« étoffe », définition dans le dictionnaire Littré

étoffe

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

étoffe

(é-to-f') s. f.
  • 1Nom général des tissus de soie, de laine et d'autres matières dont on fait des habits et des ameublements. Il était fort obligeant, fort officieux ; et, comme il se connaissait fort en étoffes, il en allait choisir de tous côtés, les faisait apporter chez lui et en donnait à ses amis pour de l'argent, Molière, Bourg. gent. IV, 5. L'étoffe me sembla si belle que j'en ai voulu lever un habit pour moi, Molière, ib. II, 8. Je tâte votre habit ; l'étoffe en est moelleuse, Molière, Tart. III, 3. Ils [les Spartiates] ne pouvaient s'imaginer que ce même homme [Alcibiade] eût jamais eu chez lui de cuisinier, qu'il eût porté de fines étoffes de Milet, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. III, p. 644, dans POUGENS.

    Fig. Ne pas épargner, ne pas plaindre l'étoffe, employer une plus grande quantité de matière qu'il ne fallait.

    En un sens contraire, rogner sur l'étoffe.

    Tailler en pleine étoffe, se donner ses coudées franches, prendre autant qu'on veut, faire ce qu'on veut. Vous taillerez en pleine étoffe ; Vite un congrès…, Béranger, Christophe.

    Terme de peinture. Se dit des vêtements d'un portrait et de ceux des figures d'un tableau de genre. Draperie se dit pour les tableaux d'histoire.

  • 2Se dit de toutes les matières qui entrent dans la fabrication des chapeaux.

    Terme de mégissier. Solution de sel marin et d'alun, dans laquelle on fait chauffer les peaux jusqu'à ce qu'elles en soient bien imprégnées.

  • 3Morceau d'acier commun dont les couteliers forment les parties non tranchantes de leurs ouvrages.

    Mélange d'étain et de plomb dont les facteurs d'orgues font des tuyaux.

    Composition à l'usage des potiers d'étain.

  • 4 Fig. Matière, matériaux, sujet. L'étoffe me manque quelquefois pour remplir mes lettres, Sévigné, 446. Ce que vous me mandez est l'étoffe de dix épigrammes, Sévigné, 320. Je retouche la première édition [du Dictionnaire], j'y fais des additions qu'il faut enchâsser le mieux qu'on peut et lier avec la vieille étoffe, Bayle, Lett. à Marais, 27 sept. 1700.
  • 5Valeur et qualités des personnes et des choses. J'ai bien un avis d'autre étoffe, Régnier, Épît. III. Le barbon rapporte quantités d'histoires de pareille étoffe sur la foi de Callisthène, Guez de Balzac, le Barbon. Bourgeois, artisans et autres gens de telle étoffe, Perrot D'Ablancourt, Lucien, t. I, dans RICHELET. Un sot n'a pas assez d'étoffe pour être bon, La Rochefoucauld, Réflex. 387. Nous avons commencé la Morale [les Essais de morale de M. Nicole], c'est de la même étoffe que Pascal, Sévigné, 56. Il y a des gens d'une certaine étoffe ou d'un certain caractère, avec qui il ne faut jamais se commettre, La Bruyère, V. Une femme qui fuit le monde en enrageant, Parce qu'on n'en veut plus, et se croit philosophe, Qui veut être méchante et n'en a pas l'étoffe, Gresset, Méchant, IV, 9.

    Il y a en lui l'étoffe d'un grand écrivain, il est capable de devenir grand écrivain.

    Absolument. Ce qu'il faut pour atteindre à un certain point. Il y a bien des gens à qui l'étoffe manque, Sévigné, 432. La gourmandise est le vice des cœurs qui n'ont point d'étoffe, Rousseau, Ém. II. Il se chargea, s'il me trouvait de l'étoffe, de chercher à me placer, Rousseau, Conf. III. Leurs subtiles pensées marquent des esprits sans étoffe, Rousseau, Émile, IV.

    Se dit de la condition, de la naissance. La maréchale de Rochefort était d'une autre étoffe [que Mme de Villars] et de la maison de Montmorency, Saint-Simon, 3, 51.

    Être de mince étoffe, être d'une condition ou d'une valeur fort médiocre. Ton œil ne peut se détacher, Philosophe De mince étoffe, Du vieux coq de ton vieux clocher, Béranger, Bohémiens.

  • 6 Au plur. Terme d'imprimerie. Proprement, le matériel d'une imprimerie, et, par une extension naturelle, l'intérêt que l'imprimeur en doit tirer et qu'il calcule en dehors des prix de composition, de mise en pages et de tirage, etc.

HISTORIQUE

XIIIe s. Nus [nul] du mestier devant dit ne puet ne ne doit ouvrer ymage ne crucefiz, ne nule autre chose appartenant à sainte Yglise, se il ne le fait de sa propre estoffe, ou il ne le font il un ouvrier à l'autre, Liv. des mét. 156. Nus cordier ne puet ne ne doit nule corde faire de quelque maniere que ele soit, que ele ne soit faite tout de une estoffe, ib. 41.

XIVe s. Et tu n'as sçavoir, ny estoffe, Ne theorique ne science De l'art, ne de moy congnoissance, Nat. à l'alch. err. 14. C'estoient toute gent d'estoffe soufisant, Qui esprouvé avoient esté en combattant, Guesclin. 10758.

XVe s. …Se departirent de l'ost environ trois cents lances de bonnes gens d'estoffe, Froissart, II, II, 5. Adonc vinrent les seigneurs en bonne estoffe et en grand arroi, Froissart, II, II, 229. Pour lesquels canons garnir de pouldre, charbon et autres estouffes necessaires, le Jouvencel, f° 85, dans LACURNE.

XVIe s. Prestres et clercs, et gens de tous estophes, Hebreux et grecs, latins et philosophes, Marot, II, 216. J'ay aussy parlé à des personnes de gros estoffe, qui desirent que l'empereur allast en Italie, m'asseurant que bien toust seriez mis hors [délivré], Marguerite de Navarre, Lett. XX. Ils avoient des medecins atiltrez, qui ne failloient de leur mander l'yssue de leurs patients, quand ils estoient d'estoffe, Carloix, II, 10.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, sitoff, stof ; bourguig. estofle ; espagn. et portug. estofa ; ital. stoffa, s. f. et stoffo, s. m. ; angl. stuff ; allem. Stoff ; du latin stupa, étoupe (voy. ce mot), changé par la prononciation allemande en stupfa, stuffa, stoff, stuff, et sous cette forme entré dans les langues romanes. Le gaélique stubh paraît être non propre au celtique, mais emprunté à l'anglais stuff.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

ÉTOFFE. Ajoutez :
7 Au plur. Dans l'exploitation du bois de flottage, les étoffes, l'ensemble des perches, rouettes, chantiers, etc. nécessaires pour former les trains, Mémoires de la Société centrale d'Agriculture, 1873, p. 264.

REMARQUE

Au sens de valeur et qualités des personnes et des choses, J. J. Rousseau a employé étoffe au pluriel : Comme si, commençant cette étude [celle de l'histoire grecque et romaine], vous y eussiez cherché d'autres êtres que les hommes, et que ce ne fût pas assez d'y en trouver de meilleurs dans leurs étoffes que ne sont nos contemporains, Lett. à Deleyre, 3 juin 1764.