« ténébreux », définition dans le dictionnaire Littré

ténébreux

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ténébreux, euse

(té-né-breû, breû-z') adj.
  • 1Où il n'y a aucune clarté. Fussiez-vous dans ces terres ténébreuses dont il est parlé dans l'Écriture…, Bossuet, Anne de Gonz. Du plus saint appareil la ténébreuse horreur, Les autels, les serments, tout enchaîne Séide, Voltaire, Fanat. III, 5. J'ai couru m'enfoncer dans ces bois ténébreux, Legouv. Épichar. et N. I, 3.

    Poétiquement, le séjour ténébreux, l'enfer.

    Fig. L'audace d'une femme, arrêtant ce concours, En des jours ténébreux a changé ces beaux jours, Racine, Athal. I, 1. Quel espoir si flatteur, ou quels heureux destins, De vos jours ténébreux ont fait des jours sereins ? Voltaire, Zaïre, I, 1.

  • 2 Fig. Qui est enveloppé comme sous des ténèbres, qui ne porte aucune lumière à l'esprit. Ce sont ceux qui ont le plus d'esprit, qui se rebutent le plus aisément des méthodes ténébreuses, Dumarsais, Œuv. t. I, p. 101. Nos ténébreuses querelles théologiques ne bornent pas au dedans du royaume le tort et le mal qu'elles nous causent, D'Alembert, Œuv. t. v, p. 134. Rien n'est plus ténébreux que l'histoire de cette immense contrée [Afrique] ; le chaos commence à se débrouiller à l'arrivée des Carthaginois, Raynal, Hist. phil. XI, 4.
  • 3Il se dit des auteurs qui rendent obscur le sens de leurs pensées. On appelait Héraclite le philosophe ténébreux, parce qu'il ne parlait jamais que par énigme, Fénelon, Héracl.
  • 4Qui est devenu obscur par le temps. Ceux qui, avant que son livre [de Guérin du Rocher] parût, ont été d'un avis différent du sien sur quelques points de la ténébreuse antiquité, Voltaire, Mél. litt. Hist. temps fabul.

    Les temps ténébreux de l'histoire, les temps où l'histoire est incertaine, peu connue.

  • 5 Fig. Difficile à pénétrer. Ô promesse ! ô menace ! ô ténébreux mystère ! Racine, Athal. III, 8. La part que j'ai prise, messieurs, à cette affaire qui n'a jamais été ténébreuse pour moi, Voltaire, Pol. et lég. Procès Morangiès, 4° lett. En paraissant dormir le gouvernement veille ; Ténébreux dans sa marche, il poursuit son chemin, Ducis, Othello, II, 7.

    Il est sombre et ténébreux, il a l'air sombre et ténébreux, se dit d'un homme sombre et mélancolique.

  • 6 Fig. Il se dit des actions mauvaises qui s'enveloppent de ténèbres. L'infâme calomnie, avec perversité, Répand ses ténébreux scandales, Voltaire, Jean qui pleure, etc. Demeurez ; écoutez leurs complots ténébreux, Voltaire, Triumv. I, 2. Les preuves les plus ténébreuses, les témoignages les plus suspects leur ont suffi pour se décider en mal sans autre vérification, Rousseau, 2e dial.

    Fig. Un coquin ténébreux, un homme qui cache avec soin ses manœuvres coupables. Ce n'est plus qu'un cœur bas, un coquin ténébreux, Boileau, Ép. IX. Celui-là… N'est pour moi qu'un maraud sinistre et ténébreux, Hugo, Ruy Blas, I, 2.

    Dans le style soutenu, l'esprit ténébreux de discorde, le démon de la discorde. Souvenez-vous de ce temps de désordre et de trouble, où l'esprit ténébreux de discorde confondait le droit avec la passion, le devoir avec l'intérêt, la bonne cause avec la mauvaise, Fléchier, Tur.

  • 7 S. m. Le beau Ténébreux, dans les romans de chevalerie, se dit d'Amadis, qui, désespéré des rigueurs de la belle Oriane, vécut comme un sauvage dans une solitude.

    Il se dit, par plaisanterie, des amoureux qui ont quelque raison de cacher leurs entreprises galantes. Je n'ai qu'une chose à faire, c'est d'entonner là [près d'une femme peu contente de son mari] la cantilène consolatrice que gazouille depuis un an ce beau Ténébreux, Ch. de Bernard, Un acte de vertu, § VI.

REMARQUE

Cette personne a le visage ténébreux ou brun ; l'un et l'autre sont bien reçus, Marg. Buffet, Observ. p. 32, 1668. Cette locution n'est plus d'usage.

HISTORIQUE

XIe s. Halt sunt li pui, e li val tenebrus, Ch. de Rol. LXIII. Turnez ses oilz [ses yeux sont tournés], mult li sunt tenebros, ib. CCIV.

XIVe s. Une fosse… Obscure, tenebreuse, machonnée, effortie, Baud. de Seb. VI, 27.

XVe s. Et faisoit si noir, si brun et si tenebreux, qu'on ne veoit devant soi un arpent loin, Froissart, II, III, 99.

XVIe s. Le patient a les yeux tenebreux, n'oyant point…, Paré, VIII, 12. Mes yeux estoient couverts d'un voile tenebreux, Ronsard, 810. Ay je pas veu en Platon ce divin mot, que nature n'est rien qu'une poesie enigmatique, comme, peult estre, qui diroit une peincture voilée et tenebreuse ? Montaigne, II, 280.

ÉTYMOLOGIE

Prov. tenebros ; esp. et ital. tenebroso ; du lat. tenebrosus, de tenebræ, ténèbres.