« sauvage », définition dans le dictionnaire Littré

sauvage

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

sauvage

(sô-va-j') adj.
  • 1Se dit des animaux qui vivent dans les bois, dans les déserts. Les cerfs, les daims sont des animaux sauvages. [Dans un désert] un silence affreux et terrible, qui n'était interrompu que par les cris des bêtes sauvages, Bossuet, Panég. St Benoît, 1. Nous appelons sauvages des bêtes qui ne sont pas apprivoisées, et qui s'enfoncent dans les forêts, et de là nous avons donné le nom de sauvage à l'homme qui vit dans les bois, Voltaire, Dial. 8. L'antipathie entre les oiseaux sauvages et domestiques, Buffon, Ois. t. XIII, p. 356.
  • 2Qui n'est pas apprivoisé, se dit par opposition aux animaux domestiques. Un chat sauvage. Les chevaux sauvages de l'Amérique proviennent de chevaux apprivoisés qui y furent abandonnés.
  • 3Il se dit des hommes qui vivent en petites sociétés, dans des huttes, et qui, n'ayant ni agriculture proprement dite ni troupeaux, ne s'entretiennent guère que du produit de la chasse. Le penchant pour la chasse ou la guerre nous est commun avec les animaux : l'homme sauvage ne sait que combattre et chasser, Buffon, Chien. M. Fabry… qui a fait un très long voyage dans la profondeur des terres au nord-ouest du Mississipi où… les nations sauvages n'ont pas été détruites, m'a assuré que cette partie de l'Amérique est si déserte qu'il a souvent fait cent et deux cents lieues sans trouver une face humaine, Buffon, Hist. nat. Hom. Œuvr. t. V, p. 175. Jadis dans les forêts les sauvages humains Souvent l'un contre l'autre avaient armé leurs mains, Saint-Lambert, Sais. IV.
  • 4 Par extension, se dit des lieux incultes et inhabités. Un site sauvage. Venez, fuyez l'aspect de ce climat sauvage, Racine, Mithr. I, 3. Un lieu sauvage plaît par sa mâle âpreté, Delille, Imag. IV. Liberté, liberté, seule amante des sages, C'est toi qui nous rends bons, c'est toi qui nous fais grands ; Tu peuples les déserts, et sur les monts sauvages Tu revêts les rochers de la robe des champs, Masson, Helvét. II.

    Fig. Hélas ! ma fille, que mes lettres sont sauvages ! où est le temps que je parlais de Paris comme les autres ? Sévigné, 57.

  • 5 Fig. Qui se plaît à vivre seul, qui évite la fréquentation du monde. Ne demande donc plus par quelle humeur sauvage, Tout l'été, loin de toi, demeurant au village, J'y passe obstinément les ardeurs du Lion, Boileau, Sat. VI. Mme la Dauphine, naturellement sauvage et sérieuse, Genlis, Mme de Maintenon, t. II, p. 151, dans POUGENS. Dans votre jardin public il y a toujours tant de monde, et je suis si sauvage, Genlis, Théât. d'éduc. Aveugle de Spa, sc. 3.
  • 6Qui a quelque chose de rude, de farouche. Ce Nonnus était un Égyptien, dont le style est sauvage et monstrueux ; c'était un peintre de chimères et d'hippocentaures, Guez de Balzac, Dissert. critiques, 7. De ce gaillard entretien La reine n'entendit rien ; Elle l'eût pris pour outrage ; Car en ce siècle ignorant Le beau sexe était sauvage, La Fontaine, Cand. Et [je] ne suis point du tout pour ces prudes sauvages Dont l'honneur est armé de griffes et de dents, Molière, Tart. IV, 3. Mais pourquoi, dira-t-on, cette vertu sauvage Qui court à l'hôpital et n'est plus en usage ? Boileau, Sat. I. Quelles sauvages mœurs, quelle haine endurcie Pourrait en vous voyant n'être point adoucie ? Racine, Phèdre, II, 2. Comme autrefois David, par ses accords touchants, Calmait d'un roi jaloux la sauvage tristesse ! Racine, Esth. III, 3. Que Joad mette un frein à son zèle sauvage, Racine, Athal. II, 5. Point de variété dans les descriptions, point d'unité dans le dessin ; ce poëme [l'Araucana] est plus sauvage que les nations qui en font le sujet, Voltaire, Ess. poés. ép. 8. On sait que les ennemis de Molière voulurent persuader au duc de Montausier, fameux par sa vertu sauvage, que c'était lui que Molière jouait dans le Misanthrope, Voltaire, Vie de Molière. Cette ville… ne fut longtemps que l'entrepôt des sauvages richesses qu'on y portait de l'intérieur des terres, Raynal, Hist. phil. IX, 16.

    Une façon de parler sauvage, un procédé sauvage, une manière de parler ou d'agir rude, contre l'usage. Vous fuir dès le premier instant ? pourquoi donc, monsieur ? cela serait bien sauvage, Marivaux, Serm. indiscr. III, 7.

  • 7Cruel, barbare. Peu de prudence eurent les pauvres gens [les pigeons] D'accommoder [de concilier] un peuple si sauvage [les vautours], La Fontaine, Fabl. VII, 8. Le ciel avec horreur voit ce monstre sauvage, Racine, Phèdre, V, 6.

    Rigoureux outre mesure. Ces conférences [des Anglais et des Hollandais] ne durèrent pas longtemps après des propositions si sauvages, Saint-Simon, 91, 198.

  • 8En parlant des plantes, des fruits, qui vient sans culture. Pommier sauvage. Il s'attendait qu'elle [une vigne] porterait de bons fruits, et elle n'en a porté que de sauvages, Sacy, Bible, Isaïe, V, 2. Vous [gentils] avez été détachés de l'olivier sauvage où la nature vous avait fait naître, pour être entés dans l'olivier franc contre l'ordre naturel, Bossuet, Hist. II, 7.

    Chicorée sauvage, voy. CHICORÉE.

    Goût sauvage, goût âpre. Ce fruit a un goût sauvage.

    Huile sauvage, huile qui a un petit goût amer, ce qui ne la rend que meilleure.

  • 9 Populairement, feu sauvage, sorte de gale qui vient parfois au visage des petits enfants.
  • 10Eau sauvage, celle qui coule sur la surface du globe immédiatement après y être tombée de l'atmosphère, et sans être contenue dans un lit.

    Filons sauvages, ceux qui sont formés de substances pierreuses, dures.

  • 11 S. m. et f. Celui, celle qui appartient aux populations sauvages. Les sauvages de l'Amérique du Nord disparaissent rapidement devant l'extension des blancs. L'objection à cela [qu'il faut qu'il y ait une véritable religion, puisqu'il y en a de fausses], c'est que les sauvages ont une religion ; mais on répond à cela que c'est qu'ils en ont ouï parler, Pascal, Pens. XXIII, 23, édit. HAVET. On pourrait avancer sans crainte de se tromper, que, dans une seule ville comme Paris, il y a plus d'hommes qu'il n'y a de sauvages dans toute cette partie de l'Amérique septentrionale comprise entre la mer du Nord et la mer du Sud, depuis le golfe de Mexique jusqu'au nord, Buffon, Hist. nat. Hom. Œuvr. t. V, p. 176. L'on n'a trouvé des animaux domestiques que chez les peuples déjà civilisés ; cela ne prouve-t-il pas que l'homme dans l'état de sauvage n'est qu'une espèce d'animal incapable de commander aux autres ? Buffon, Quadrup. t. III, p. 175. De tous les sauvages que j'ai vus dans ma vie, les Pecherais sont les plus dénués de tous ; ils sont exactement dans ce qu'on peut appeler l'état de nature, Bougainville, Voy. t. I, p. 294. Il devint plus sévère avec elle ; cette rigueur effraya la gentille sauvage, Chateaubriand, Natch. 2e part.

    Fig. Les vrais sauvages sont les ennemis des beaux-arts et de la philosophie… ou les vrais sauvages sont les calomniateurs des gens de lettres, Voltaire, Lett. Damilaville, 4 nov. 1765.

  • 12 Fig. Celui, celle qui évite la fréquentation du monde. Son père est un sauvage à qui je ferais peur, Racine, Plaid. I, 5. Oui, je suis un pauvre sauvage Errant dans la société, Béranger, Indép.

SYNONYME

SAUVAGES, BARBARES. Le nom de barbares a été donné par les anciens soit à des races qui, comme les Perses, avaient une civilisation différente de la civilisation gréco-romaine, soit à des populations qui, comme les Gaulois, les Germains, les Scythes, n'avaient qu'une société peu avancée, sans lettres et sans sciences. Les modernes donnent le nom de sauvages, par comparaison aux animaux, à des populations qui vivent dans les forêts en une condition inférieure à celle des barbares

HISTORIQUE

XIIe s. La douce voiz du loussignol sauvage Qu'oi [que j'ouis] nuit et jour cointoier et tentir, Couci, XI. Tant par vous truis [je vous trouve] toz tens sauvage et dure, ib. XI. [Je] Ne vueill morir n'afoler, Quant de la terre sauvage [des Sarrasins] Ne voi nului retorner, ib. Dame de Faiel. À prendre lui convient [il faut] vie d'home sauvage, Et gesir mainte nuit al vent et al orage, Sax. XXVI.

XIIIe s. Biele fille, vous avez un homme pris avec lequel vous vos en alez, qui est auques sauvages, H. de Valenciennes, XII. Li bon baron de France ne vourent arester, En estranges païs s'alerent deserter, Là devinrent sauvage por lor ames sauver, Ch. d'Ant. I, 111. Sire, si vos fustes sauvages Viers moy, je n'i pris mie garde, Du Cange, sylvaticus.

XIVe s. Ptolomée dit que es extremités de la terre habitable sont gens sauvages, Oresme, Eth. 81.

XVe s. Et portoient la litiere deux forts hommes, ordonnés et appareillés très proprement comme hommes sauvages, Froissart, III, IV, 1. Se logerent cette nuit moult à mesaise, sur dure terre et pierres sauvages et toujours armés [les Anglais en Ecosse], Froissart, I, I, 42. Au dernier il y avoit une aventure assez sauvage [une surprise de convoi avec grands combats et pertes de part et d'autre], Froissart, I, I, 156. [Jean de Vienne] se trouvoit hors de tout confort et enclos de la mer, et veoit les Escots de sauvage opinion, Froissart, II, II, 238.

XVIe s. Faute de s'entre-visiter quand les occasions le requierent, fait que nous devenons sauvages les uns aux autres, Lanoue, 60. Le sauvage et le franc [arbre], De Serres, 195.

ÉTYMOLOGIE

Berry et bourg. sauvaige ; wallon, sâvag ; provenç. salvatge, salvage ; esp. salvage ; port. salvagem ; ital. selvaggio ; du lat. silvaticus, de silva, forêt, le même que le grec ὕλη, bois.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

SAUVAGE. Ajoutez :
3 Terme de métallurgie. Acier sauvage, nom donné aux fontes de Styrie à cause de la propriété qu'elles ont de se transformer en acier avec une grande facilité, Douanes, Tarif de 1877, note 286.