la tunique qui doit iestre vers, en la quele on list l'epistole, qui senefie soufrance, Chr. de Rains, 104. Granz vertu est souffrance [patience], Ass. de Jérus. I, 103.

XVe s. Durant les treves ou abstinences et souffrances de guerre, Du Cange, abstinentia. Le duc leur accorda [la trêve], et mit en souffrance [fit cesser] tous assauts, Froissart, I, I, 115. Au jugement, n'eut nulle dilation de souffrance, ne de mercy, Froissart, I, I, 50. Et ainsi gaigna Fabius par sa saige souffrance, et Minutius perdit par sa folle hastiveté, Bouciq. IV, 4.

XVIe s. Les pechez ne se font pas seulement par la permission ou souffrance [tolérance] de Dieu…, Calvin, Instit. 225. Cette fable de Jupiter et Juno eshontée au delà de toute souffrance, Montaigne, III, 331. Pour mesurer la constance, il fault necessairement sçavoir la souffrance, Montaigne, IV, 162. Le seigneur n'est tenu recevoir l'hommage de son vassal par procureur ; mais, s'il a excuse legitime, lui donnera souffrance, Loysel, 558. Estrivant à l'encontre des privez soudards en simplicité de vivre et en souffrance de labeur, Amyot, Marius, 10. Ne pourra estre continuée la souffrance ou supercession d'une partie employée dans divers comptes de diverses clostures sous mesme nom ; ains sera la souffrance convertie en supercession, et la supercession en radiation, Édit, août 1598.

ÉTYMOLOGIE

Souffrant ; wallon, sofrants ; bourguig. sôffrance ; prov. sufrensa, sufransa ; ital. sofferenza.