« délicatesse », définition dans le dictionnaire Littré

délicatesse

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délicatesse

(dé-li-ka-tè-s') s. f.
  • 1Qualité de ce qui est délicat, faiblesse, débilité. La délicatesse de cet enfant. La délicatesse des plantes qui viennent d'un climat plus chaud que le nôtre. Sa santé est d'une délicatesse étrange, Sévigné, 367. Vous avez enfin porté votre délicatesse à Marseille, et M. de Grignan l'a voulu, Sévigné, 414. La délicatesse de son corps [de Ste Agnès], à peine propre à recevoir des plaies, est déjà capable de les mépriser, Massillon, Panég. Ste Agnès.
  • 2Qualité de ce qui est délicat, fin, ténu. La délicatesse de la peau. La délicatesse des fils que l'araignée produit.
  • 3Légèreté, élégance. Travail remarquable par la délicatesse de l'exécution. Son nez n'était pas de la dernière délicatesse, Hamilton, Gramm. 9. Elle croit voir dans la douceur de ces regards et de ce visage la douceur d'une humeur paisible ; dans la délicatesse de ces traits la délicatesse de l'esprit, Bossuet, la Vallière. On comptait cent quarante mille boucliers, autant de casques et d'épées, plus de quatorze mille cuirasses travaillées avec tout l'art et toute la délicatesse possible, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. V, p. 187, dans POUGENS.

    Terme de peinture et de sculpture. Exécution légère et soignée.

  • 4La qualité de ce qui plaît au goût. La délicatesse du vin, des mets. La délicatesse de la table.
  • 5Recherche, dans la vie et le régime, de ce qui est agréable au corps et n'est pas, non plus, absolument commun. Élever un enfant avec trop de délicatesse. La délicatesse des Orientaux. C'est la vraie grâce de l'aumône, en soulageant les besoins des pauvres, de diminuer en nous d'autres besoins, c'est-à-dire ces besoins honteux qu'y fait la délicatesse, comme si la nature n'était pas assez accablée de nécessités, Bossuet, Anne de Gonz. Chacun, idolâtre de sa santé, ne veut avoir égard qu'à sa délicatesse ou, pour mieux dire, qu'à sa mollesse, Bourdaloue, Purific. de la Vierge, Myst. Un Dieu dans cet état est un reproche sensible de ses délicatesses [de l'âme], de son amour-propre, du soin qu'elle prend de son corps, Bourdaloue, Dim. de la Quinquagés. Dominic. La délicatesse est tout à fait digne des hommes ; elle n'est produite que par les bonnes qualités de l'esprit et du cœur ; on se sait bon gré d'en avoir ; on tâche à en acquérir quand on n'en a pas, Fontenelle, Dial des morts, Milon et Smyndiride.
  • 6 Au plur. Choses délicates. Il ne lui faudra ni table bien servie, ni consommés exquis, ni orges mondés perpétuels, ni les autres délicatesses qu'il faudrait pour une autre femme, Molière, l'Av. II, 6. Philippe, déjà vieux, raffine sur la propreté et sur la mollesse ; il passe aux petites délicatesses, La Bruyère, XI. Ils [les jésuites missionnaires] ont ajouté des délicatesses à nos tables et des ombrages à nos bois, Chateaubriand, Génie, IV, IV, 1.
  • 7Finesse et élégance dans le sentiment littéraire et l'expression. La délicatesse d'une pensée, du langage. La délicatesse et la pureté du goût attique. Ce long raisonnement, dans sa délicatesse, à vos tendres respects mêle beaucoup d'adresse, Corneille, Othon, III, 3. Est-ce une marque de supposition ou de nouveauté que la langue de l'Écriture soit si ancienne qu'on en ait perdu les délicatesses ? Bossuet, Hist. II, 13. M. le maréchal de Tessé m'écrit une lettre de trois pages, pleine d'esprit, de sentiment, de délicatesse, Maintenon, Lettre à Mme de Caylus, 21 juillet 1716. Jamais l'extérieur n'annonça moins de délicatesse ; il en avait pourtant dans la pensée et dans l'expression, Marmontel, Mém. VI. À l'égard de l'esprit, ce sera toute la force de celui des hommes mêlée avec toute la délicatesse de celui des femmes, Marivaux, Marianne, 4e part. Ce texte a des délicatesses bien difficiles à rendre, et notre maudit patois me fait donner au diable, Courier, Lett. I, 219.

    Délicatesse de style, variété de l'élégance, qui consiste à saisir et à exprimer par des termes bien choisis les nuances qui distinguent les idées.

  • 8Finesse et pureté dans la manière de sentir. C'est un paradoxe qu'un violent amour sans délicatesse, La Bruyère, IV. Mais que dis-je ? où m'emporte une aveugle tendresse ? Lâche amant, est-ce là cette délicatesse Dont s'enorgueillit ton amour ? Rousseau, Cantate de Céphale. Dites-moi d'où cela venait ; où est-ce que j'avais pris mes délicatesses ? Marivaux, Marianne, 1re part. Ce n'est pas de l'amour que je veux ; vous le savez bien ; mais l'amitié n'a-t-elle pas ses sentiments, ses délicatesses ? Marivaux, Surprises de l'amour, II, 9.
  • 9Sensibilité, aptitude à juger finement. Délicatesse de goût, de tact. L'un n'avait en l'esprit nulle délicatesse, La Fontaine, Fabl. VII, 5.
  • 10Qualité de celui que la finesse de son goût, au propre et au figuré, rend difficile. J'ai une furieuse délicatesse pour tout ce que je porte, Molière, Précieuses, 10. La délicatesse est trop grande de ne pouvoir souffrir que des gens triés, Molière, Critique, 1. La bonne façon d'en juger [des pièces de théâtre], qui est de se laisser prendre aux choses et de n'avoir ni prévention aveugle ni complaisance affectée ni délicatesse ridicule, Molière, ib. 6. Quelques femmes de la ville ont la délicatesse de ne pas savoir ou de n'oser dire le nom des rues, des places et de quelques endroits publics qu'elles ne croient pas assez nobles pour être connus, La Bruyère, V. La fausse délicatesse dans les action libres, dans les mœurs ou dans la conduite, n'est pas ainsi nommée parce qu'elle est feinte, mais parce qu'en effet elle s'exerce sur des choses et en des occasions qui n'en méritent point ; la fausse délicatesse de goût et de complexion n'est telle au contraire que parce qu'elle est feinte et affectée ; c'est Émilie qui crie de toute sa force sur un petit péril qui ne lui fait pas de peur, La Bruyère, XI.
  • 11Ménagement, circonspection. Cette affaire veut être traitée avec beaucoup de délicatesse. Il [Pyrrhus] avait joint la délicatesse des négociations à la science de la guerre, Saint-Évremond, II, 34.
  • 12Susceptibilité, facilité à regarder comme blessantes les choses qui ne le sont pas ou ne le sont guère. Je ne vois rien de si ridicule que cette délicatesse d'honneur qui prend tout en mauvaise part, Molière, Critique, 3. Il faut respecter les rois et ménager leur délicatesse, Fénelon, Tél. XI. Idoménée, revenu de sa première promptitude, parut honteux de sa délicatesse, Fénelon, ib. Il aurait pu ménager davantage la délicatesse des docteurs, Massillon, Panég. St Étienne. Je sais quelle est la délicatesse des grands, et les foudres qui partent de ces montagnes d'orgueil du moment qu'on les touche, Massillon, ib. St Franç. de Paule. Elle [une femme du monde] a sur sa beauté des délicatesses ridicules, Massillon, Myst. Visitation. Toute la délicatesse sur le rang et sur la gloire qui peut compatir avec une modération que le monde lui-même demande, on s'en fait un mérite, Massillon, Car. Tiéd. 2. Cette délicatesse qui vous rend si facile à être blessé est une véritable imperfection, Fénelon, Dial. des morts anc. 17. Cette délicatesse importune, étrangère, Dément votre fortune et votre caractère, Voltaire, Orph. III, 4.

    Être en délicatesse avec quelqu'un, avoir avec lui quelque sujet de susceptibilité. Cette expression ne s'emploie que dans le style léger et familier : Nous ne sommes pas brouillés, nous sommes en délicatesse, c'est-à-dire chacun de nous craint de manquer à sa propre dignité en faisant des avances à l'autre.

  • 13Scrupules sur ce qui touche à la morale, à la conscience, aux bienséances, à la pureté des sentiments. Sire, dit le renard, vous êtes trop bon roi, Vos scrupules font voir trop de délicatesse, La Fontaine, Fabl. VII, 1. Toujours alarmée par ces délicatesses de la grâce, qui la font trembler sur chaque action, Massillon, Car. Tiéd. 1. Vous aviez reçu en naissant une délicatesse si noble sur la gloire, Massillon, ib. Enf. prod.

    Délicatesse de conscience, état d'une conscience qui répugne aux moindres transgressions. Il mène une vie scandaleuse et publique ; le roi en souffre, par amitié pour lui, par aversion pour le désordre et par délicatesse de conscience, Maintenon, Lettre au duc de Noailles, 27 sept. 1709. Ce qui paraît de si violent dans ses discours n'est que la délicatesse d'une conscience qui se redoute elle-même, ou l'excès d'un amour [pour Dieu] qui craint de déplaire, Bossuet, Anne de Gonz.

    Délicatesse d'honneur, soin avec lequel un homme, une femme veille sur son honneur. L'inquiétude que vous donne cette maudite affaire du surintendant [lettres de femmes trouvées dans la cassette de Fouquet] est la marque de la délicatesse de votre honneur, Chapelain, Lettre à Mme de Sévigné, dans FEUILLET DE CONCHES, Variétés d'histoire et d'art.

    Se dit dans le même sens en parlant des choses, des procédés, des sentiments, etc. Le cœur ainsi blessé [par l'ange des saintes amours] connaît toutes les délicatesses des sentiments, Chateaubriand, Mart. 401.

HISTORIQUE

XVIe s. Ostez luy toute mollesse et delicatesse au vestir et au coucher, Montaigne, I, 183. La saveur et delicatesse de ces fruicts, Montaigne, I, 234. Pibrac, merveilleux en delicatesse de langage, D'Aubigné, Hist. II, 337. D'ailleurs je me plains d'eux et leur reproche cette foiblesse populaire et delicatesse feminine, comme indigne et trop tendre pour entendre chose qui vaille, et du tout incapable de sagesse, Charron, Sagesse, Préf. de la 2e édit.

ÉTYMOLOGIE

Délicat. Oresme a dit, Eth. 209 : Delice ou delicativeté est une mollesse.