« colère », définition dans le dictionnaire Littré

colère

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

colère [1]

(ko-lê-r') s. f.
  • Sentiment d'irritation contre ce qui nous blesse. Je l'ai vu dans ses colères, dans des colères affreuses. Vous vous mettez en colère contre votre fils, Pascal, Prov. 18. Mais que sert la colère où manque le pouvoir ? Corneille, Sertor. I, 2. … Si pour moi vous êtes en colère, Corneille, Nicom. IV, 4. Vous eussiez vu leurs yeux s'enflammer de fureur, Et dans un même instant, par un effet contraire, Leur front pâlir d'horreur et rougir de colère, Corneille, Cinna, I, 3. Qui foule aux pieds pour vous vos vainqueurs en colère, Racine, Andr. III, 8. D'autant plus dangereux en leur âpre colère, Qu'ils prennent contre nous des armes qu'on révère, Molière, Tart. I, 6. Il n'y a morale qui tienne, je me veux mettre en colère tout mon soûl, quand il m'en prend envie, Molière, Bourg. gentilh. II, 6. Un certain Grec disait à l'empereur Auguste Que, lorsqu'une aventure en colère nous met, Nous devons, avant tout, dire notre alphabet, Afin que dans ce temps la bile se tempère, Molière, Éc. des femmes, II, 4. La colère est superbe et veut des mots altiers, Boileau, Art p. III. Le tyran est toujours dans une colère à faire pouffer de rire, Voltaire, Lett. d'Argental, 27 févr. 1765. La douceur, selon l'Écriture, rompt la colère, Fléchier, Serm. II, 15. J'oubliai ma colère et ne sus que pleurer, Racine, Iphig. II, 1. D'autant plus malheureux qu'il aura su lui plaire, Narcisse, il doit plutôt souhaiter sa colère, Racine, Brit. II, 2. Je n'épargnerai rien dans ma juste colère, Racine, Andr. I, 4. Vous avez vu quelle ardente colère Allumait de ce roi le visage sévère, Racine, Esth. II, 9. La colère du roi, comme dit Salomon, Est terrible, et surtout celle du roi lion, La Fontaine, Fabl. VIII, 14. La colère lui avait bouché les oreilles, Vaugelas, Q. C. VIII, 1.

    La colère de Dieu. Pressé de toutes parts des colères célestes, Il en vient dessus vous faire fondre les restes, Corneille, Pomp. I, 1. … On m'accable et les astres sévères Ont contre mon amour redoublé leurs colères, Molière, Fâch. III, 1. Mais, seigneur, s'il le faut, si le ciel en colère Réserve à d'autres yeux la gloire de vous plaire…, Racine, Andr. IV, 5. Marie ignore les saintes colères du Seigneur, elle reste toute bonté, Chateaubriand, Génie, I, I, 5.

    Terme de l'Écriture. Les enfants d'Adam sont enfants de colère, indignes de l'héritage céleste, Fénelon, XVIII, 167. Comme un esclave et un enfant de colère, Massillon, Myst. Purification, 2.

    Se dit aussi en parlant des animaux. La colère du lion. Chien en colère.

    Fig. La colère des flots, la colère des vents, c'est-à-dire le soulèvement des flots, le souffle impétueux des vents.

SYNONYME

COLÈRE, COURROUX, EMPORTEMENT. L'emportement se distingue tout d'abord des deux autres, en ce qu'il est la manifestation extérieure soit de la colère soit du courroux. Une violente colère, un violent courroux peut être dans le cœur sans qu'il s'en montre rien au dehors ; mais dès qu'il se montre par des gestes ou des paroles passionnées, alors il y a emportement. Entre colère et courroux, il est difficile de trouver aucune nuance dans le sens ; on n'en trouve que dans l'emploi, colère étant du langage ordinaire comme du langage élevé, tandis que courroux appartient seulement à ce dernier et se dit surtout de la colère des personnes de haut rang, de grande condition, ou des êtres célestes.

HISTORIQUE

XVe s. Je ne vai point en cholere Tempester à la maison, Basselin, XV.

XVIe s. Les nobles ne se pouvans plus contenir, ains estans par cholere transportez hors d'eulx mesmes, Amyot, Cor. 27. Nous reprenons en cholere ceulx qui se corroucent et cholerent, Amyot, Comment refréner la colère, 42. À la fin ils vomissoient grante quantité de cholere [bile] et mouroient soudainement, Amyot, Anton. 58. Le reste des capitaines advertis de ce collere, demeurerent tous entredicts, Carloix, VI, 5. … De quoy il entra en un merveilleux colere, Carloix, VI, 19. Il se retira en colere picarde, Carloix, VI, 50. La cholere [bile] est chaude et seiche, Paré, Introd. 5. Rien n'est à l'amant impossible pour parvenir à son intention ; mais, sa grande colere [passion] refroidie, il treuve en fin de compte avoir servy d'une grande fable et risée à tout le peuple, Pasquier, Monophile, p. 53, dans LACURNE. Ayans cogneu que je ne tenois compte de leur indiscrete façon de faire et que leurs choleres et artifices ne me pouvoyent divertir du chemin que j'avoye commencé de tenir, Condé, Mémoires, p. 671.

ÉTYMOLOGIE

Bourguig. quelère ; provenç. colera, colra, bile ; espagn. colera ; ital. collera ; du latin cholera, bile, colère ; du grec χολέρα, qui signifie non pas bile, mais choléra. Colère n'est entré qu'assez tard dans la langue ; le mot habituel dans les âges anciens était ire ; puis est venu chole, bile (χολὴ, bile) ; chaude chole, pour dire emportement, a été longtemps usité.