« déchoir », définition dans le dictionnaire Littré

déchoir

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

déchoir

(dé-choir), je déchois, tu déchois, il déchoit, et aussi, il déchet, nous déchoyons, vous déchoyez, ils déchoient ; je déchus ; je décherrai ; je décherrais (on dit aussi, régulièrement : je déchoirai, je déchoirais) ; déchois, déchoyons ; que je déchoie, que nous déchoyfons, que je déchusse ; point de participe présent ; déchu, déchue v. n.
  • 1Tomber dans un état inférieur à celui où l'on était. L'âge la fit déchoir, adieu tous les amants, La Fontaine, Fabl. VII, 5. Et comme celle-ci [aventure] déchet dans la peinture [perd à être peinte], La peinture déchet dans ma description, La Fontaine, Tabl. Du rang où notre esprit une fois s'est fait voir, Sans un fâcheux éclat nous ne saurions déchoir, Boileau, Épître VI. Voilà ce qui fit déchoir un roi d'ailleurs si juste, Fénelon, Tél. XI. Ma foi, quand un ouvrage a passé l'ordinaire, Si l'on ne veut déchoir, il ne faut plus rien faire, Montreuil, Lettre avec des vers parodiés d'Horace.

    Déchoir de, ne pas conserver. Je vous parlerai peut-être quelque jour, mes pères, de ce mélange confus d'opinions ; et on sera surpris de voir combien vous êtes déchus du premier esprit de votre institut, Pascal, Prov. 13. [Vertu] Sans laquelle ils sont en danger de déchoir de leur justice, Pascal, Prière. La perfidie du disciple qui déchoit de son apostolat, Massillon, Pass. 2. On pouvait hardiment le contredire, on aurait pu le convaincre sans déchoir un moment de sa familiarité et de sa bienveillance, Mairan, Éloges, Card. de Polignac. Après ces arrêts, achetés à très haut prix, il n'en sera que plus sûrement déchu de l'espoir de rien sauver de ce qui lui était dû, Raynal, Hist. phil. V, 22.

    Terme de théologie. Déchoir de l'état de grâce, perdre la grâce. Vous imposez à vos ennemis des crimes dont vous savez qu'ils sont innocents, parce que vous croyez le pouvoir faire sans déchoir de l'état de grâce, Pascal, Prov. 15. La question est non pas de savoir si on aura un jour cette grâce, mais si on peut déchoir un seul moment après l'avoir eue, Bossuet, Variat. XIV, § 46. Ne permettez pas que nous venions jamais à en déchoir, Bourdaloue, Annonc. de la Vierge, Myst. t. II, p. 149.

  • 2Diminuer, s'affaiblir. Son crédit commence à déchoir. Je crois que l'école a beaucoup déchu et qu'elle déchoira davantage, Diderot, Salon de 1767, Œuvres, t. XV, p. 36, dans POUGENS.

    Commencer à déchoir, avancer en âge.

  • 3Déchoir s'est dit autrefois en termes de marine pour dériver, sortir de la route.

REMARQUE

1. Déchoir se conjugue avec l'auxiliaire avoir quand il exprime une action : depuis ce moment il a déchu de jour en jour ; et avec l'auxiliaire être, quand il exprime un état : il y a longtemps qu'ils sont déchus de ces privilèges.

2. À la 3e personne du pluriel du présent de l'indicatif, on dit aujourd'hui déchoient seulement, bien qu'au singulier on dise encore déchet. Bossuet a dit déchéent : Ils ne déchéent pas de l'état de justification, Var. XIV, § 60.

3. Les formes en e sont une intrusion de la prononciation normande entre les formes en oi.

HISTORIQUE

XIe s. Dient Franceis : mout dechéent li nostre, Ch. de Rol. CXXI. Com decarrat ma force et ma baudur ! ib. CCIV.

XIIIe s. …Si ques il avient à le [la] fois que li heritage en empirent et dequieent, Beaumanoir, XXII, 1. Ces arcevesques et ces evesques qui ci sont, m'ont chargé que je vous die que la crestienté dechiet et font entre vos mains, Joinville, 290. Et pour ce je vous demant S'amie prent son amant, Et il li par mariage, S'amours en va decheant, Bibl. des Chartes, 4e série, t. V, p. 322.

XVe s. [Chacun était ému de pitié à la vue des six bourgeois de Calais agenouillés aux pieds d'Édouard] Et vraiement ce n'estoit pas merveille ; car c'est grand pitié de voir hommes descheoir et estre en tel estat et danger, Froissart, I, I, 321. Nonobstant ce jeune age, ne descheut pas en luy l'homme de si noble estat, Bouciq. I, ch. 18.

XVIe s. L'homme dechet et perit, si le seigneur oste de lui sa misericorde, Calvin, 93. Nul n'est admis à recevoir les benedictions de Dieu, sinon celui qui dechet et defaut par le sentiment de sa poureté, Calvin, Instit. 189. Ce desir tel quel, avant que se mettre en train, defaut, pour ce qu'il dechoit en vanité, Calvin, ib. 191. La nature de l'homme, combien qu'elle soit decheute de son integrité, et fort corrompue…, Calvin, ib. 194. Il la conferme et fortifie par la vertu de son esprit, à ce qu'elle ne vacille ou dechée, Calvin, ib. 244. Si plusieurs ne descheoyent de la foy commune, Jesus Christ n'eust point dit…, Calvin, ib. 429. Nous nions que jamais ils tombent ou dechoyent de la fiance qu'ils ont une fois conceue, Calvin, ib. 433. Elle a esté confermée par succession perpetuelle des evesques, à ce qu'elle ne descheust pas, Calvin, ib. 836. Selon que les choses deschoyent journellement de mal en pis, Calvin, ib. 909. Se voyant descheu de son esperance, Montaigne, I, 298. Il est descheu de la maistrise comme un enfant, Montaigne, II, 80. Il remplist le senat, qui estoit fort descheut et diminué d'hommes, Amyot, Publ. 20. Comme il se fust presenté à demander l'office de tribun du peuple, il en fut debouté et en descheut par les menées de Sylla, Amyot, Sertor. 5. Aux ulceres qui ont un an ou davantage, l'os necessairement se pourrit et dechet, Paré, t. III, p. 645. Que l'on face son compte, le bien se descheoir entre les mains des fermiers, De Serres, 53. Secourir les vignes langoureuses, descheantes et pleurantes, De Serres, 199. Le naturel des amandes est de se descheoir [diminuer] en confissant, De Serres, 858.

ÉTYMOLOGIE

Dé… préfixe, et choir ; provenç. dechazer, descazer ; espagn. decaer ; portug. decahir ; ital. decadere. Le latin n'a pas decadere.