« suffisance », définition dans le dictionnaire Littré

suffisance

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

suffisance

(su-fi-zan-s') s. f.
  • 1Ce qui suffit, ce qui est assez. Avoir suffisance de blé. Avant qu'elle [une dame] en eût pris sa suffisance [de danse], Hamilton, Gramm. 10. On avait dès le matin renvoyé Mme de Verneuil à Paris, trouvant qu'elle en avait eu sa suffisance [de la fête], Saint-Simon, 3, 57.
  • 2Il s'est dit de la grâce dans les querelles qu'elle a suscitées. Supposez que tous les hommes aient des grâces suffisantes ; il n'y a rien de plus naturel que d'en conclure que la grâce efficace n'est donc pas nécessaire pour agir, puisque la suffisance de ces grâces générales exclurait la nécessité de toutes les autres, Pascal, Prov. II. N'est-ce point ici quelque chose de semblable à cette suffisance qui ne suffit pas ? Pascal, ib. IV.
  • 3Capacité intellectuelle. Qu'est-ce qu'on peut dire à la louange de messieurs les secrétaires d'État, qui ne soit au-dessous de leur inestimable suffisance et de leur incomparable probité ? Malherbe, à M. de Luynes, trad. du XXXIIIe liv. de Tite Live. Quand on est assuré de la suffisance de son guide, il n'y a que plaisir à être mené, Guez de Balzac, liv. v, lett. 12. Broussel, personnage d'une ancienne probité, de médiocre suffisance, et qui avait vieilli dans la haine des courtisans, La Rochefoucauld, Mém. 28. Homme de suffisance, homme de capacité, Molière, Mar. forcé, 6. Nous ne pouvons pas seulement voir un avocat en soutane et le bonnet en tête, sans une opinion avantageuse de sa suffisance, Pascal, Pens. III, 3, éd. HAVET. La vie des hommes est trop importante, on y agit avec plus de respect ; les lois ne l'ont pas soumise à toutes sortes de personnes, mais seulement aux juges dont on a examiné la probité et la suffisance, Pascal, Prov. XI. On estime les choses à proportion du degré de suffisance qui est requis pour les bien faire, Montesquieu, Esp. XXI, 13.
  • 4Il s'est dit pour capacité, droit politique. Le roi étant informé de sa capacité et suffisance. La plupart des citoyens, qui ont assez de suffisance pour élire, n'en ont pas assez pour élus, Montesquieu, Espr. II, 2.
  • 5Vanité, présomption ridicule. À son ton naturellement tranchant, il ajouta la suffisance d'un parvenu, Rousseau, Confess. IX. Jusqu'à ce que la suffisance soit devenue la mesure du mérite, il faudrait se garder d'en prendre le ton, Diderot, Claude et Nér. II, 17. Décidant avec suffisance, à la fois pédant et superficiel, Genlis, Veillées du château t. I, p. 347, dans POUGENS. Il a bien de la suffisance pour avoir de l'esprit, Genlis, Théât d'éducation, le Voyageur, I, 2.

    On dit souvent d'un sot présomptueux, que rien n'égale sa suffisance, si ce n'est son insuffisance.

    Il se dit aussi des manières. La suffisance de son maintien et de ses manières, Genlis, Mèr. riv. t. III, p. 43, dans POUGENS.

  • 6À suffisance, en suffisance, loc. adv. Suffisamment, assez. Il y a eu cette année du blé en suffisance. Il y avait abondance de munitions de guerre et de bouche, et de l'artillerie à suffisance, Saint-Simon, t. VIII, p. 441, éd. CHÉRUEL. Il peut, sans préjudice de sa félicité, ignorer la nature de l'or et de l'argent, pourvu qu'il en possède à suffisance de ses besoins, Boulainvilliers, Réfut. de Spinosa, p. 147.

    PROVERBE

    Qui n'a suffisance n'a rien, quelques avantages qu'on ait d'ailleurs, si on manque de ce qui est nécessaire, on n'a rien.

HISTORIQUE

XIIIe s. Si ne fait pas richesse riche Celi qui en tresor la fiche ; Car sofisance [contentement] solement Fait homme vivre richement, la Rose, 4993.

XIVe s. Quant l'en a de teles choses à soufisance pour vie humaine, oncor celuy qui est juste a mestier d'autres choses, Oresme, Éth. 315.

XVe s. Il a acquis un très grand tresor, qui est a suffisance, et c'est la propre richesse, ny point n'en est d'autre, Bouciq. IV, 6.

XVIe s. Ils en acquirent à suffisance pour s'en servir à la necessité, Montaigne, I, 194. Ma suffisance ne va pas si avant que d'oser entreprendre…, Montaigne, I, 206. Les unes se contentent de suffisance honneste ; les autres ne se plaisent qu'en l'abondance, Lanoue, 162. Il n'estoit pas moins bien né à la temperance et à la simplicité et suffisance de peu que luy, Amyot, Agés. et Cléom. 25. Qui a suffisance a prou de bien ; qui n'a suffisance, il n'a rien, H. Estienne, Précell. p. 88.

ÉTYMOLOGIE

Suffisant.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

SUFFISANCE.
3Ajoutez :

Suffisance à, habileté à. L'amas des consolations, L'éclat des révélations, Ne sont pas du mérite une marque fort sûre ; Et ni par le degré plus haut, Ni par la suffisance à lire l'Écriture, On ne juge bien ce qu'il vaut, Corneille, Imit. III, 953, ch. VII.