« considérer », définition dans le dictionnaire Littré

considérer

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

considérer

(kon-si-dé-ré ; l'accent aigu se change en accent grave devant une syllabe muette : je considère, excepté au futur et au conditionnel : je considérerai, je considérerais ; à la vérité l'Académie ne donne ni considérerai, ni considérerais ; mais comme elle met l'accent aigu dans les cas de ce genre, bien que par une anomalie regrettable, il faut la suivre) v. a.
  • 1Regarder attentivement. Considérer un édifice, un tableau. Hé bien ! Qu'est-ce ? M'as-tu tout parcouru par ordre ? M'as-tu de tes gros yeux assez considéré ? Molière, Amph. III, 2. Il ne leur reste qu'à considérer de quel côté allait tomber ce grand arbre, ébranlé par tant de coups, Bossuet, Anne de Gonz. Il s'arrêta dans un endroit où le boyau faisait un angle avec la parallèle ; il se mit à genoux sur le talus intérieur, et, appuyant ses coudes sur le parapet, resta quelque temps à considérer les travailleurs qui construisaient les tranchées à la lueur des étoiles, Voltaire, Charles XII, 8.

    Fig. Faire un examen attentif. Et pour dire en un mot ce que j'en considère [pense], Corneille, Cid, IV, 5. La route en est mal sûre, à tout considérer, Corneille, Nicom. IV, 4. Ne considérez rien ou considérez tout, Rotrou, Antig. II, 4. Quiconque en pareil cas se croit haï des cieux, Qu'il considère Hécube, il rendra grâce aux dieux, La Fontaine, Fabl. X, 13. Quand on considère de plus près l'histoire de ce grand royaume et particulièrement les derniers règnes, Bossuet, Reine d'Anglet. Considère, Phénix, les troubles que j'évite, Racine, Andr. II, 5. Les hommes donnent volontiers à la philosophie leurs maux à considérer, mais non pas à guérir, Fontenelle, Dial. IV, Morts anc. Sans considérer que ces choses sont éloignées l'une de l'autre, comme le ciel l'est de la terre, Perrot D'Ablancourt, Lucien, Comment écrire l'histoire.

  • 2Avoir égard à, tenir compte de. Ne considérez point cette grandeur suprême ; Traitez-moi comme ami, non comme souverain, Corneille, Cinna, II, 2. Mon bras, dont ses mépris forçaient la retenue, N'eût plus considéré César ni sa venue, Corneille, Mort de Pomp. II, 4. Pour moi, ce que je considère particulièrement, c'est que par le moyen de ces visites spirituelles, on est instruit de cent choses qu'il faut savoir de nécessité, Molière, Préc. rid. sc. 10. Comme vous êtes roi, vous ne considérez Qui ni quoi ; rois et dieux mettent, quoi qu'on leur die, Tout en même catégorie, La Fontaine, Fabl. V, 18. Ne considérez point que je suis votre mère ; Considérez en moi celle de votre frère, Racine, Théb. IV, 3. Mon esprit, peu jaloux de vivre en la mémoire, Ne considère point le reproche ou la gloire, Voltaire, Mort de Cés. III, 2.
  • 3Estimer, faire cas de. C'est un homme que je considère beaucoup. Votre père y commande, et l'on m'y considère, Corneille, Poly. II, 4. Je t'ai considéré plus que tu ne mérites, Corneille, ib. V, 2. Votre marâtre y règne et le roi votre père Ne voit que par ses yeux, seule la considère, Corneille, Nicom. I, 1. L'époux avait toujours considéré sa femme, La Fontaine, Faucon. On considère un bon géomètre, Fénelon, Tél. III.
  • 4Juger, réputer. Les soldats le considéraient comme un père. On doit considérer cet événement comme la source de tous nos malheurs.
  • 5Se considérer, v. réfl. Se regarder, s'examiner. Le cerf qui se considérait dans la fontaine. L'âme qui se considère.

    S'estimer. Seul il se considère, il s'aime et non pas moi, Rotrou, Vencesl. II, 1. Mais elle seule enfin s'aime et se considère, Corneille, Rodog. II, 4. Mais où trouvera-t-on une âme si purgée, Qu'elle aime à servir Dieu sans se considérer, Et ne cherche en l'aimant que l'heur de l'adorer ? Corneille, Imit. II, 11.

    Se juger. Se considérer comme un personnage. Je me considère comme votre ami.

    S'estimer mutuellement. Ils se considèrent l'un l'autre.

    Être considéré, aperçu. Le naturel de chacun se considère en deux manières, Pascal, dans le Dict. de POITEVIN.

    Être pris en considération, être pesé. S'il est juste d'ailleurs que tout se considère, Que hasardait Pompée en suivant votre père ? Corneille, Pomp. I, 3.

HISTORIQUE

XIVe s. Vous considerastes que le peuple romain a bien esté sur touz li souverain, Bercheure, f° 1. Mesmement consideré que illecques sont baillées certaines regles, bons enseignemens, belles hystoires…, Oresme, Eth. Prol. Et selon les passions absolument considerées, nous ne sommes diz ne bons ne malvès, Oresme, ib. 42. L'excellence et vertu de l'œuvre, c'est que elle soit grande et bonne et tele que elle soit digne de estre considerée à grant admiracion, Oresme, ib. 114. Le charpentier et le geometrien enquerent et considerent de la line droitte, Oresme, ib. X (16). Gilet considerant l'abusion que vouloit faire et avoir icellui Loys, Du Cange, abusio.

XVe s. Si que, tout consideré, [les Anglois] se traïrent à Mauros, et là se logerent, Froissart, II, II, 19. À tout considerer, si Angleterre se perdoit, ils perdroient trop plus que nous, Froissart, II, III, 45. Gens vinrent de tous costés pour le voir, et considerer le grand estat qu'il maintenoit, Froissart, I, I, 71. Le pays [de Flandre] estoit si plein et si rempli de biens que merveilles seroit à raconter et à considerer, Froissart, II, II, 52. Uns saiges homs considerans en soy Quel chose estoit à prince necessaire, Deschamps, Ce qui est nécessaire aux rois. Consideré leur grant despence et que la saison se passoit, Commines, IV, 5.

XVIe s. À la lecture des histoires, j'ay accoustumé de considerer qui en sont les escrivains, Montaigne, I, 58. Il estoit à considerer la grandeur demesurée de ses forces au passage de l'Hellespont, Montaigne, I, 271. Il s'approcha à cheval le plus près qu'il peut du cousteau [coteau] pour le recognoistre et considerer de près la nature du lieu, Amyot, Sertor. 23.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. cossirar, considerar ; anc. catal. consirar ; espagn. considerar ; ital. considerare ; du latin considerare, de cum, et sidus, sideris, astre, étoile (voy. SIDÉRAL), de sorte que, dans le latin, considerare a un rapport avec la contemplation des astres.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

CONSIDÉRER. Ajoutez :

Se considérer, suivi d'un adjectif, se regarder comme. [Gens] qui ont dû se considérer définitivement libérés du service, Chateaubriand, t. XXX, p. 164, éd. Furne, grand in-8°.