« éternité », définition dans le dictionnaire Littré

éternité

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

éternité

(é-tèr-ni-té) s. f.
  • 1Durée qui n'a ni commencement ni fin. Dieu est de toute éternité. Je vois ces effroyables espaces de l'univers qui m'enferment, et je me trouve attaché à un coin de cette vaste étendue, sans que je sache pourquoi je suis plutôt placé en ce lieu qu'en un autre, ni pourquoi ce peu de temps qui m'est donné à vivre m'est assigné à ce point plutôt qu'à un autre de toute l'éternité qui m'a précédé et de toute celle qui me suit, Pascal, Pensées, art. IX. Quand je considère la petite durée de ma vie, absorbée dans l'éternité précédant et suivant… je m'effraie…, Pascal, ib. art. XXV, 16. Que l'on célèbre ses ouvrages Au delà du temps et des âges, Au delà de l'éternité, Racine, Esth. III, 9. Avant Aristote, plusieurs de nos pythagoriciens et entre autres Ocellus de Lucanie avaient admis l'éternité du monde, Barthélemy, Anach. ch. 64. J'ai réservé pour moi L'éternité qui te précède, L'éternité qui s'avance est à toi, Delille, Dithyr. [J'ai] Quelquefois, sur l'Atlas, médité, près des dieux, L'éternité du temps, l'immensité des cieux, Ducis, Abufar, II, 7. Roulez dans vos sentiers de flamme, Astres, rois de l'immensité ; Insultez, écrasez mon âme Par votre presque éternité, Lamartine, Harm. IV, 9.

    De toute éternité, dans l'éternité, c'est-à-dire d'après le dessein éternellement le même de Dieu. Son heure était marquée de toute éternité, Sévigné, 345. Les nœuds en [de cette alliance] étaient serrés dans l'éternité, Fléchier, Mar. Th.

    De toute éternité, signifie aussi de temps immémorial. Cela est ainsi de toute éternité.

  • 2Temps qui n'aura point de fin. Et j'estimerai plus une mort qui lui plaise… Qu'une éternité qui ne lui plairait pas, Rotrou, Vencesl. IV, 6. C'est un fait constant que l'Église chrétienne a toujours cru la divinité de Jésus-Christ, l'immortalité de l'âme et l'éternité des peines, Bossuet, Var. XV, § 118. Ce grand empire qui s'était vainement promis l'éternité, Bossuet, Hist. III, 4. La bonté de Dieu n'exclut point l'éternité des peines, ni l'éternité des peines n'est point contraire à la bonté de Dieu, Bourdaloue, Serm. 19e dim. après la Pentec. Dominic.
  • 3La vie future. Il est une autre voie et plus sûre et plus prompte Que dans l'éternité j'aurais lieu de bénir, Corneille, Théod. III, 3. Près du grand voyage de l'éternité, Sévigné, 481. Il a élevé votre ennemi dans le temps pour vous sauver dans l'éternité, Massillon, Car. Pardon. L'affaire de l'éternité ne va qu'après toutes les autres, Massillon, Car. Impén. Que faites-vous pour l'éternité que vous ne rendiez au monde au centuple ? Massillon, Car. Salut. Devant votre tribunal il attend la décision de son éternité, Massillon, Or. fun. Villeroy.

    L'éternité bienheureuse, le bonheur sans fin des élus. L'éternité malheureuse, le malheur sans fin des damnés. La foi doit nous confirmer dans la créance de l'éternité malheureuse, Bourdaloue, Serm. 19e dim. après la Pentec. Dominic.

  • 4 Au plur. Éternités, l'éternité passée et l'éternité à venir. Un philosophe nommé Timée a dit, il y a plus de deux mille cinq cents ans, que notre existence se trouve entre deux éternités ; et les jansénistes, ayant trouvé ce mot dans les paperasses de Pascal, ont cru qu'il était de lui, Voltaire, Lett. à Mme du Deffand, 4 mai 1772. La nature m'a donné la permission de passer encore quelque temps dans ce monde, c'est-à-dire une seconde entre ce qu'on appelle deux éternités, comme s'il pouvait y en avoir deux, Voltaire, Lett. Diderot, 20 avril 1773.

    Le bonheur éternel des élus, le malheur éternel des damnés. L'horrible nécessité d'être éternellement ou anéantis ou malheureux, sans qu'ils sachent laquelle de ces deux éternités leur est à jamais préparée, Pascal, Pensées, art. IX.

  • 5 Par exagération, un temps fort long. Cela est solide et durera une éternité. Cette heure si douloureuse m'a paru une éternité.
  • 6Titre que l'on donnait aux empereurs romains. Prince sublime [Galérius], je vais commencer à punir les factieux qui blasphèment ton éternité, Chateaubriand, Mart. 397.
  • 7Mémoire éternelle. Il ne faut pas que tu penses Trouver de l'éternité En ces pompeuses dépenses Qu'invente la vanité, Malherbe, II, 2.

REMARQUE

Corneille a mis ce mot au pluriel pour dire un temps fort long. Ah ! combien ces moments de quoi vous me flattez, Alors pour mon supplice auraient d'éternités ! Héracl. III, 1. Voltaire l'en a repris et avec raison.

HISTORIQUE

XIIIe s. Devant le commencement n'estoit nul tens, mais sa eternité [de Dieu], Latini, Trésor, I, I, 10.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. eternitat ; espagn. eternidad ; ital. eternità ; du lat. æternitatem (voy. ÉTERNEL).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

ÉTERNITÉ. Ajoutez :
8L'immortalité, une gloire immortelle. J'en tirerai de la gloire [d'un livre de Chapelain] et non pas vous, qui êtes un vrai moqueur de me mander si souvent que vous me devrez votre éternité, et que je vous donne ce que je pense plutôt recevoir de vous, Guez de Balzac, Lett. inédites, LXXXIII (éd. Tamizey-Larroque). L'éternité que promet La montagne au double sommet, Malherbe, Lexique, éd. L. Lalanne. Tout ce qu'à tes vertus il reste à désirer, C'est que les beaux esprits les veuillent honorer, Et qu'en l'éternité la Muse les imprime, Malherbe, ib.