« acquitter », définition dans le dictionnaire Littré

acquitter

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

acquitter

(a-ki-té) v. a.
  • 1Rendre quitte, libérer une personne ou une propriété. Il a acquitté son ami, sa famille. Il devait sur sa charge, mais il l'a entièrement acquittée. Acquitter un débiteur, payer ses dettes. Le juste paye ce qu'il ne doit pas et acquitte les pécheurs de ce qu'ils doivent, Bossuet, Hist. II, 6. Je vous prie de m'acquitter de cette dette, Bossuet, Lett. CIII.
  • 2Payer. Il a acquitté toutes les dettes de sa famille. Acquitter la dîme, les frais de la condamnation, un legs. Si je dois à ce prix vous acquitter ma dette, Molière, l'Étourdi, V, 9. Que Castor et Pollux acquittassent le reste…, La Fontaine, Fab. I, 14.
  • 3Acquitter une lettre de change, un billet, un mémoire, en constater le payement en mettant au bas pour acquit et signant au-dessous.
  • 4 Fig. Acquitter un vœu, acquitter une dette de reconnaissance. Rien ne saurait m'acquitter envers vous. Essayons de lui faire acquitter sa promesse, Tristan, M. de Chrisp. IV, 10. Et, sans lui rappeler des soins dont je l'acquitte, Je lui rends sa parole et protége sa fuite, Viennet, Clovis, III, 8. Xipharès, en un mot, devenant votre époux, Me venge de Pharnace et m'acquitte envers vous, Racine, Mithr. III, 5.
  • 5Acquitter sa conscience, faire ce à quoi la conscience oblige.
  • 6Acquitter, déclarer non coupable. L'accusé fut acquitté.

    S'ACQUITTER, v. réfl.

  • 7Se libérer de ce qu'on doit. S'acquitter de ses dettes. Il s'est acquitté envers vous. Il songeait à s'acquitter de ce qu'il devait à César. Hélas ! de tant d'amour et de tant de bienfaits, Mon père, quel moyen de m'acquitter jamais ? Racine, Ath. IV, 3. Je m'acquitte par là de ce que je vous dois, Molière, l'Étour. V, 16.
  • 8S'acquitter de. Satisfaire à un devoir, une obligation. Je lui ai une obligation dont il faut que je m'acquitte avant toutes choses, Molière, le Fest. de P. III, 6. Souffrez que je lui rende ici ce qu'il m'a prêté, que je m'acquitte de la vie que je lui dois, ib. III, 6. Quelques pratiques communes dont ils s'acquittent avec beaucoup de négligence et de tiédeur, Bourdaloue, Pensées, t. I, p. 59. Trop heureux d'avoir pu, par un récit fidèle, De leur paix en passant vous conter la nouvelle, Et m'acquitter vers vous de mes respects profonds, Racine, Baj. III, 2. Et moi, je suis venu, détestant la lumière… m'acquitter, seigneur, du malheureux emploi…, Racine, Phèd. V, 6. Et n'ai-je pris sur moi le soin de tout l'État Que pour m'en acquitter par un assassinat ? Racine, Andr. IV, 3. Allons, il faut partir, il faut que je m'acquitte Des funestes tributs que sa cendre mérite, Voltaire, Œd. V, 2. Je m'acquitte en tremblant de cet affreux devoir, Voltaire, Tancr. V, 5.
  • 9S'acquitter d'une chose, la faire, l'exécuter. Il veut danser, mais il s'en acquitte mal. On doit être bien aise de s'en acquitter comme vous faites, Sévigné, 35.
  • 10Au jeu, s'acquitter, regagner ce qu'on avait perdu, et rester quitte à quitte. Il a joué avec lui jusqu'à ce qu'il se fût acquitté.
  • 11Au jeu de billard, s'acquitter, jouer le premier coup. On dit plus ordinairement, donner l'acquit.

REMARQUE

Des grammairiens ont prétendu qu'on ne pouvait pas dire s'acquitter vers quelqu'un ; le fait est qu'on dit ordinairement envers. Mais, comme vers ne contient rien en soi qui en fasse un barbarisme ou un solécisme et l'exclue, c'est l'usage qui doit décider. Or, les meilleurs écrivains se sont exprimés ainsi. On s'acquitte vers eux par des chants de victoire, Corneille, Hor. IV, 2. Vous prendrez donc le soin de m'acquitter vers lui, Corneille, Oth. III, 3. … ne sont pas des exploits qui laissent à ton roi Le moyen ni l'espoir de s'acquitter vers toi, Corneille, Cid, IV, 13. À m'acquitter vers toi d'une telle promesse, Molière, le Dép. I, 2. Vers la couronne et vers vous acquitté, J'implore une faveur de Votre Majesté, Rotrou, Vencesl. V, 9. La mort a respecté ces jours que je te doi, Pour me donner le temps de m'acquitter vers toi, Voltaire, Alz. II, 2. Racine s'en est aussi servi, comme on peut voir dans un exemple cité plus haut. Il n'y a donc aucune raison de signaler cette locution comme une faute ; elle est moins usitée que envers, voilà tout.

SYNONYME

ACQUITTER, S'ACQUITTER. On acquitte un devoir, un vœu, une promesse, et on s'en acquitte. Rien de plus voisin que ces deux locutions ; la seule différence qui y apparaisse, c'est que, dans la seconde, il y a un retour sur le sujet. J'acquitte ma promesse, c'est-à-dire elle est acquittée ; je m'acquitte de ma promesse, c'est-à-dire j'en suis délivré. Ainsi, tout en comprenant que ces deux expressions sont généralement équivalentes, on choisit l'une de préférence à l'autre, suivant l'idée qui, au moment, prédomine dans l'esprit.

HISTORIQUE

XIe s. Se de mon cors [je] voeil aquiter [obtenir] la vie, Ch. de Rol. 36.

XIIe s. J'aqiterai d'Espagne une part grant, Roncisv. p. 39. Qu'il l'aura ainz par le champ [combat en champ clos] aqité, ib. p. 185. Là li dut li reis faire cinc cenz marz aporter ; Dunt il porreit ses detes à cele hure aquiter, Th. le Mart. 119.

XIIIe s. Nous ne sommes mie tant de gent que nous puissions estre acquité de nostre passage paier, Villehardouin, XXXV. Li venderes et li achateres se aquiteront le jour chascun pour un denier, Livre des Mét. 345. La Magdelene [il] visita, De toz ses pechiez l'acuita, Et la fist saine, Rutebeuf, II, 5. Et se il le sert tant que il s'aquite, en servant le, vers lui de la dette, il deit estre maintenant quitte et delivre, Ass. de Jérus. I, 189. Et je, pour mon serrement aquiter…, Joinville, 212. Je promis à ma dame la royne vostre mere, que je feroye cest livre ; et, pour moy aquitier de ma promesse, l'ai je fait, Joinville, 192.

XVe s. Qu'il lui voulust renvoyer sa femme ; car il [Édouard II] s'en vouloit acquitter à Dieu et au monde, et que ce n'estoit pas sa coulpe qu'elle estoit partie de lui…, Froissart, I, I, 11. Et fit à la porte mesmement trois de ses fils chevaliers, qui aussi se acquitterent moult bien en leur nouvelle chevalerie, Froissart, I, I, 102. Seigneur, il est bien vrai que le roi de France m'a envoyé en ceste ville et en ce chastel pour le garder et defendre à mon loyal pouvoir ; vous savez comment je m'en suis acquitté et voudroie encore faire, Froissart, I, I, 242. Soyez seure, ma doulce amye, Que je vous ayme loyaument ; Or vous requier et vous supplie : Acquittez vous pareillement, Orléans, Ball. XI. Pour ne s'estre bien acquité à la reformation de l'Eglise comme il devoit…, Commines, VIII, 2.

XVIe s. Pour acquitter les vœux qu'il avoit faits, Amyot, Lys. 38. Je vous absouls et descharge, comme très bien et sainctement acquitez de la foy que vous avez jurée à vostre capitaine, Amyot, Eum. 36. Il l'acquitta d'une infinie somme de debtes, Amyot, Pomp. 83. Plusieurs se sont trouvez qui ont maintenu qu'il faloit prendre la moitié de leurs biens pour en acquitter le roy [payer ses dettes], veu que le peuple est incapable pour sa pauvreté d'y satisfaire, Lanoue, 98. La pluspart de ceux qui doyvent le service s'en acquitent avec l'argent, Lanoue, 232. Du petit on vient au grand, et qui s'acquite bien de l'un est mieux preparé pour se bien acquiter de l'autre, Lanoue, 293. J'ai bien esprouvé que, pour cent francs de melancolie, n'acquitterons pas pour cent sols de dette, Despériers, Contes, 1.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. aquitar ; espagn. aquietar ; bas-latin, acquitare, de ad, à, et quittare, quitter (voy. ce mot).