« suffrage », définition dans le dictionnaire Littré

suffrage

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

suffrage

(su-fra-j' ; prononcé suffrâge au XVIIe siècle d'après Chifflet, Gramm. p. 183) s. m.
  • 1Déclaration que, d'une façon quelconque, on fait de sa volonté dans une élection, dans une délibération. Réunir la pluralité des suffrages. Prendre les suffrages. Recueillir les suffrages. Dans cette élection les suffrages furent partagés. Ce juge corrompu devient l'accusateur ; toutes les règles de l'équité sont ici violées : il n'attend pas les suffrages, il les inspire, Massillon, Carême, Passion, 1. C'est une grande question, si les suffrages doivent être publics ou secrets, Montesquieu, Esp. II, 2. Charles II paraît être le premier roi d'Angleterre qui ait acheté, par des pensions secrètes, les suffrages des membres du parlement, Voltaire, Mœurs, 182. L'Académie, en le dispensant [l'abbé d'Olivet] de solliciter les suffrages que ses travaux sollicitaient assez, fit en cette occasion ce qu'elle devrait toujours faire ; les lettrés et la compagnie y gagneraient, D'Alembert, Élog. d'Olivet. Ô honte ! [en Angleterre] l'homme riche achète les suffrages de ses commettants pour obtenir l'honneur de les représenter ; la cour achète les suffrages des représentants pour gouverner plus despotiquement, Raynal, Hist. phil. XIX, 2.

    Suffrage universel, droit de voter accordé à tous les citoyens.

    Suffrage restreint, celui auquel tous les citoyens ne sont pas appelés.

  • 2 Par extension, adhésion, approbation. On m'a souvent fait une question à la cour, quel était celui de mes poëmes que j'estimais le plus, et j'ai trouvé ceux qui me l'ont faite si prévenus en faveur de Cinna, ou du Cid, que je n'ai jamais osé déclarer toute la tendresse que j'ai toujours eue pour celui-ci, à qui j'aurais volontiers donné mon suffrage, Corneille, Rodog. Examen. Voulez-vous sur la scène étaler des ouvrages Où tout Paris en foule apporte ses suffrages ? Boileau, Art p. III. Rome, aussi bien que moi, vous donne son suffrage, Racine, Brit. II, 3. Chacune avait sa brigue et de puissants suffrages, Racine, Esth. I, 1. L'Église demande encore le suffrage des peuples dans l'élection de ses ministres, Massillon, Conf. Vocat. à l'ét. eccl. 1. S'ils [les grands] consultent quelquefois, c'est moins pour connaître leurs devoirs, que pour chercher des suffrages à leurs passions, Massillon, Carême, Passion, 1. Il vous apprend qu'un ignorant suffrage N'est pas moins sot qu'un ignorant ouvrage, Rousseau J.-B. Épît. II, 2. Il est bon d'avoir votre suffrage ; mais je veux l'avoir par la force de la vérité, Voltaire, Lett. Mme du Deffant, 30 juill. 1773. [Un critique] Recueillant de petits suffrages, Et s'appesantissant sur de petits ouvrages, Croit dicter les arrêts de la postérité, Desmahis, Poés. p. 87, dans POUGENS. Recherchant les suffrages d'un salon, même après ceux d'une tribune, Staël, Corinne, XII, 1.
  • 3 Au pluriel. Terme de liturgie catholique. Prières que l'on fait en certains jours de l'année à la fin de laudes et de vêpres pour la commémoration des saints.

    La Fontaine a dit suffrages au sens de prières en général. Et nous, de qui les cœurs sont enclins aux forfaits, Laissons languir sa gloire [de Dieu], et d'un léger suffrage Ne daignons relever son nom ni son ouvrage, Saint Malc.

    Suffrages de l'Église, prières qu'elle adresse à Dieu pour les fidèles, afin de leur obtenir quelques grâces. C'est dans la solennité des saints mystères, parmi les vœux et les suffrages des fidèles …que j'applique cet éloge à très haut et très puissant …duc de Montausier, Fléchier, M. de Mont.

    Suffrages des saints, les prières que les saints font à Dieu en faveur de ceux qui les invoquent.

    Menus suffrages, courtes oraisons surérogatives que les moines ou quelques gens dévots récitent à la suite de l'office en commémoration des saints.

    Fig. et par plaisanterie. Menus suffrages, petites choses, de peu de conséquence. Epoux, quand ils sont sages, Ne prennent garde à ces menus suffrages, La Fontaine, Rémois.

HISTORIQUE

XIVe s. Le suffrage de la election que le peuple fait au jour des comices estoit sans vertu, jusques à tant que les peres aprovent, Bercheure, f° 12, verso.

XVe s. Vous deplaist il si je marchande Du drap, ou quelque autre suffrage Qui soit bon à nostre mesnage ? Pathelin. Vous seul [Dieu], sans aultre humain suffraige, me povez aider, Intern. consol. II, 40.

XVIe s. L'eglise en recevant l'Escriture saincte et la signant par son suffrage ne la rend pas authentique, Calvin, Instit. 32. David a esté souvent delivré par la puissance de Dieu : a ce esté pour l'attirer à soy, ou que nous soyons aujourd'hui secourus par ses suffrages ? Calvin, Inst. 703. Pastez, longes de veau froides couvertes de poudre blanche, et autres menus suffrages pour remplir le boudin, Fouilloux, Vénerie, ch. 35. Ung paoure lion par la forest de Bievre se promenant et disant ses menuz suffraiges, Rabelais, II, 15.

ÉTYMOLOGIE

Lat. suffragium. Dans l'exemple de Pathelin, suffrage est pris dans une acception détournée, et signifiant objet de menue valeur, et provient des menus suffrages de l'Église.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

SUFFRAGE.
3Ajoutez :

Menus suffrages est aussi un terme de pratique ; en ce sens, les menus suffrages sont les choses en nature données en sus du fermage principal, du fermage en argent. Ainsi vous affermez une propriété moyennant 1000 francs par an, 10 kilogrammes de beurre, 10 douzaines d'œufs, 10 décalitres de blé ; le beurre, les œufs, le blé sont les menus suffrages. On dit aussi suffrages en ce sens : j'ai affermé ma propriété 100 francs, sans suffrages (PETILLEAU).

Menus suffrages se dit, dans le département du Cher, d'une somme en argent que le métayer paye au propriétaire en sus de sa moitié, les Primes d'honneur, p. 386, Paris, 1874.