« considération », définition dans le dictionnaire Littré

considération

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

considération

(kon-si-dé-ra-sion ; en poésie, de six syllabes) s. f.
  • 1Action par laquelle on considère, on pèse quelque chose. Tout ce qui tombe sous la considération des géomètres, Descartes, Géom. 3. Il [St Paul] entre dans une profonde considération de ce que doit devenir un peuple honoré de tant de grâces, Bossuet, Hist. univ. II, 7. Entrez en considération de ce que vous êtes, Bossuet, Nol. 2. La considération de son excellence [il s'agit d'un ouvrage], Pascal, dans COUSIN. L'exemple du chancelier n'a été de nulle considération, Sévigné, 127. Ne mettant jamais votre santé en aucune sorte de considération, Sévigné, 383. Philippicus, général de Maurice, qui, étant près de donner une bataille, se mit à pleurer dans la considération du grand nombre de gens qui allaient être tués, Montesquieu, Rom. ch. 22.

    Cela est de peu de considération, cela est de peu d'importance.

    Mettre, faire entrer, prendre en considération, tenir compte de.

  • 2Vision. Malachie est élevé à une plus haute considération, et, à l'occasion des offrandes immondes des Juifs, il voit l'offrande toujours pure et jamais souillée qui sera présentée à Dieu non plus seulement comme autrefois dans le temple de Jérusalem, mais par les gentils, parmi lesquels il prédit que le nom de Dieu sera grand, Bossuet, Hist. II, 4.

    Rare en ce sens.

  • 3Circonspection dans ce qu'on dit ou dans ce qu'on fait. Il agit sans considération. La considération avec laquelle il a agi dans cette affaire.
  • 4Égard, estime que l'on a pour quelqu'un. Si l'on vous pardonne, c'est par considération pour votre père, Académie. N'avoir aucune considération pour les gens, Voiture, Lett. 23. On a bien peu de considération pour elle de lui dire cette nouvelle, Sévigné, 6.

    Égard, estime dont jouit quelqu'un. Cet homme a perdu toute sa considération. Jugeant que c'était quelque officier de considération, Hamilton, Gramm. 5. Cet habit me met en considération, Molière, Fest. III, 1. Il ne faut pas vous cacher ce que m'a dit un homme de considération, Bossuet, Lett. quiét. 111. Leurs richesses les mettent en considération dans le monde, Bossuet, Fr. d'Ass. 2. Un théatin qui ne dirigeait que des femmes de la première considération, Voltaire, Jeannot. Thalès fut pendant toute sa vie dans une considération fort distinguée, Fénelon, Thalès. J'ai passé quelques jours dans une maison de campagne auprès de Paris chez un homme de considération qui est ravi d'avoir de la compagnie chez lui, Montesquieu, Lett. pers. 48. Celui qui veste assis dix heures par jour obtient précisément la moitié plus de considération qu'un autre qui n'en reste que cinq, Montesquieu, ib. 78. Cette considération personnelle, qui ne s'accorde ni au rang ni au génie même, mais à la vertu seule, et dont on doit être d'autant plus jaloux qu'on est plus exposé par ses talents ou par ses dignités au jugement de ses contemporains, D'Alembert, Éloges, abbé de Choisi.

    À la considération de par égard pour. Je vous donne ma parole, seigneur Don Piètre, qu'à votre considération, je m'en vais le traiter du mieux qu'il me sera possible, Molière, Sicilien, sc. 19.

    En considération de, même sens. On ne l'a conservé dans sa place qu'en considération de son père.

    De considération, d'importance, en parlant des choses. Fondée sur des raisons de quelque considération, Pascal, Prov. 5. Je sais que le bien est de moindre considération, Pascal, ib. 7. Le bien est de nulle considération devant Dieu, Pascal, ib. 9. Elles se rendirent avec trente autres villes de moindre considération, Perrot D'Ablancourt, Arrien, I, 8, dans RICHELET.

    Vauban l'a employé au pluriel dans le sens d'estime, d'égard : Je dis de la meilleure foi du monde que ce n'a été ni l'envie de m'en faire accroire ni de m'attirer de nouvelles considérations qui m'a fait entreprendre cet ouvrage, Dîme, p. 1.

  • 5En style épistolaire. Je suis avec considération, avec une parfaite considération, avec une considération distinguée, etc. formules polies par lesquelles on termine certaines lettres.
  • 6Motif que chacun considère pour se diriger. Diverses considérations l'ont porté à cette démarche. Je ne puis entrer dans ces considérations. La considération qui l'a fait agir. Je vois que, le danger de sa fille effaçant toute autre considération, elle ne serait pas fâchée de vous voir ici, Rousseau, Hél. I, 27. Ces considérations ne sont pas, je l'avoue, d'une grande importance ; aussi ne les donné-je que comme des accessoires, Rousseau, Dissert. sur la musique mod.
  • 7 Au plur. Considérations, titre qu'on donne à quelques ouvrages où l'on considère un sujet sous diverses faces. Il a écrit des considérations sur l'histoire de France.
  • 8Espèce de panier rempli de crin et fait de fer, que portaient les femmes.

SYNONYME

1° CONSIDÉRATION, RÉPUTATION. La considération vient de l'effet que nos qualités personnelles, notre crédit, nos richesses, nos places font sur les autres ; aussi est-elle beaucoup moins étendue que la réputation qui, elle, est la connaissance, parmi un public plus ou moins nombreux, du nom, des actions, des œuvres d'un homme. Tel homme peut avoir de la considération sans avoir de la réputation, la considération étant bornée ou pouvant l'être à un cercle restreint.

2° CONSIDÉRATIONS, OBSERVATIONS, RÉFLEXIONS, PENSÉES. Le terme de considérations exprime cette action de l'esprit qui envisage un objet sous les différentes faces dont il est composé. Celui d'observations sert à exprimer les remarques que l'on fait sur les ouvrages. Le terme de pensées est plus vague et marque indistinctement les jugements de l'esprit. Les Considérations de Montesquieu sur les causes de la grandeur et de la décadence des Romains. Les Observations de l'Académie sur le Cid. Les Pensées de Pascal. Beauzée.

HISTORIQUE

XIIe s. Lo mantel mettre sur lo viaire est covrir la pense [la pensée] de la consideration de sa floibeteit, que ele haltes choses n'oset encerchier, Job, 488.

XIVe s. Il appert que la consideration et la cognoissance de telle fin appartient à ceste science civile, Oresme, Eth. 111. Une [partie de l'âme] est vers laquelle l'en a speculacion et contemplacion ou consideracion vers les choses de quoy les ymages sont necessaires, Oresme, ib. 170. Enquerir de ceste chose parfaitement est plus propre à autre consideration, Oresme, ib. 20. Cest exemple n'est pas à passer sans consideration, Oresme, Thèse de MEUNIER.

XVe s. Et eut là certains articles de traités faits, jetés et accordés sur grands considerations et alliances, et toutes promises et jurées à tenir, Froissart, I, I, 311.

XVIe s. Pourtant il n'y a plus de consideration de Juif ne de Grec, de circoncision ne de prepuce ; Mais Christ est en tous, Calvin, Instit. 349. Je n'y ai eu nulle consideration de ton service, ny de ma gloire, Montaigne, Au lecteur, p. X. En consideration de cela, Montaigne, I, 16. Exemple remarquable, pour cette consideration, Montaigne, I, 6. Ces considerations ne destournent pas un homme d'entendement de…, Montaigne, I, 120. En leur consideration, je diray encores cecy, car je desire de contenter chascun, Montaigne, III, 375. M. l'Admiral, qui estoit homme de grande consideration [prudence], Lanoue, 650. Le dit seigneur meu de bonnes et grandes considerations, Condé, Mémoires, p. 670.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. consideracio ; espagn. consideracion ; ital. considerazione ; du latin considerationem, de considerare, considérer.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

CONSIDÉRATION.
4Ajoutez à l'exemple de Vauban, où considération est dit au pluriel dans le sens d'égards, celui-ci de Mme de Sévigné : Il est impossible de rien ajouter aux honnêtetés, aux confiances et aux extrêmes considérations de M. de Lavardin pour moi, Sévigné, Lett. à Mme de Grignan, 24 sept. 1675.

REMARQUE

Bouhours condamne avoir de la considération dans le monde, pour : s'attirer de la considération : " Avoir de la considération signifie proprement considérer les choses, et non pas être considéré des autres ; un homme qui a de la considération, c'est un homme qui prend garde à ce qu'il fait, " Entretiens d'Ariste et d'Eugène, éd. 1671, p. 119. Malgré cette condamnation, la locution a prévalu.