« délibérer », définition dans le dictionnaire Littré

délibérer

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délibérer [1]

(dé-li-bé-ré. L'Académie ne conjugue pas ce verbe ; mais, selon l'orthographe qu'elle suit dans les cas analogues, on changera, devant une syllabe muette, l'accent aigu de la syllabe bé en accent grave : je délibère, excepté, ce qui est contre l'analogie, au futur et au conditionnel : je délibérerai, je délibérerais) v. n.
  • 1Mettre en délibération. On délibéra si on assiégerait Mons ou Valenciennes, Sarazin, Œuvres, 1re partie, dans RICHELET. Après, on délibéra des remèdes, Perrot D'Ablancourt, Tac. 25. Ils délibéraient de rendre la liberté au peuple romain, Perrot D'Ablancourt, ib. 125. Et je puis dire enfin que jamais potentat N'eut à délibérer d'un si grand coup d'État, Corneille, Pomp. I, 1. N'en délibérons plus, cette pitié l'emporte, Corneille, Cinna, II, 1. Je vous laisse avec lui pour en délibérer, Corneille, Rodog. III, 1. Après ce grand exemple en vain on délibère, Corneille, Nicom. V, 2. C'est une chose déplorable de voir tous les hommes ne délibérer que des moyens et point de la fin, Pascal, dans COUSIN. C'est l'Occident qui délibère sur la ruine de l'Orient et sur les moyens d'exécuter une vengeance suspendue depuis plus d'un siècle, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. VI, p. 184, dans POUGENS.

    Absolument. C'est de quoi le sénat pourra délibérer, Corneille, Nicom. V, 10. L'amour n'est plus le maître alors qu'on délibère, Corneille, Pulch. II, 4. Ne faut-il que délibérer, La cour en conseillers foisonne ; Est-il besoin d'exécuter, L'on ne rencontre plus personne, La Fontaine, Fabl. II, 2. … Pourquoi délibérer ? De tous les deux, madame, il se faut assurer, Racine, Athal. II, 5. Tandis que les méchants délibèrent entre eux, Racine, ib. III, 6. Uniquement occupés de leurs projets (et ils n'en forment que de grands et de hardis), ils délibèrent promptement et exécutent de même, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. III, p. 428, dans POUGENS. L'ambassadeur m'attend ; consulte, délibère ; Dans une heure avec moi tu reverras mon père, Voltaire, Brutus, IV, 3. … Un homme téméraire Confond en agissant celui qui délibère, Voltaire, Triumv. II, 2. Le temps de délibérer était passé, et celui d'agir enfin venu ; le 9 mai 1812, Napoléon, jusque-là toujours triomphant, sort d'un palais où il ne devait plus rentrer que vaincu, Ségur, Hist. de Nap. III, 1.

    Terme de jurisprudence. L'héritier a un délai pour faire inventaire et délibérer, c'est-à-dire pour accepter ou répudier la succession.

    Hésiter à se résoudre. Pendant qu'il délibère, vous êtes déjà hors de portée, La Bruyère, II. Ne délibérons plus, Racine, Iph. IV, 7. Contre un tel ennemi [l'amour] le vrai courage consiste à fuir sans délibérer, Fénelon, Tél. VII.

  • 2Prendre une délibération, se déterminer. La force publique ne délibère pas. J'ai délibéré de faire cela. Cujas avait délibéré, au cas qu'il mourût sans enfants, de donner son bien à Scaliger, Colomiès, dans RICHELET. Quand saint Pierre et les apôtres délibérèrent d'abolir la circoncision…, Pascal, Rel. 32.
  • 3 V. a. Délibérer une affaire, la mettre en délibération. Voilà ce qui a été délibéré. L'affaire est d'importance, et, bien considérée, Mérite en plein conseil d'être délibérée, Corneille, Cid, II, 9. Le hasard a fait ce que la prudence des pères avait délibéré, Molière, Fourb. III, 9.

    Terme de palais. Délibérer une consultation.

REMARQUE

On dit délibérer d'une chose et délibérer sur une chose. Dans le XVIIe siècle délibérer de était presque exclusivement employé.

HISTORIQUE

XVe s. Parquoy [oreille coupée] lui qui estoït deliberé estre homme d'eglise, est inhabile à jamais l'estre, Du Cange, auris. Et se delibera de leur courre sus, Commines, I, 2. Se delibera [le roy] de se venir mettre dedans Paris, Commines, ib. … Que ung chascun se deliberast de bien faire, car il deliberoit de tempter la fortune, Commines, I, 3. Touteffois delibera le duc l'assault, mais nul ne se trouva de ceste oppinion que luy, Commines, III, 10. Et se delibera n'en bouger, Commines, I, 9.

XVIe s. Lors Pantagruel delibera visiter la grande université de Paris, Rabelais, Pant. II, 7. D'avant que marcher oultre il seroyt bon deliberer de ce que est à faire, Rabelais, ib. II, 24. Il delibera de soustenir ce pas, et faire acheter aux ennemis…, Montaigne, I, 243. Le roy les ayant leues, et dict qu'il en delibereroit, Montaigne, III, 103. La pluspart de la noblesse, ayant entendu l'execution de Vassy, se delibera de venir près Paris, Lanoue, 547. Encores que l'homme pense et delibere, c'est à Dieu de donner accomplissement à l'œuvre qu'il entreprend, Lanoue, 548. Il leur donna terme pour en deliberer, et s'en resouldre, l'espace de trente jours, Amyot, Cor. 47.

ÉTYMOLOGIE

Provenç. et espagn. deliberar ; ital. deliberare ; du latin deliberare, que les étymologistes latins tirent de de, et librare, peser.