« tourment », définition dans le dictionnaire Littré

tourment

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

tourment

(tour-man) s. m.
  • 1Violente douleur corporelle. Dans les tourments inouïs de sa dernière maladie, la princesse Anne n'a eu à se repentir que d'avoir une seule fois souhaité une mort plus douce, Bossuet, Anne de Gonz. Le superbe animal [un taureau], agité de tourments, Exhale sa douleur en longs mugissements, Boileau, Lutr. I.

    Fig. Et, dans ce long tourment de la terre et de l'onde, Un nouveau monde éclos des débris du vieux monde ! Delille, Jard. II.

  • 2Tortures qu'on fait souffrir à quelqu'un. Il [Pierre] estime déjà ses oreilles coupables D'entendre ce qui sort de leurs bouches damnables, Et ses yeux d'assister aux tourments qu'on lui fait [à Jésus], Malherbe, I, 4. Dans les tourments ils laissèrent la vie, Racine, Esth. II, 3. Les Juifs, dont le bénédictin Calmet a fait graver les supplices dans son Dictionnaire, n'ont pu que couper, déchirer, mutiler, tirer, brûler, étouffer, écraser ; tous les tourments se réduisent là, Voltaire, Princ. d'action, 8. Ne me demandez pas non plus si les tourments des méchants seront éternels, et s'il est de la bonté de l'auteur de leur être de les condamner à souffrir toujours, Rousseau, Ém. IV.
  • 3 Fig. Grande peine d'esprit. Qu'elle soit le tourment et le plaisir des cœurs, Régnier, Sat. VII. La cruelle chose que d'avoir une tête aussi délicate et aussi épuisée que la sienne [de Pascal], qui a fait le tourment de sa vie, et l'a coupée enfin au milieu de sa course, Sévigné, 544. Leur esprit [aux poëtes] toutefois se plaît dans son tourment, Boileau, Ép. X. Quel tourment de se taire en voyant ce qu'on aime, De l'entendre gémir, de l'affliger soi-même, Lorsque par un regard on peut le consoler ! Racine, Brit. III, 7. Dieu vous préserve de joindre les tourments de l'esprit à ceux du corps ! Voltaire, Lett. Mme de Fontaine, 18 juin 1755. L'amour est un dieu que la terre adore, Il fait nos tourments, il sait les guérir, Voltaire, Dict. phil. Hémistiche. De la religion ténébreux monuments [les hiéroglyphes], Pour les sages futurs laborieux tourments, Chénier, Fragm. d'un poëme intit. Hermès. Et quand vous conterez votre longue infortune, Les tourments de l'espoir et l'attente importune, Delille, Hom. des ch. var. et add. ch. 4.

HISTORIQUE

XIe s. En France en ad mult mervellus turment [orage], Ch. de Rol. CIX. Et [sauvas] Daniel del mervellus turment Enz en la fosse…, ib. CCXXIV.

XIIe s. Que je sui cil qui plus a de torment, Couci, VII. Deus en prist vengement [du roi d'Angleterre Guillaume le Roux], Al berser [coup de flèches] fu ocis e fina malement, Li corz en est purriz e l'aneme en turment, Th. le mart. 92. Engleterre est enclose et de terre et de vent ; Ne crient Deu ne ses sains pur un poi de turment [orage], ib. 66.

XIIIe s. Adonc s'apaisa li tourmens, e fu la mer coie, Chr. de Reims, p. 49. Car puis en ai soufert grant peine et grief tourment, Berte, XLVII. Il vint à nous qui l'attendions en la chambre ou palais, et nous dit en riant, le tourment que il avoit eu aus prelas, dont le premier fu tel…, Joinville, 291.

XIVe s. Mes devroit l'en plus eslire morir et soustenir et souffrir très durs tormens, Oresme, Éth. 49. Après que il eut assiegé quinze jours, il fist drecer ses pierrers et ses mangonneaux, et maintes autres manieres de tourmens [machines de guerre], Chr. de St Denis, t. II, f° 3, dans LACURNE.

XVIe s. Au mort et à l'absent Injureni tourment, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 233. Cette mort, que les uns appellent des choses horribles la plus horrible, qui ne sait que d'autres la nomment l'unique port des torments de la vie ? Montaigne, I, 295. Il n'y a gueres moins de torment au gouvernement d'une famille que d'un estat entier, id. I, 274. Assez parens, assez tourmens, Cotgrave Abayez comme chiens, hurlez en vos tourmens, L'abysme ne repond que d'autres hurlemens, D'Aubigné, Tragiques, jugement.

ÉTYMOLOGIE

Picard et Berry, torment ; wallon, tourmain ; provenç. torment, turment ; espagn. et ital. tormento ; du lat. tormentum, tourment, proprement engin à tordre, de torquere (voy. TORDRE).