« tyrannie », définition dans le dictionnaire Littré

tyrannie

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tyrannie

(ti-ra-nnie) s. f.
  • 1Domination usurpée et illégale, bien ou mal exercée (sens ancien). Nous savons que ce prince magnanime [Charles II] eût pu hâter ses affaires, en se servant de la main de ceux qui s'offraient à détruire la tyrannie [Cromwell] par un seul coup, Bossuet, Reine d'Anglet. Je l'avoue franchement, la tyrannie ne me donnait aucun plaisir, Fénelon, Dial. morts anc. (Solon, Pisistrate). Le mot tyrannie, qui avait été pris en bonne part, ne servit plus qu'à exprimer la cruauté jointe à l'usurpation du pouvoir, Lévesque, Instit. Mém. sc. mor et pol. t. II, p. 51.
  • 2Gouvernement injuste et cruel, légitime ou non. Toujours la tyrannie a d'heureuses prémices, Racine, Brit. I, 1. Il ne faut ni art ni science pour exercer la tyrannie, La Bruyère, X. Tous les coups portèrent sur les tyrans, aucun sur la tyrannie, Montesquieu, Esp. III, 3. Sous quelle tyrannie aimeriez-vous mieux vivre ? sous aucune ; mais, s'il fallait choisir, je détesterais moins la tyrannie d'un seul que celle de plusieurs, Voltaire, Dict. phil. Tyrannie. La tyrannie d'un corps est toujours plus impitoyable que celle d'un roi, Voltaire, Mœurs, 182.
  • 3Toute sorte d'oppressions et de violences. Six cents soldats qui avaient été les instruments de leurs tyrannies [de quelques gouverneurs], Vaugelas, Q. C. 545. Tu [Assuérus] ne m'as prodigué tes perfides bienfaits Que pour me faire mieux sentir ta tyrannie, Racine, Esth. III, 1. Tous n'attendent qu'un chef contre la tyrannie [des Romains], Racine, Mithr. III, 1. Il [Napoléon] s'est plaint de la tyrannie qu'elle [l'Angleterre] exerçait sur les mers ; mais c'était ce pouvoir sur mer qui mettait obstacle à sa tyrannie sur terre, Villemain, Souven. contemp. Cent-Jours, VIII.

    Il se dit aussi de l'abus de l'empire sur les animaux. Si l'on ajoute aux causes naturelles d'altération dans les animaux libres celle de l'empire de l'homme sur ceux qu'il a réduits en servitude, on sera surpris de voir jusqu'à quel point la tyrannie peut dégrader, défigurer la nature, Buffon, Quadrup. t. VII, p. 200.

  • 4Humeur, conduite impérieuse et violente dans les rapports de famille ou de société. On a souvent besoin de force et de prudence pour les opposer à la tyrannie de la plupart de nos amis, qui se font un droit sur notre confiance et qui veulent tout savoir de nous, La Rochefoucauld, Réfl. div. p. 115. La tyrannie consiste au désir de domination universelle et hors de son ordre, Pascal, Pens. VI, 37, éd. HAVET. La tyrannie est de vouloir avoir par une voie ce qu'on ne peut avoir que par une autre, Pascal, ib. VI, 10. Nous exerçons sur nos frères une espèce de tyrannie, nous prenons contre eux un esprit d'aigreur ou un esprit de dédain, Bossuet, Serm. Samedi de la 3e sem. de carême, Jugem. hum. 1. Il n'y a point de plus maligne tyrannie que de forcer un homme de nous être obligé malgré lui, et c'est indignement abuser du nom de grâce que de le donner à un traitement forcé, plus cruel que le châtiment, Rousseau, Dial. I. Elle [sa femme] m'accuserait de caprice et peut-être de tyrannie, Ch. de Bernard, la Chasse aux amants, III.
  • 5 Fig. Pouvoir que certaines choses ont d'ordinaire sur les hommes. La tyrannie de la beauté. La tyrannie des bienséances. Pour les plus belles vies L'orgueil de la naissance a bien des tyrannies, Corneille, Pulch. I, 1. Elle sent son âme sous la tyrannie d'un démon invisible, Massillon, Carême, Prière 2.

HISTORIQUE

XIIIe s. Maintenant que li rois se porchace de faire son profit et laisse le bien dou pueple, il devient tirans, et sa tirannie n'est pas autre chose que corruption de sa signorie, Latini, Trésor, p. 313.

XIVe s. Justice sans misericorde est tirannie, Ménagier, I, 9.

XVe s. Glacidas, qui estoit de haut courage, plein de toute tyrannie et orgueil, Hist. de la puc. d'Orléans, p. 502, dans LACURNE.

XVIe s. Nous serons exempts de leurs tyrannies, et exactions. Sat. Mén. p. 177.

ÉTYMOLOGIE

Prov. tirannia ; esp. tirania ; ital. tirannia ; du grec τυραννία, qui vient de τύραννος.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

TYRANNIE. - HIST. Ajoutez : XIIe s. [âme] plus sogette à leur tyrannie [des œuvres mondaines] par malvaises penses [pensées], li Dialoge Gregoire lo pape, 1876, p. 334.