« cupidité », définition dans le dictionnaire Littré

cupidité

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

cupidité

(ku-pi-di-té) s. f.
  • 1Dans un sens général, vif désir quelconque. En quelque état que l'on soit, il ne peut être permis d'agir par cupidité, ni de se conduire par sa volonté et par son caprice, Nicole, Ess. mor. 2e traité, ch. 8.
  • 2Passion ardente de posséder quelque chose. Les hommes se révoltent contre Jésus, parce qu'ils ne veulent pas se convertir, s'humilier, se mortifier, combattre leurs cupidités et leurs passions, Bossuet, dans le Dict. de DOCHEZ. Vous qui devez réprimer vos cupidités, vous êtes contraint de satisfaire celles des autres, Bossuet, ib. Il s'applique à discerner la cause du juste d'avec celle du pécheur ; à découvrir la vérité au travers des voiles du mensonge et de l'imposture dont les cupidités humaines le couvrent, Fléchier, le Tellier. Je déracinai de mon cœur les cupidités et les convoitises qui donnent du prix à tout ce que je quittais, Rousseau, Promenade 3e. Nous, jouet des partis à la fois suscités Par votre faste vain et vos cupidités, Lemercier, Frédég. et Bruneh. III, 5. Il est probable qu'au fond de ces tracasseries il y avait quelque cupidité de domination, Chateaubriand, dans le Dict. de DOCHEZ.
  • 3En particulier, désir immodéré de fortune, d'argent. On ne doit attendre d'approbation que des véritables gens de bien et d'honneur, désintéressés et un peu éclairés, parce que la cupidité de tous les autres se trouvera lésée dans cet établissement, Vauban, Dîme, p. 203. Dans ce pays heureux la cupidité était étrangère, Montesquieu, Lett. pers. 12. Tant que le luxe régnera chez les grands, la cupidité régnera dans tous les cœurs, Rousseau, Gouvern. de Pologne, ch. 3. La barbare et dévorante cupidité des gens d'affaires, à qui la protection donnait un nouvel essor, Raynal, Hist. phil. IV, 1. Il n'est rien d'indigne et de bas que la cupidité n'engendre, Marmontel, Bélis. XII. Bientôt régnerait moins de cupidité Et de meilleures mœurs et plus d'égalité, Chénier M. J. Gracques, II, 3. Des temples dépouillés les trésors vénérables Abandonnés en proie à la cupidité…, Delavigne, Vêpres sicil. II, 6.

    Dans le langage philosophique, le désir des biens matériels, le penchant à les acquérir.

REMARQUE

Ce mot était condamné par les puristes du XVIIe siècle, Vaugelas, Chifflet. Bouhours, Nouv. remarques, ne le concède qu'à la chaire et dans le sens théologique ; et il ne voudrait pas qu'on dît la cupidité de régner, la cupidité des richesses. Aujourd'hui il est en plein usage, soit absolument pour exprimer la soif des richesses, soit, ce qui est moins commun mais usité toutefois, avec un complément. Pourtant Th. Corneille l'avait défendu : " Il me semble que ce n'est point mal parler que de dire : la terre n'a point d'endroits si cachés où, pour trouver l'or et les diamants, la cupidité des hommes ne fasse fouiller (VAUGEL. Rem. notes, t. II, p. 535, dans POUGENS). " L'Académie de son côté en avait assuré l'existence : " Cupidité est un fort bon mot dont il ne faut point faire scrupule de se servir pour signifier la concupiscence ; d'ailleurs, comme il marque un désir immodéré, on croit qu'on ne le doit pas condamner en cette phrase : la cupidité, l'insatiable cupidité des richesses (Observ. sur VAUGEL. p 328, dans POUGENS). "

HISTORIQUE

XVe s. Cupidité commande, Richesse est honorée, Deschamps, dans le Dict. de DOCHEZ. Donne toy garde des rochiers de cupidité effrenée, J. Lemaire, Pallas parlant à Pâris.

XVIe s. Ilz estoient tous deux jeunes et ardents de cupidité d'honneur, Amyot, Lucull. 10. La cupidité d'avoir un tel livre si beau et si rare, Brantôme, Charles-Quint. J'ai prins plaisir de veoir, en quelque lieu, des hommes, par devotion, faire vœu d'ignorance, comme de chasteté, de pauvreté, de penitence : c'est aussi chastrer nos appetits desordonnez, d'esmousser ceste cupidité qui nous espoinçonne à l'estude des livres, et priver l'ame de ceste complaisance voluptueuse qui nous chatouille par l'opinion de science, Montaigne, II, 195. Les cupiditez sont ou naturelles et necessaires, comme le boire et le manger ; ou naturelles et non necessaires… ou elles ne sont ny naturelles ny necessaires ; de ceste derniere sorte sont quasi toutes celles des hommes, Montaigne, IV, 184. Les autres [désirs] sont outre nature, procedans de nostre opinion et fantaisie, artificiels, superflus, que nous pouvons, pour les distinguer par nom des autres, appeler cupidités, Charron, Sagesse, I, 24.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. cupiditat et cobeitat ; ital. cupidità ; du latin cupiditatem, de cupidus, cupide. Le provençal cobeitat est la forme ancienne, cupiditat la forme refaite sur le latin ; et convoiter (voy. ce mot) a été fait comme cobeitat.