« arrêt », définition dans le dictionnaire Littré

arrêt

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

arrêt

(a-rê ; le t ne se lie que dans la prononciation soutenue : un arrêt infamant, dites : a-rêt-infamant ; mais on dit sans lier : faire saisie et arrêt entre les mains de quelqu'un ; on a fait arrêt en sa personne et en ses biens) s. m.
  • 1Action d'arrêter ; effet de cette action. L'arrêt des affaires commerciales. Le médecin a reconnu un arrêt dans la marche de la maladie.

    Fig. Il n'a point d'arrêt ; c'est un esprit sans arrêt ; c'est-à-dire c'est un homme léger, et sur lequel on ne peut pas compter. Mais ces jeunes bergers, si beaux et si chéris, Sont meilleurs pour amants qu'ils ne sont pour maris ; Ils n'ont aucun arrêt, ce sont esprits volages, Qui souvent sont tout gris avant que d'être sages, Racan, Berg. Silène, I, 3. Mais l'homme, sans arrêt dans sa course insensée, Voltige incessamment de pensée en pensée, Boileau, Sat. VIII. Vous êtes sans arrêt, faible, vaine, légère, Inconstante, bizarre, ingrate et mensongère, Voiture, Poés.

  • 2Temps d'arrêt, se dit de courts intervalles ou repos dans des mouvements qui doivent s'exécuter avec précision.

    Par extension, interruption, suspension. Il y eut un temps d'arrêt dans les persécutions.

  • 3Arrêt de roi, s'est dit autrefois pour embargo.
  • 4 En termes de manége, action par laquelle le cavalier arrête son cheval, et celle par laquelle le cheval s'arrête. L'arrêt doit être opéré graduellement, mais franchement, sans que le corps du cavalier se déplace d'une manière bien sensible.
  • 5En physiologie, arrêt de développement, travail physiologique ou pathologique qui interrompt la formation d'un organe et l'arrête à un degré inférieur.
  • 6 En termes de chasse, action du chien qui arrête le gibier. Votre chien garde bien l'arrêt. Le chien est en arrêt.
  • 7Pièce du harnais où un chevalier appuyait sa lance. Il mit la lance en arrêt.

    Fig. Être la lance en arrêt, être sur le qui-vive. Je crains qu'il ne soit obligé d'être la lance en arrêt sur les côtes de Provence, Sévigné, 583.

  • 8Petite pièce qui arrête le ressort d'une arme à feu, le pêne d'une serrure, le mouvement d'une montre.

    Ganse, point placé à l'extrémité d'une ouverture, pour empêcher que le linge ne se déchire.

    En termes de serrurerie, petite broche en fer, portée par une chaînette, pour arrêter une persienne. Petit talon qui entre dans les encoches du pêne.

    En termes de sellerie, courroie d'arrêt, celle qui est attachée au harnais de derrière, servant au cheval à arrêter la voiture.

  • 9 En termes de musique, point d'arrêt, point d'orgue.
  • 10Dans l'escrime, coup d'arrêt, coup pris sur une marche avec opposition.
  • 11Petit ados qui coupe une allée plate en travers, pour empêcher que les eaux ne la dégradent.
  • 12Pieux traversés de pièces de bois, et destinés à arrêter le bois qu'on a jeté à bûche perdue sur les petites rivières.
  • 13En termes judiciaires, saisie de la personne ou des biens. On a fait arrêt sur sa personne et sur ses biens.
  • 14Maison d'arrêt, prison.

    S. m. plur. En termes militaires, punition, défense faite à un militaire de sortir. Condamner aux arrêts. Lever les arrêts. Senantes est aux arrêts, Hamilton, Gramm. 4. Les directeurs pouvaient mettre aux arrêts, interdire même les brigadiers de cavalerie ou d'infanterie, Saint-Simon, 25, 32.

    Arrêts forcés, défense absolue de sortir ; arrêts simples, défense de sortir aux heures où l'on n'est pas de service.

    On a dit autrefois en arrêt ce que nous disons aux arrêts. L'abbé Dubois trouva le prince de Galles en arrêt dans son appartement, Saint-Simon, 475, 101. Le roi le fit mettre en arrêt en votre maison, Pascal, Prov. 13.

  • 15Décision rendue par une cour souveraine. Rendre un arrêt. Prononcer un arrêt de mort. Obtenez un arrêt, comme il faut que je dorme, Racine, Plaid. I, 4. Pour rendre en sa faveur un arrêt injuste, Pascal, Prov. 8. Selon ou plus ou moins, Jean donne ses arrêts, Régnier, Sat. X.

    Par extension. Veson lui a signifié son arrêt [lui a annoncé qu'elle n'en reviendrait pas], Sévigné, 149.

    Décision d'une puissance, d'une autorité quelconque. Bientôt ton juste arrêt te sera prononcé, Racine, Esth. III, 5. J'attendrai mon arrêt ; vous pouvez commander, Racine, Mithr. IV, 4. Non, ne révoquons point l'arrêt de mon courroux ; Qu'il périsse…, Racine, Andr. V, I. Il vaut mieux que lui-même Entende son arrêt de la bouche qu'il aime, Racine, Brit. II, 3. Toutes… disputant un si grand intérêt, Des yeux d'Assuérus attendaient leur arrêt, Racine, Esth. I, 1. J'attends donc mon arrêt sans qu'on me le prononce, Corneille, Héracl. III, 2. Par un arrêt des Dieux sa tête est condamnée, Crébillon, Idom. III, 1. Son peuple, dont il lit l'arrêt dans l'accès de sa vision, Massillon, Étienne.

HISTORIQUE

XIIIe s. Sans demorance et sans arrest [délai], à la karole [danse] me suis pris, la Rose, 798. Biaus amis chiers, se il vous plest, Passés la haie sans arrest Por l'odor des roses sentir, ib. 2810. Je voil [veux] qu'il ait la compaignie Bel-Acueil, puisque il vous plaist ; Ge n'i metrai jamès arrest, ib. 3336. Ou s'il li a fet fere arest par le segneur ou aucun empeecement sanlavle, Beaumanoir, VI, 11.

XVe s. Et se departit cil conseil sans avoir nul certain arrest, fors que de tenir le siege, Froissart, II, II, 3. Beaux seigneurs, ne pensez pas au fuir, montrez hui que vous soyez gens d'arrest et de prouesse, et vendez vos corps et vos membres aux espées et aux armures, Froissart, II, III, 19.

XVIe s. C'est un commun vice des hommes, d'avoir leur visée et arrest sur le train auquel ils sont nays, Montaigne, I, 369. Ils vinrent chocquer les espées en arrest avec telle opiniastreté qu'ils rompirent et mirent en fuitte les trois gros, D'Aubigné, Hist. I, 169. Il n'avoit pas reconnu deux fossez creux sans haie qui l'arresterent à 80 pas des ennemis qui firent beau feu sur l'arrest, comme fit aussi la courtine, D'Aubigné, ib. II, 258. Il n'eut pas fait 400 pas qu'il part du corps-degarde un homme qui faisoit les mesmes arrests et avances que lui, et toutes-fois l'outrepassa, de peur de lui donner l'allarme, D'Aubigné, ib. II, 342. L'eau estant accruë par l'arrest des moulins du marais, D'Aubigné, ib. III, 20. Ces deux s'estans deffiez d'un coup de lance avant mettre la main à l'espée, l'Isle coucha en arrest, l'autre aima mieux se fier en sa justesse, et prenant sa carriere…, D'Aubigné, ib. III, 138. Un inquisiteur de la foy n'a capture ou arrest en ce royaume, sinon par l'ayde et authorité du bras seculier, P. Pithou, 37. M. de Bourbon, averty de l'arrest [arrestation] fait sur la personne de l'evesque d'Autun…, Du Bellay, M. 85. Oiseau leger qui vole d'heure en heure, Sans foy, sans loy, sans arrest ny demeure, Ronsard, 705. Estoqueaux ou arrests desdites gaschettes au milieu desquelles sont chevilles pour arrester lesdites gaschettes, Paré, XVII, 12.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. arrest ; espagn. et ital. arresto. On tire souvent ce mot du grec ἀρεστὸν, qui signifie un arrêt, une résolution ; mais, outre qu'on ne voit pas comment ce mot grec se serait introduit dans la langue, il est impossible de séparer arrêt d'arrêter (voy. ce mot).