« voyage », définition dans le dictionnaire Littré

voyage

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

voyage

(vo-ia-j' ; quelques-uns disent voi-iaj' ; au XVIIe siècle, plusieurs prononçaient veage, ce qui est condamné par Vaugelas et par Chifflet, Gramm. p. 201) s. m.
  • 1Chemin qu'on fait pour aller d'un lieu à un autre lieu qui est éloigné. Le vrai secret pour avoir de la santé et de la gaieté est que le corps soit agité et que l'esprit se repose ; les voyages donnent cela, Voiture, Lett. 44. Vous me semblez tous deux fatigués du voyage, La Fontaine, Phil. et Bauc. Hé bien, Agnès, je suis de retour du voyage : En êtes-vous bien aise ? Molière, Éc. des f. I, 4. Les voyages usent le corps, comme les équipages, Sévigné, 355. Ô voyage bien différent de celui qu'elle avait fait sur la même mer ! Bossuet, Reine d'Anglet. Ne pensez pas que je veuille, en interprète téméraire des secrets d'État, discourir sur le voyage d'Angleterre, Bossuet, Duch. d'Orl. Un voyage tranquille [de Louis XIV] devient tout à coup une expédition redoutable à ses ennemis, Bossuet, Mar.-Thér. Il fallait lui souhaiter un bon voyage, Hamilton, Gram. 9. Le sage Mentor m'aima jusqu'à me suivre dans un voyage téméraire que j'entreprenais contre ses conseils, Fénelon, Tél. I. Vous m'avez parlé d'un voyage que vous fîtes dans la Bétique, depuis que nous fûmes partis d'Égypte, Fénelon, ib. VIII. C'est mal raisonner que de conclure que les voyages sont inutiles, de ce que nous voyageons mal, Rousseau, Ém. v. C'est une belle chose, mon ami, que les voyages ; mais il faut avoir perdu son père, sa mère, ses enfants, ses amis, ou n'en avoir jamais eu, pour errer, par état, sur la surface du globe, Diderot, Salon de 1767, Œuv. t. XIV, p. 387, dans POUGENS. Un homme qui passerait sa vie en voyage ressemblerait à celui qui s'occuperait du matin au soir à descendre du grenier à la cave et à remonter de la cave au grenier, Diderot, Lett. à Mlle Voland, 14 oct. 1760. Ô quel bonheur de se retrouver dans sa patrie après deux ans d'absence ! voilà le plus grand plaisir que les voyages puissent procurer, Genlis, Ad. et Th. t. III, p. 99, dans POUGENS. Le chevalier Chardin, après avoir fait trois fois le voyage de Tchehelminar, et après y avoir conduit deux fois un peintre persan …, Mongez, Instit. Mém. litt. et beaux-arts, t. III, p. 252. Bazar du voyage ; nécessaires de voyage ; pharmacies de voyage, Almanach Didot-Bottin, p. 1390, 1re col.

    Cheval de voyage, cheval propre à transporter un cavalier d'un endroit à un autre, assez rapidement, et pendant plusieurs jours de suite.

    Fig. et familièrement. Faire le voyage de l'autre monde, le grand voyage, mourir. Le mari fait seul le voyage, La Fontaine, Fabl. VI, 21. Elle ne songe plus qu'à son grand voyage, Sévigné, 144. Il est bien pressé de faire le voyage de l'autre monde, Dancourt, la Parisienne, sc. 2.

    Fig. La vie est un voyage, nous ne faisons que passer sur cette terre. Mon beau voyage encore est si loin de sa fin ! Chénier, la Jeune captive. En avançant dans notre obscur voyage, Du doux passé l'horizon est plus beau ; En deux moitiés notre âme se partage, Et la meilleure appartient au tombeau, Lamartine, Harm. II, 1.

  • 2 Terme de marine. Campagne, navigation plus ou moins longue. Le Mercure galant écrit quelquefois nos voyages si bizarrement, sur quelques relations de vaisseaux, que je croirais, monsieur, qu'il n'en devrait rien dire que suivant vos ordres, D'Estrées, à Seignelay, 26 août 1680, dans JAL. Neuf voyages sur mer entrepris par une princesse malgré les tempêtes, Bossuet, Reine d'Anglet. Les voyages des divers navigateurs anglais, en étendant nos connaissances, avaient mérité la juste admiration du monde entier, La Pérouse, Voy. t. II, p. 5, dans POUGENS. Les voyages de mer ne peuvent s'entreprendre sans une méthode pour trouver à chaque instant le lieu du vaisseau, et pour diriger sa marche dans ces grandes plaines de l'Océan, où les routes ne sont point tracées, Bailly, Hist. astr. mod. t. II, p. 634.

    Voyage de long cours, les longs voyages sur mer. Il n'y a guère que quatre sortes d'hommes qui fassent des voyages de long cours, les marins, les marchands, les soldats et les missionnaires, Rousseau, Inég. note I.

    Voyages d'outre-mer, les voyages que les chrétiens entreprenaient autrefois pour conquérir la terre sainte, pour faire la guerre aux musulmans.

  • 3Relation des événements d'un voyage (on met une majuscule). Ces Voyages sont fort intéressants à lire. Recueil de Voyages.

    Voyage pittoresque, relation d'un voyage accompagnée de vues, de gravures.

  • 4Allée et venue d'un lieu à un autre. J'ai fait deux voyages à Versailles. J'ai fait vingt voyages chez lui sans le trouver. Depuis que j'ai écrit ce commencement de lettre, j'ai fait un fort joli voyage ; je partis hier assez matin de Paris, j'allai dîner à Pompone…, Sévigné, 48.
  • 5Course, commission d'un homme de peine. Il faut payer les voyages de ce conducteur, de ce charretier.

    Ce que transporte un homme ainsi employé. Un voyage de bois, de charbon.

  • 6Séjour dans un lieu où l'on ne fait pas sa demeure habituelle. Mon voyage à ma terre sera de six semaines. Le voyage de la cour à Compiègne.
  • 7Anciennement, frais qu'on allouait à une partie ou à des témoins. Taxer les voyages.

HISTORIQUE

XIe s. Pois [puis] est montet [à cheval], entret en sun veiage, Ch. de Rol. LI.

XIIIe s. S'il avenoit par aventure que nous ne peussions mie aler en veage de la croix, Du Cange, viagium. Et s'eles des dames] font, par mal conseil, folage, à lasches gens et mauvais le feront ; Car tuit li bon iront en cest voiage [croisade], Quesnes, Romanc. p. 94. Il sait bien que vos avés mis el voiage Dieu, et que vos estes povres, Villehardouin, LI.

XIVe s. Par les desers s'en va son voiage akoeillir, Mais deux jours chemina, je vous di sans falir, Ains qu'il trovast ostel, Baud. de Seb. x, 1145.

XVe s. En ce temps fut proposé et conseillé en Angleterre de faire un voyage de guerre en Irlande, Froissart, IV, p. 188, dans LACURNE. De terme en terme durant les viages [le temps de vie] desdits et le dernier vivant tout tenant, Du Cange, viagium. Sur chacun voiage de sel passant par la riviere du Rosne, Du Cange, voiagium.

XVIe s. Si celuy qui s'appreste à faire un long voyage, Doit croire cestuy là qui a jà voyagé, Du Bellay, J. VI, 10, verso. Ce qui faisoit s'esbahir davantage de ce larcin, estoit que, pour tout emporter, il lui avoit convenu faire six ou sept voyages, Despériers, Contes, CXI. Ceux qui diront ou feront injure aux mayeur et eschevins leur devoir faisant, ou pour chose en dependante, en seront corrigez par prison, voyage [pèlerinage imposé par justice]…, Nouv. coust. gén. t. II, p. 277.

ÉTYMOLOGIE

Berry, voyâge ; wallon, voyeg ; bourg. viaige ; mâconnais, vioge ; norm. viâge ; provenç. viatge ; espagn. viage ; portug. viagem ; ital. viaggio, du lat. viaticum, qui signifie provisions de voyage, mais qui est déjà pris au sens de voyage dans Venantius Fortunatus ; de via (voy. VOIE).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

VOYAGE. Ajoutez :
8 Autrefois, dans certains couvents, un voyage à Jérusalem, la prison perpétuelle à laquelle les religieux condamnaient un de leurs confrères, ainsi dit parce que, si on venait le demander, ils répondaient qu'il était allé faire un voyage à Jérusalem, Biblioth. critique, Amsterdam, 1710, t. IV, p. 294.