« congé », définition dans le dictionnaire Littré

congé

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

congé

(kon-jé) s. m.
  • 1Libération temporaire ou définitive d'un service quelconque, d'une fonction. On voit Régulus demander son congé au sénat, Bossuet, Hist. III, 6. N'allez point de nouveau faire courir aux armes Un athlète tout prêt à prendre son congé, Boileau, Épigrammes, 35. S'il était nécessaire de demander les bons offices du roi de Prusse auprès de la cour de France, j'y serais d'autant plus autorisé, que, n'étant absent que par congé, vous seriez toujours à son service, Voltaire, Lett. d'Étallonde, 20 déc. 1773.

    Dans le langage militaire, la durée légale du service militaire. Mon congé finit dans six mois. Il a fait deux congés.

    Pour les militaires, acte qui permet de quitter le service ou de s'absenter temporairement du corps. Avoir son congé. Obtenir un congé de semestre.

    Pour les fonctionnaires, pour les professeurs, permission de s'absenter. Un congé de convalescence.

    Dans la marine, espèce de passe-port dont doit se munir un capitaine pour aller en mer.

    Dans l'ancienne législation, certificat qu'un garçon ou compagnon était tenu de prendre du maître qu'il quittait.

  • 2 Terme de collége. Intervalle de temps pendant lequel les classes sont suspendues durant l'année scolaire. Un congé de deux jours. Un jour de congé. Pour porter son préfet [d'études] à lui donner congé, Rousseau, Ém. IV.
  • 3Permission, autorisation. Se marier sans le congé de ses parents. Je ne puis plus rien que par votre congé, Corneille, Cinna, III, 3. Le secret est à vous et je serais ingrat, Si sans votre congé j'osais en faire éclat, Corneille, Héracl. II, 2. Mais sans votre congé mon sang n'ose sortir, Corneille, Hor. V, 2. Je lui donne… congé d'être Sosie, Molière, Amph. III, 10. Et si dans quelque chose ils vous ont outragé, Je puis vous assurer que c'est sans mon congé, Molière, l'Étour. I, 3. Pour y penser, je ne vous demanderai pas congé, Sévigné, 346. Donnez-moi, ajoute-t-elle, congé de m'en retourner à Florence, Anquetil, Ligue, II, p. 25.
  • 4Permis donné par l'administration des contributions indirectes pour le transport d'une marchandise qui a payé les droits. On peut expédier le vin ; voici le congé.
  • 5Séparation d'avec une personne. Elle m'a donné congé, d'un cœur déjà tout détaché de la terre, Sévigné, 144.

    Audience de congé, audience qu'un ambassadeur obtient avant son départ.

    Prendre congé, aller avant de partir saluer les personnes à qui on doit du respect et prendre leurs ordres, ou, simplement, faire ses adieux. J'abandonne Byzance et prends congé de vous, Corneille, Pulch. III, 1. Il ne lui permit pas de prendre congé d'elle, Corneille, Sertor. I, 2. Il vous a vue chez la reine quand vous prîtes congé, Sévigné, 49. Ils avaient été prendre congé à St-Germain, Sévigné, 408. Télémaque et Mentor prennent congé du roi, Fénelon, Tél. XXIII.

    Fig. Prendre congé, renoncer à. Elle a pris congé Et des plaisirs et du commerce, Béranger, Mad. Grég.

  • 6 Terme de droit. Acte par lequel un propriétaire ou un locataire signifie qu'une location cesse. Donner, recevoir congé. Accepter le congé.

    Congé faute de plaider, ou défaut congé, jugement par défaut que le défendeur obtient à l'audience contre le demandeur qui ne se présente pas.

    Anciennement, congé de cour, renvoi de la demande.

    Terme d'eaux et forêts. Congé de cour, sentence de décharge délivrée à des adjudicataires.

  • 7Sortie d'une personne à gages hors de condition. Ce domestique a demandé son congé. L'on me donne aujourd'hui mon congé, Molière, Femmes sav. II, 5.

    Par extension. Donner à quelqu'un son congé, cesser de le recevoir, ne pas accueillir ses prétentions. Ce jeune homme recherchait une telle jeune fille, mais les parents lui ont donné son congé. Il avait donné congé à sa maîtresse, Hamilton, Gramm. 4. Votre frère a eu son congé de Ninon, Sévigné, 37. Rustic eût dû donner congé… à semblable écolière, La Fontaine, Diable. J'ai ma pipe et vos embrassades ; Venez me donner mon congé [me voir mourir], Béranger, Vieux caporal.

    Prendre son congé, se retirer, s'éloigner.

  • 8 Terme d'architecture. Nom de quarts de rond creux, qui font raccordement entre le fût d'une colonne et la ceinture.

    Transition entre une moulure et un parement. Outil de menuisier qui sert à former cette moulure.

    Terme de serrurerie. Espèce de renfort évidé.

    PROVERBE

    Pour boire de l'eau et coucher dehors, on ne demande congé à personne.

HISTORIQUE

XIe s. E s'il passe la devise [règle] sans le congé à la justice…, Lois de Guill. 5. Sire, dist Guenes, donez mei le cungied, Ch. de Rol. XX. Prenent conget, à cel mot s'en tornerent, ib. CXCIV.

XIIe s. Congié [permission] [je] demande à Guibor l'honorée, Ronc. p. 161. Je n'ai congié que plus raison [je] vous die, ib. p. 174. Et comment Conviendra-il qu'à la fin congié [je] prenne ? Couci, XXII. Et s'il ne fust de remanoir viltance Et reproche, j'alasse demander à ma dame congié de demeurer, ib. XXIV. Senz le congié le rei ne deüst nuls duner Iglise en tut sun fiu…, Th. le mart. 59.

XIIIe s. Dont pristrent li message congié à l'empereour Kyrzac, Villehardouin, LXXXVII. Congié [elle] a pris du roy, si prent à souspirer, Berte, XVII. Et grant foison de chevaliers et de pucieles prendent congiet au Roi et passerent mer, Chr. de Rains, p. 13. Quant li castelains vit qu'il ne le pooit retenir, si li octria le congiez, ib. p. 55. La charretée doit de coutume quatre sols et seize deniers de congié, Liv. des mét. 273. Sovent me semont [Bel-accueil] d'aprochier Vers le bouton et d'atouchier Au rosier qui l'avoit chargié ; De ce me donnoit-il congié, la Rose, 2886. Di, Faus semblant, par quel congié Es-tu venu en ma presence ? ib. 10508. Qui done congié [congédie] à son sodeer [soudoyer], et il ne le paie de ce que il li deit de ses sodées, et il li die…, Ass. de J. I, 210. Et elle entent qu'elle se peut marier sans congé prendre vers vos, ib. I, 265. Et ot cascuns congié de soi marier aillors, Beaumanoir, XVIII, 18.

XVe s. Quand le roi les assiegeoit à puissance et ils veoient qu'ils ne pouvoient eschapper, ils se boutoient en ces croutes [grottes, souterrains] et s'en alloient sans prendre congé, Froissart, II, III, 23. Il suffit, dit le sire de Corasse ; or va, je te donne congé pour celle nuit, Froissart, II, III, 22. Et nous emmenerent avec eux bien une lieue loin, pour doute que nous ne le vous notifions trop tost, et puis nous donnerent congé de le vous venir dire, Froissart, I, I, 44. Le roy d'Angleterre commanda qu'on donnast congé à ce varlet [qu'on lui rendît la liberté], Commines, IV, 7. Le roy leur respondit [aux envoyés], et puis leur donna congé, Commines, IV, 8. Ung marchant, lequel luy estoit venu demander ung congé pour tirer une quantité de vin de Gascongne sans rien payer, Commines, IV, 10.

XVIe s. Pantagruel, prenant congié du bon Gargantua son pere, monta sus mer au port de Thalasse, Rabelais, Pant. IV, 1. Il veint luy demander congé de se faire mourir, Montaigne, I, 82. Neron, prenant congé de sa mere qu'il envoyoit noyer, Montaigne, I, 270. Ils ont leur congé, au plus loing, à vingt et deux ans, Montaigne, III, 286. Branle et congié [sorte de pas ou figure de danse] je fays en toute humblesse, Touchant pas simple, ung tout seul je n'en lesse, Marot, J. V, 270. Qu'il faisoit deshonneur à Sparte, de vouloir enlever ce corps de Lysander par le congé et la mercy des ennemis, Amyot, Lysand. 55. Par quoy il donna congé à ces conducteurs barbares [il les congédia], Amyot, Lucull. 37. Au congé prendre, il luy envoya de beaux et riches presens, qu'il refuza, Amyot, ib. 39. Je te donne congé de porter ces affiquets d'or comme à un fol, Amyot, Artax. 5. Frontenac, en lui quittant le nom et la principale charge de la guerre, portoit sa part du fardeau, comme aussi Lanoue lui quittoit l'authorité des sauvegardes et des congez de mer, D'Aubigné, Hist. II, 138.

ÉTYMOLOGIE

Wallon, cangî ; provenç. comjat, conjat ; catal. comiat ; ital. congedo ; du latin commeatus, de commeare, aller, s'en aller, passer, de cum, et meare, aller (voy. MÉAT) ; l'e ou l'i se changeant en j dans ces sortes de mots : somniare, songer, serviens, sergent, etc.