« château », définition dans le dictionnaire Littré

château

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

château

(châ-tô) s. m.
  • 1Demeure féodale fortifiée qui était défendue par un fossé, de hautes murailles et des tours.
  • 2Aujourd'hui forteresse environnée de fossés, de gros murs et de bastions, qui est dans une ville pour la défendre ou pour la commander.
  • 3Habitation royale ou seigneuriale. Le château des Tuileries, de Fontainebleau. Le château de Windsor. Cependant Léontine, étant dans le château Reine de nos destins et de notre berceau, Corneille, Héracl. II, 4.

    Absolument. Le château, la cour, le roi, l'empereur. Il a été bien reçu au château.

    Le gouvernement et son parti ; la cour et ses intrigues.

  • 4Habitation d'un domaine seigneurial.
  • 5Habitation du maître d'une grande propriété.

    Grande et belle maison de plaisance à la campagne avec ou sans propriété. Il vit dans son château. Quand on sait se préserver du poison mortel de l'ennui, on se trouve bien plus à son aise dans son château que dans le tumulte de Paris, Voltaire, Lett. Florian, 29 nov. 1764. Les agréables soins d'un seigneur de château, Les plaisirs d'une vie occupée et tranquille, Saint-Lambert, Saisons, hiver.

    La vie de château. Mener la vie de château, passer quelque temps à la campagne, dans une maison riche et amie où l'on trouve tous les plaisirs du lieu, la pêche, la chasse, bonne table, etc.

  • 6 Poétiquement. Château ailé, navire. L'appareil inouï pour ces mortels nouveaux De ces châteaux ailés qui volent sur les eaux, Voltaire, Alz. I, 1.
  • 7Château en Espagne, projet en l'air, rêves chimériques. Son château en Espagne c'est de se faire porter dans les maisons, Sévigné, 40. Hélas ! notre château en Espagne serait de vous y voir, Sévigné, 241.

    Bâtir, faire des châteaux en Espagne, se repaître de chimères. On fait des châteaux en Espagne, tantôt gais, tantôt tristes, Sévigné, 582. Je fais des châteaux en Espagne, Régnier, Épît. III. Elles seraient bien rigoureuses, si elles voulaient m'ôter la liberté des souhaits et m'empêcher de faire des châteaux en Espagne, puisque c'est le seul contentement que j'y aie [en Espagne, où il était alors], Voiture, Lett. 37. Quel esprit ne bat la campagne ? Qui ne fait châteaux en Espagne ? La Fontaine, Fabl. VII, 10.

  • 8Château de cartes, sorte de construction à plusieurs étages que font les enfants avec des cartes. Et passait des jours entiers à faire des châteaux de cartes, Scarron, Virg. trav. liv. VI.

    Fig. Château de carte ou de carton, petite maison de campagne d'une construction peu solide.

    Jeu d'enfants. Voyez CHÂTELET.

  • 9Château d'eau, grand réservoir d'où l'eau se distribue immédiatement aux fontaines.

    Réservoir d'eau placé dans les gares et ateliers des chemins de fer pour alimenter la chaudière des locomotives.

  • 10 Terme de marine ancienne. Espèce de logement qui était élevé sur la poupe ou sur la proue d'un vaisseau. Château d'arrière, de proue, d'avant. Les officiers étaient sur le château de poupe avec les passagers, Chateaubriand, Génie, I, V, 12.
  • 11 Terme de blason. Château fondu, celui qui est représenté en sa partie d'en haut seulement, celle d'en bas semblant coupée.

    PROVERBE

    Ville prise, château rendu, c'est-à-dire on ne peut guère tenir dans le château quand la ville est prise, et aussi, quand le principal est obtenu, les accessoires ne peuvent guère manquer de suivre.

HISTORIQUE

XIe s. [Il] prent i chastels et alquantes citez, Ch. de Rol. CLXXXV.

XIIe s. Il n'i a cel n'ait chastel ou donjon, Ronc. p. 186. Si [la reine Blanche] fait fermer [fortifier] chastiaus, pour mieux valoir ; De tant sont ja par lui [elle] creü si hoir, Hues de la Ferté, Romancero, p. 183. Il fait creuser souz terre à pic et à martel à ses engigneors [ingénieurs], dont ot pris maint chastel, Sax. IX. Allemagne [ils] ont destruite et tous les chastiax frais [brisés], ib. X.

XIIIe s. Une tor [tour] a ens el castel De marbre poli tot novel ; Li casteaus est fais à compas, Partonop. V. 943. Maint chastel abatu, mainte vile essilie [ruinée], Berte, II. Un très riche chastel qui siet très noblement [entre deux rivières], ib. IX. Lors feras chastiaus en Espaigne, Et auras joie de noient, Tant cum tu iras foloiant En la pensée delitable, Où il n'a fors mençonge et fable, la Rose, 2452. Vous savez que le roi de France guerroie au roy d'Engleterre et savez que le chastiau qui est plus en la marche de eulz deux, c'est la Rochelle en Poitou, Joinville, 197. Quant je oy ce, je me levai de mon lit où je gisoie, et alai ou chastel avec les mariniers, Joinville, 283.

XVe s. Tout à part moy, en mon penser m'enclos, Et fais chasteaulx en Espaigne et en France ; Oultre les monts, forge mainte ordonnance ; Chascun jour, j'ay plus de mille propos, Orléans, Rond. Et assiegea ung petit chastel où il y avoit des gens de guerre, Commines, I, 2. Et me fist on mon foing ronger Tout à par moi, à ceste enseigne, Que je commençai à songer Que faisoys chasteaulx en Espagne, Coquillart, Monologue de la botte de foin. Et le songer fait chasteaux en Asie ; Le grand desir la chair rassasie, Pierre Gringoire, Menus propos, dans LEROUX DE LINCY, Prov. t. II, p. 487. Bon chasteau garde qui sait son corps garder, ID. ib. Je vays, je viens, le trot et puis le pas, Je dis ung mot, puis après je le nye, Et si bastis sans reigle ne compas Tout fin seullet les chasteaux d'Albanye, le Verger d'honneur, f° E. III, dans Ducatiana, t. II, p. 479.

XVIe s. Car chastellain n'est point du chasteau sire, S'il n'a les clefs de derriere et devant, Marot, J. V, 46. Chasteau pris n'est plus secourable, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 487. Chasteau abbatu demy refaict, Leroux de Lincy, ib.

ÉTYMOLOGIE

Picard, catiau, catieu, catcheu ; bourguig. chaitéa ; provenç. castelh ; catal. castell ; espagn. castillo ; ital. castello ; du latin castellum, diminutif de castrum, lieu fortifié. En vieux français, le nominatif est li chastels ou chastaus ; le régime est le chastel ; le nominatif pluriel li chastel, le régime pluriel les chastaus. La locution faire des châteaux en Espagne se trouve dès le XIIIe siècle ; on ignore quelle occasion y a donné naissance. A la vérité on lit dans le Mercure français, t. IV, p. 59 (1616) : Dans l'ancien domaine d'Espagne, l'Espagnol n'y permet aucun fort, d'où est venu le proverbe faire des châteaux en Espagne, pour signifier faire chose inutile. Ce qui ajoute à l'incertitude de cette explication, si incertaine en elle-même, c'est qu'on a dit aussi château en Asie, château en Albanie ; de sorte que, au fond, cela veut dire faire des châteaux en pays étrangers, là où l'on n'est pas, c'est-à-dire se repaître de chimères ; le nom de l'Espagne a fini par prévaloir, sans doute parce qu'il était très connu par les récits de Roland.