« dos », définition dans le dictionnaire Littré

dos

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

dos

(dô ; dans la conversation l's ne se lie pas : un dô énorme ; l's ne se lie hors de la conversation que dans cette locution : dos à dos, dites : dôza-dô) s. m.
  • 1Partie du corps de l'homme et des animaux depuis les épaules jusqu'aux reins ou lombes, et qui est postérieure chez l'homme et supérieure chez les animaux. Le dos d'un cheval. Porter sur le dos. Tomber, s'étendre sur le dos. Il faut remettre encor le harnais sur le dos, Tristan, Mort de Chrispe, III, 2. Depuis plus d'une semaine Je n'ai trouvé personne à qui rompre les os ; La vertu de mon bras se perd dans le repos, Et je cherche quelque dos Pour me remettre en haleine, Molière, Amph. I, 2. Les mains liées derrière le dos, Fénelon, Tél. I. Sur le dos des gens du village Après boire il cassait les pots, Béranger, Enfant de la maison.

    L'épine du dos, la colonne vertébrale.

    Le dos au feu, le ventre à table, se dit de ceux qui, en dînant, ont le dos tourné vers un bon feu ; et, figurément, de ceux qui se donnent toutes leurs aises.

    Familièrement. Il n'a pas une chemise sur son dos, une chemise à se mettre sur le dos, il n'a rien à se mettre sur le dos, se dit d'une personne extrêmement pauvre.

    Dans un sens opposé. C'est une femme qui met tout sur son dos, c'est une femme qui dépense en toilette tout ce qu'elle a ou gagne.

    Fig. et familièrement. Le dos lui démange, se dit d'une personne qui fait tout ce qu'il faut pour qu'on la batte.

    Faire le gros dos, se dit des chats lorsqu'ils relèvent leur dos en bosse, ce qui arrive le plus souvent lorsqu'on les caresse en leur passant la main sur le dos, dans le sens de la tête à la queue, et aussi lorsque l'animal est en colère.

    Par extension. Faire le gros dos, s'est dit d'une espèce de contorsion qu'affectaient les petits-maîtres à Paris, mettant une main dans la ceinture de la culotte, et l'autre dans la veste, et par là faisant un gros dos voûté, comme un matou, Leroux, Dict. comique. Qui faisant le gros dos, la main dans la ceinture, Viennent pour tout mérite étaler leur figure, Regnard, le Joueur, I, 2. Puis m'appuyant sur Scipion et faisant le gros dos, je gagnai une salle, Lesage, Gil Blas, X, 3.

    Fig. et familièrement. Faire le gros dos, ou faire gros dos, faire l'important, l'homme capable. Le fils de Saumery, à force de faire l'important et le gros dos, imposait à une partie de la cour, Saint-Simon, 71, 172.

    Plier le dos, céder. Laissez passer la bourrasque, pliez le dos. Et aussi être humble devant ses supérieurs : il n'a jamais su plier le dos.

    Mettre quelque chose sur le dos de quelqu'un, l'en rendre responsable. Je suis bien aise de savoir que le pont d'Avignon est encore sur le dos du coadjuteur ; c'est donc lui qui vous y a fait passer, Sévigné, 35.

    Cela ira sur son dos, se dit d'une perte, d'un dommage qui sera mis au compte de quelqu'un. Il faut que tout le mal tombe sur notre dos, Molière, Sgan. 17. Le roi s'était flatté toute sa vie de faire pénitence sur le dos d'autrui, Saint-Simon, 250, 77.

    Battre quelqu'un sur le dos d'un autre, faire à quelqu'un des reproches, des critiques qui retombent sur un autre. C'est sur mon dos que vous avez battu Platon.

    Il se laisse tondre la laine sur le dos, se dit d'un homme trop débonnaire ou insouciant qui se laisse dépouiller, voler. Dans le même sens, se laisser manger la laine sur le dos.

    Il a été battu dos et ventre, on lui en a donné sur le dos et partout, se dit d'un homme qui a été violemment battu. Un peuple qui le pousse à bout, Et qui, dos et ventre et partout, Le batte et toute sa cohorte, Scarron, Virg. trav. IV.

    Être sur le dos, être couché ou alité. Voilà trois semaines que je suis sur le dos.

    Tourner le dos, présenter son dos, au lieu de présenter la partie antérieure du corps. Les sages quelquefois, ainsi que l'écrevisse, Marchent à reculons, tournent le dos au port, La Fontaine, Fabl. XII, 10. La noblesse supplie le roi de réformer l'immodestie de son clergé, qui cause et parle haut et tourne le dos à l'autel, Sévigné, Lett. 19 janv. 1674.

    Fig. Tourner le dos à la mangeoire, se mettre dans une situation contraire à la chose qu'on veut faire.

    Tourner le dos dans une bataille, fuir devant l'ennemi. Ils tournèrent le dos quand tu fus assailli, Malherbe, I, 4.

    Tourner le dos, s'éloigner un moment. Je n'ai fait que tourner le dos, il était déjà parti. Dès que j'ai eu le dos tourné, Sévigné, 480.

    Tourner le dos à quelqu'un, lui témoigner, en lui tournant effectivement le dos, son mécontentement, son mépris. Le roi, pour toute réponse, lui tourna le dos brusquement, Marmontel, Mém. IV.

    Il tourne le dos où il veut aller, se dit d'un homme qui, au lieu d'aller où il veut, prend un chemin tout opposé.

    Fig. Tourner le dos, ne pas voir, dédaigner. Je leur tournerai le dos, et non le visage, au jour de leur perte, Sacy, Bible, Jérémie, XVIII, 17. Lorsque Dieu courroucé vous tournera le dos, En des feux sans lumière, en des nuits sans repos Vous expierez vos vices, Racan, 2e psaume. Nous tournons le dos à la vérité, Bossuet, Resp. 2. Que fait donc un poëte qui finit tout ? Il tourne le dos à la nature, Diderot, Salon de 1767, Œuvres, t. XIV, p. 450, dans POUGENS.

    Avoir bon dos, avoir un dos sur lequel on peut frapper fortement ; et, figurément et familièrement, avoir bon dos, être en état de supporter une perte, ou bien être insensible aux railleries. Il ne s'agit que de mille écus ; M. Turcaret a bon dos, il portera bien encore cette charge-là, Lesage, Turcaret, I, 2.

    Avoir bon dos signifie aussi ne pas s'épouvanter des reproches. Mettez les fautes sur moi, j'ai bon dos. Dans une autre nuance : On s'en prend toujours à moi [on m'accuse de tout] ; il est vrai que j'ai bon dos [que je suis souvent en faute].

    Avoir le dos solide se dit comme avoir les reins solides, avoir de grandes ressources. C'est un homme qui fait cent entreprises à la fois, mais il a le dos solide, c'est-à-dire il a les capitaux suffisants.

    Dos à dos, figure de danse dans laquelle le danseur et son vis-à-vis passent l'un derrière l'autre sans se regarder.

    Fig. et familièrement. Mettre les gens dos à dos, renvoyer deux personnes qui sont en différend, sans donner aucun avantage à l'une ni à l'autre. Il se dit souvent dans les comptes rendus de procès : On les a renvoyés dos à dos.

    Porter sur le dos, porter une charge qui est placée sur le dos. Il avait un sac sur le dos.

    On dit au dos dans cette locution : avoir le sac au dos, c'est-à-dire porter le sac militaire, être soldat.

    Fig. Avoir, porter quelqu'un sur son dos, en être obsédé, ennuyé.

    Populairement. J'en ai plein le dos, j'en suis très fatigué, ennuyé.

    Être sur le dos de quelqu'un, l'importuner, l'obséder. Il est toujours sur mon dos.

    Populairement. Scier le dos de quelqu'un, l'ennuyer, le fatiguer. Il me scie le dos.

    À dos, derrière soi. J'avais à dos une campagne immense qui ne m'avait été annoncée que par l'habitude d'apprécier les distances entre des objets interposés, Diderot, Salon de 1767, Œuvres, t. XIV, p. 185, dans POUGENS.

    Fig. Se mettre tout le monde à dos, avoir chacun contre soi. Quoi, volage, prenez-vous donc Pour vous mettre à dos les jésuites… Coquilles, rosaire et bourdon, Béranger, Pèler. de Lisette.

    Avoir quelque chose à dos, ne pouvoir s'en séparer. Quittons-nous cette ville unique, Nous voyageons Paris à dos, Béranger, J. de Paris.

  • 2 Terme d'anatomie. Partie postérieure chez l'homme, supérieure chez les animaux, du tronc depuis la dernière vertèbre cervicale jusqu'à la dernière lombaire.
  • 3 Terme de manége. Dos de carpe, ou de mulet, dos convexe. Dos double, dos de cheval, dans lequel on remarque un léger sillon médian.

    Le dos présente une légère concavité ; s'il est trop concave, l'animal est dit ensellé. Le dos large accuse un fort développement des muscles et l'ampleur de la poitrine. Le dos court annonce beaucoup de force. Le dos long est moins fort que le dos court.

  • 4 Par analogie, la partie postérieure de certaines choses. Le dos d'un habit, d'une chaise. Qui prenaient, sur le dos de leurs chaises, de ces postures aisées et galantes qui marquent qu'on est au fait des bons airs, Marivaux, Marianne, 2e part.

    Le dos d'un couteau, le dos d'un rasoir, la partie opposée au tranchant.

    Le dos d'un billet, d'un acte, le revers.

    Le dos du nez, de la main, du pied, de la langue, la partie supérieure du nez, de la main, du pied, de la langue.

    Terme de botanique. Le dos d'une strie, la partie saillante. Le dos d'une graine, celle des faces qui est comprimée et tournée du côté des parois du péricarpe. Le dos d'une feuille, sa face inférieure.

    Terme d'entomologie. La partie supérieure du mésothorax et du prothorax ; l'une ou l'autre de ces parties.

    Le dos d'un livre, la partie opposée à la tranche.

    Terme de reliure. Dos brisé, dos d'un livre tellement fait, que le livre que l'on ouvre demeure de lui-même tout ouvert. Il leur faut des livres à dos brisés, des livres qui se tiennent ouverts sur la table, Lesné, la Reliure, p. 113, 1820. L'époque de l'introduction des dos brisés en France est très incertaine… il y a à peu près cinquante ans que cette espèce de reliure est devenue de mode, Lesné, ib. p. 186.

  • 5Dans le style élevé et dans la poésie, la partie supérieure. Cependant sur le dos de la plaine liquide…, Racine, Phèdre, V, 6. Nous montions sur le dos des vagues, Fénelon, Tél. IV.
  • 6En dos d'âne, en configuration du dos d'un âne, c'est-à-dire telle qu'il y ait un talus incliné des deux côtés. Toit, pont en dos d'âne. Les rues étroites et sans pente, quoique le terrain soit en dos d'âne, sont toujours bourbeuses, Raynal, Hist. phil. XIII, 43.

    Dos d'âne, ustensile dont se servent les bouchers.

    Terme de marine. Dos d'âne, ouverture en demi-cercle, faite à certains bâtiments, pour couvrir le bout de la manivelle du gouvernail.

  • 7 Terme de jardinage. Dos de bahut ou dos de carpe, se dit d'une certaine manière de relever le terrain d'un parterre.
  • 8Dos brûlé, quadrupède du genre paresseux (achée aï).

    Dos bleu, un des noms de la sittelle.

    Dos rouge, nom d'un oiseau de la Guyane, le tangara septicolore (granivores).

HISTORIQUE

XIe s. Tute l'eschine [il] Iui desevre du dos, Ch. de Rol. XCI. De ceus d'Espaigne qui ont les dos tournez, ib. CLXXIV.

XIIe s. En son dos [il] vest un blanc aubert dopler [doublé], Ronc. p. 49.

XIIIe s. Se Tybers de son dos la grant rue ne tert [n'essuye, sur la claie]…, Berte, XCIII. Si mist arriere dos toute couardie, et se feri en els l'espée traicte, H. de Valenciennes, XI. Quand li roi Ferrans et sa gent virent qu'il ne poroit plus endurer, si tournerent le dos, et Anglès encaucierent [poursuivirent] jusques à la nuit oscure, Chron. de Rains, p. 78. Nus [nul] chevax qui porte à dos ne doit paier que obole de chaucie, Liv. des mét. 275. Themis, quant oï la requeste, Qui moult estoit bonne et honeste, Lors conseilla [à Deucalion et à Pyrrha] qu'il s'en alassent, Et qu'il après lor dos gitassent Tantost les os de lor grant mere, la Rose, 17822. La dame, qui aler voloit Au moustier si com el soloit, Geta en son dos sa chemise, Et puis si a sa robe prise, Rutebeuf, 324. Le roy m'apela là où je me seoie avec les riches hommes du pays, de là en un prael, et me fist le dos tourner vers eulz, Joinville, 289.

XIVe s. Bien dix mille Espaignols des meilleurs qu'il y a [il] Mist en une bataille, et bien les arrousta, Une riviere au dos, qui couroit par de là, Guesclin. 11660. Ne pourront prendre de corroyer un dos [peau] que deux sols six deniers, Ordonn. des rois de Fr. t. II, p. 365. Flamens fist assalir, point ne les espargna ; Chil tournerent les dos ; car cascuns s'esmaia [s'effraya], Quant Henris leur failli…, Baud. de Seb. VI, 574.

XVe s. Et quand les Anglois y chevauchent [en Écosse], il convient que leurs pourveances, si ils veulent vivre, les suivent toujours à dos [par derrière], Froissart, II, II, 228. Nous faisons doute, quoi qu'il vous ait mandé ni quoi qu'il dise ni promette, que il ne vous tournast le dos, Froissart, II, II, 39. L'un d'iceulx compaignons fist bas dos au suppliant et à l'un des autres, et monterent par dessus un petit mur, Du Cange, dorsum. Porter harnois sur vostre doux, Bibl. des Chartes, 4e série, t. V, p. 362. J'ai toujours porté sur mon dos Paine, travail à grant planté ; Ne nulle choses n'ay hanté, Dont on dye qu'aye failly, Orléans, Compl. de l'amant et de l'amour. Et se riens y a d'offense passée, prestement après le pardon fait est mise darriere le dos, Chastelain, Expos. s. vérité. Ayant le dos au feu et le ventre à la table, Basselin, II. Jehanne fait la beste à deux dos, Perrette est ung peu trop pansue, L'aultre est feutrée sur le dos, Pource qu'elle est ung peu bossue, Coquillart, Monologue des perruques. Cinq cent dos de fines martres gebelines, J. de Saintré, p. 210, dans LACURNE. Bois qui estoit croissant sur les dodasnes des fossez de la dite ville, Du Cange, ramiliae. Le suppliant bailla à Perrinet de la quarre ou du doulx de la main gaulche en arriere main sur la joue, Du Cange, dodus. Tous les rivaiges ou dosdasnes qui au prieur appartenoient, Du Cange, ib. Et sur le dos [de la lettre] : Au deleal Girard…, Louis XI, Nouv. XXVI. Le bon mari print place en une chaire à dos, Louis XI, ib. XXIX.

XVIe s. Il charge sus son dours les deux pretieuses coingnées, Rabelais, Pant. IV, Nouv. prol. Frere Jean daulba Rouge-museau, dours et ventre, bras et jambes, Rabelais, Pant. IV, 16. Je voy le dos d'une mer Couppé de rames legeres, Du Bellay, J. III, 41 verso. … et qui se donne los D'avoir porté son vieil pere [Anchise] à son dos, Du Bellay, J. IV, 23, verso. Brief, haut et bas, en face et à dos, à dextre et à gauche nous sommes assiegez et assaillis, Calvin, Instit. 791. Les Flamens qui nous aimoyent, et lesquels on a contrains de nous haïr, de quelle allegresse nous sauteroyentils à dos ! Lanoue, 24. Il disoit que, pour devenir riche, il ne falloit que tourner le dos à Dieu, cinq ou six bons ans, Despériers, Contes, LV. Mais pensez qu'en chaude colere, M. de Rachaut lui donna à dos [la battit], Despériers, ib. t. I. p. 273, dans LACURNE. Ses parens maternels lui tournerent tous le dos en haine de la Religion, D'Aubigné, Vie, XX. À peine fut-il parti que la reine mere, qui en fut avertie, lui mit à dos plusieurs partis pour le prendre, D'Aubigné, ib. XLIII. Doux-d'asne… dos d'asne, D'Aubigné, Hist. II, 280. Les uns à dos renversés, estendus, Les uns à ventre, en leur long espandus, Am. Jamyn, Poésies, f° 29, dans LACURNE. Ont dit et escrit ce que bon leur a semblé, rempli trois feuillets de papier en dos et en ventre [le recto et le verso], Nouv. coutum. génér. t. III, p. 282. Parce que Socrates avoit la chair dure, qu'il avoit bon dos, qu'il portoit tout…, Cholières, Contes, t. II, Après-dînée II, p. 46, dans POUGENS.

ÉTYMOLOGIE

Berry, dous ; provenç. et anc. catal. dors, dos ; espagn. et portug. dorso ; ital. dorso, dosso ; du latin dorsum. La suppression de l'r du latin dans dos est remarquable, d'autant plus qu'elle se trouve aussi dans le provençal et dans l'italien, à côté de la forme en r. Au XVIe siècle, quelques écrivains avaient repris l'r étymologique.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

DOS. Ajoutez :
9Sorte de mesure pour le merrain. Champagne : la treille (voy. TREILLE au Supplément) se compose de 65 dos de douves, de 50 poignées d'enfoncières, et de 50 poignées de chanteaux ; le dos contient 16 douves ; la poignée est de 4 pièces, Annuaire des Eaux et Forêts, 1873, p. 24.