« tordre », définition dans le dictionnaire Littré

tordre

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

tordre

(tor-dr'), je tords, tu tords, il tord, nous tordons, vous tordez, ils tordent ; je tordais ; je tordis ; je tordrai ; je tordrais ; tords, qu'il torde, tordons ; que je torde, que nous tordions ; que je tordisse ; tordant, tordu v. a.
  • 1Tourner un corps long et flexible par les deux bouts en sens contraire, ou par un seul bout, l'autre étant fixe. Tordre du fil, un lien. L'une, penchée vers la surface de l'eau, y trempe son linge ; l'autre, accroupie, le tord, Diderot, Salon de 1767, Œuv. t. XIV, p. 199. dans POUGENS. L'homme est sur un flot qui gronde, L'ouragan tord son manteau, Hugo, Voix, 17.

    Fig. Pressez-les, tordez-les, ils dégouttent l'orgueil, l'arrogance, la présomption, La Bruyère, VIII.

    Qui te tordrait le nez, il en sortirait encore du lait (Comédie des Prov. III, 7, XVIIe siècle), se dit par moquerie à un jeune homme, à un blanc-bec, qui se mêle de choses dont son âge le rend incapable.

    Populairement. Ne faire que tordre et avaler, manger très avidement, avaler presque sans mâcher.

  • 2Tordre de la laine, de la soie, du fil, tourner à la main, au rouet ou au moyen d'une machine, plusieurs brins pour n'en former qu'un seul.

    Attacher ces matières sur une cheville, et en rouler plusieurs écheveaux ensemble

    Tordre le câble, joindre en un les cordons qui doivent le composer.

  • 3Tourner violemment, en parlant d'un membre. Finissez donc, monsieur, vous me tordez le bras, Beaumarchais, Barb. de Sév. II, 11.

    Tordre le cou, faire mourir en tournant le cou. Voit son faucon, lui tord le cou, le plume, La Fontaine, Fauc. Si je résiste, il me tordra le cou, Hauteroche, Esp. foll. v, 10. Tout ce qui restait de la Ligue à Paris ne publia-t-il pas que le diable avait tordu le cou à la belle Gabrielle d'Estrées ? Voltaire, Pol. et lég. Avis au public, exemples.

    Se tordre les bras, les mains, tordre à soi les bras, les mains, dans un excès de passion, de douleur. Échevelée, étendue sur le cercueil de son amie, se tordant les mains, Diderot, Él. de Richardson. Se roulant par la chambre en se tordant les mains et mordant les pieds des chaises, Rousseau, Hél. VI, 11.

  • 4Tourner de travers. Je leur remontrerai, en penchant le cou et en tordant la bouche, que tu as une opinion erronée sur les cellules où furent renfermés les Septante, Voltaire, Dict. phil. Persécution. Et de bals où il a dansé en bâillant à se tordre la bouche, D'Alembert, Lett. au roi de Pr. 19 déc. 1768.
  • 5 Fig. Détourner de sa signification naturelle un texte. Avouez la vérité, monseigneur : on aimerait mieux s'être expliqué plus précisément, et employer son esprit à bien définir les mots pour parler conséquemment, que de les tordre après coup pour se sauver comme on peut, Bossuet, Réponse à quatre lettres, 1. L'Écriture se laissait tordre et violenter à qui le voulait, Bossuet, Var. v, 22. Ils tordent une phrase d'Hippocrate pour faire accroire que les Grecs connaissaient la circulation du sang mieux que Harvey, Voltaire, Dict. phil. Système.

    Tordre le sens d'un auteur, d'un passage, lui donner une interprétation fausse et forcée.

  • 6Se tordre, v. réfl. Agiter son corps en le tournant en sens contraire. Un ver qui se tord. Je vous assure que j'aurais crié plus d'une fois, au lieu qu'il a fallu soupirer, se mordre les lèvres et se tordre, Diderot, Lett. à Mlle Voland, 25 oct. 1761. Satan boit, et, pris de colique, Il jure, il grimace, il se tord, Béranger, Mort du diable. Connaître un pas qu'on aime et que jaloux on suit, Rêver le jour, brûler et se tordre la nuit, Hugo, Feuilles d'aut. 18.

    Rire à se tordre, rire extrêmement.

  • 7Devenir contourné. Cette branche s'est toute tordue. Ses yeux, remplis d'un feu sombre, roulaient avec égarement, sa bouche se tordait, Voltaire, Facéties, appar. Bertier.

HISTORIQUE

XIIIe s. Et cil va la robe [mouillée] tordant, Qui entour le comte ot esté, Bl. et Jeh. 2748. La male passion le torde ! Ren. 884. Et aus vieilletes [vieilles femmes] vont les mameles torgant, Chans. d'Ant. II, 38. La descordance acordent des maux que recordons, En lor lit se descordent por ce que nos tortons, Rutebeuf, 181. Ses puins et ses caveus [cheveux] torjant, Ms de poés. franç. av. 1300, t. IV, p. 1354, dans LACURNE.

XIVe s. Se tu ne pues souder la voine ou l'artere [blessées] pour aucun empeschement, donc te convient il la voine tirer ou l'artere hors de son lieu, et tortre le bout, ou ardre à ung fer chault, Lanfranc, f° 14, verso.

XVe s. Qui lors vit hommes et femmes et les enfans d'iceux pleurer et tordre leurs mains… il n'est si dur cœur qui n'en eust pitié, Froissart, I, I, 321. Et heurterent de la chasse du dit sainct contre une maison…, et ilz dirent que ledit sainct vouloit passer par la maison sans se tordre [se détourner], et en ung mouvement l'abbatirent, Commines, II, 4. Cy le traie [qu'elle tire son enfant] du puis et le couche à terre, puis die en tuertant ses mains : hareu ! lasse ! filz, tu es mort, Mir. de sainte Genevieve.

XVIe s. Panurge tordoyt la gueulle et retiroyt les doigtz, Rabelais, Pant. II, 29. Je tors bien plus volontiers une belle sentence, pour la coudre sur moy, que je ne tors mon fil pour l'aller querir, Montaigne, I, 191. Quelqu'un des siens luy tord le col, Montaigne, I, 130. S'efforceans ordinairement de redresser la commune quand elle se tord, Amyot, Lucull. et Cimon, 5. Les Atheniens ne tiroient que dards, flesches et traicts, dont le branlement des vaisseaux tordoit et empeschoit le droit fil, Amyot, Nicias, 45. Les curieux sont subjects à tordre le col et se retourner. .. Amyot, De la cur. 20. À qui on les a tors et comprimés [les testicules] par violence, Paré, XVIII, 43. Il ne se tord pas qui va plain chemin, Cotgrave

ÉTYMOLOGIE

Berry, tortre ; norm. terquer, teurquier, et aussi teurdre (mais l'o revient quand la syllabe n'est pas accentuée : nous tordons) : tu mens, le nez te teurd, par allusion à un ancien usage : un menteur pris sur le fait devant faire amende honorable en se tordant le nez et disant : j'ai menti ; bourg. todre ; wallon, toîd ; provenç. torser ; espagn. et portug. torcer ; ital. torcere ; du lat. torquere. Les étymologistes le rapprochent du grec τρέπω, tourner. Le français tordre représente une accentuation barbare torquĕre.