« ardeur », définition dans le dictionnaire Littré

ardeur

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

ardeur

(ar-deur) s. f.
  • 1Chaleur vive. Ardeur de la fièvre. L'ardeur du soleil. Je ne dis rien des ardeurs éternelles qui lui sont destinées, Massillon, Prod. L'impie va trouver des ardeurs dévorantes, un supplice sans fin et sans mesure, Massillon, Car. Vér. d'un aven. Une invincible ardeur en mes veines s'allume, Qui d'un secret effort jusqu'aux os me consume, Rotrou, Antig. II, 4. Dans l'ardeur de sa peine, elle maudira éternellement le jour qui la vit naître, Massillon, Car. Mauv. riche.
  • 2Désir violent. Il n'est rien qui ne cède à l'ardeur de régner, Corneille, Nicom. II, 1. Je sais bien que l'ardeur de venger vos parents…, Corneille, Héracl. II, 2. L'ardeur de voir de près un si fameux héros, Corneille, Sertor. III, 2. Et son illustre ardeur d'oser plus que les autres, Corneille, Hor. II, 1. De l'ardeur d'obéir son âme est dévorée, Voltaire, Fanat. IV, 1. Quoi ! l'ardeur de régner en sa place Rend déjà Xipharès ennemi de Pharnace, Voltaire, Mithr. I, 1. J'attends avec ardeur Cette eau sainte, cette eau qui doit guérir mon cœur, Voltaire, Zaïre, III, 4. J'avais toutes les ardeurs du monde d'entrer dans votre alliance, Molière, Pourc. III, 9. Cette suspension d'un jour que ma reconnaissance lui demande ne fera qu'augmenter l'ardeur que j'ai de le satisfaire [l'honneur], Molière, Fest. III, 6.
  • 3Grande activité, passion vive, chaleur, vivacité. Telle était l'ardeur de leur zèle. Ardeur au jeu. Travailler avec ardeur. Pleins d'ardeur pour recouvrer la liberté. Enflammer ou exciter l'ardeur de quelqu'un. Doubler l'ardeur du soldat. Cavaliers lancés avec trop d'ardeur. Le combat reprit de l'ardeur. Refroidir l'ardeur. Vive source de flamme où j'ai pris une ardeur Qui toute autre surmonte, Malherbe, V, 1. Certaines ardeurs qu'on éprouve dans la résolution d'une vie nouvelle, Massillon, Pâq. Les ardeurs d'une piété fidèle, Massillon, Car. Tiédeur. Les premières ardeurs d'une conversion d'éclat, Massillon, ib. Écoutez un peu moins ces ardeurs généreuses, Corneille, Hor. III, 6. Va, ne t'expose point aux premiers sentiments Que poussera l'ardeur de ses ressentiments, Corneille, Cid, III, 1. C'est un homme que Jésus-Christ a choisi lui-même pour répandre dans le monde la lumière de ses vérités naissantes, et les premières ardeurs de l'amour divin qu'il y venait établir, Fléchier, II, 144. Les funestes ardeurs de leurs convoitises, Fléchier, Serm. I, 82.
  • 4Amour, passion. Je n'imiterai point ceux qui ne témoignent de l'ardeur pour leurs maîtresses que durant les fiançailles, Pellisson, Disc. Lorsqu'il succède à de Porchères. Le mien [cœur] savait vous rendre une ardeur mutuelle, Corneille, Sertor. V, 7. L'amour à ses pareils ne donne point d'ardeur Qui ne cède aisément aux soins de leur grandeur, Corneille, Pomp. II, 4. Douter de ses ardeurs, Vous qui la pouvez mettre au faîte des grandeurs, Corneille, ib. III, 3. Mon importune ardeur ne s'est point ralentie, Racine, Baj. V, 6. Cette ardeur que j'ai pour ses appas, Racine, Bérénice, II, 2. … Des mêmes ardeurs dès longtemps enflammé, Racine, Mithr. III, 2. Tant de soins, tant de pleurs, tant d'ardeurs inquiètes, Racine, Andr. I, 4. Après tant de bontés, de soins, d'ardeurs extrêmes, Tu ne saurais jamais prononcer que tu m'aimes ! Racine, Baj. IV, 5. Est-ce là cette ardeur tant promise à sa cendre ? Racine, Andr. IV, 1. Ce n'est plus une ardeur dans mes veines cachée, C'est Vénus tout entière à sa proie attachée, Racine, Phèd. I, 3.
  • 5 En termes de mystiques, une classe d'anges dans la hiérarchie céleste. Parmi tant de séraphins, de trônes, d'ardeurs nul ne se sentit assez de force pour s'offrir en sacrifice, Chateaubriand, Génie, I, I, 4.
  • 6Vivacité, en parlant de certains animaux. Ce cheval a de l'ardeur. L'ardeur de ces chiens.
  • 7Salacité. L'ardeur du tempérament.
  • 8 En termes de médecine, ardeur d'urine, sentiment de chaleur ardente que l'on éprouve au col de la vessie ou dans le canal de l'urèthre, lors de l'émission de l'urine.

    Ardeur d'estomac, sentiment de brûlure qu'on éprouve dans ce viscère.

HISTORIQUE

XIIIe s. … Se j'estoie montés sor mon ceval et le feroie des esperons parmi enfans ou par presse de gent, et mes cevaus, par l'ardeur de li, en tuoit aucun, Beaumanoir, LXIX, 6. Des puiz d'enfer ist cele ardurs, Où nos dampnez seront tuz jurs, Marie de France, Purgatoire, 1265. Ce lour a fait force d'amour, Dont ont euë grant ardour, Bl. et Jeh. 5308.

XIVe s. De telle ardeur [elle] se remuoit Qu'à pou que le sang ne suoit, J. Bruyant, dans Ménagier, t. II, p. 37. Volenté desordonnée et ardeur de acquerir les biens de ce monde, Ménagier, I, 3.

XVIe s. Ceste cause a esté demenée par ardeur impetueux, plustost que par une moderation et gravité judiciaire, Calvin, Inst. dédic. Il y en a qui sont transportez de tel ardeur, que…, Calvin, ib. 1125. L'autre à sa dame estendoit la ramée Pour la garder de l'ardeur du soleil, Marot, 182.

ÉTYMOLOGIE

Ardorem (voy. ARDER) ; provenç. et espagn. ardor ; ital. ardore. Le XVIe siècle fit, contre l'usage et par zèle étymologique, ardeur du masculin.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

ARDEUR. - HIST. Ajoutez : XIIe s. Une ardor de droiture, Job, p. 445.

XIVe s. Ajoutez : Le saingler [à la cour du roi Noble] vit on escumer D'ardeur, de ce que il veoit Tel chose qui li desseoit, Dont il li sambla ce soit tors, Jean de Condé, t. III, p. 78.

XVIe s. Le douziesme jour, ils sentent parfois grande ardeur et ponction par tout le corps, Paré, XX, 10.