« dépendre.3 », définition dans le dictionnaire Littré

dépendre

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Fac-simile de l'édition originale du Littré (BNF)

dépendre [3]

(dé-pan-dr') v. a.
  • Dépenser. Je vais vous montrer qu'il n'est rien de si peu de frais, si vous craignez de dépendre, Malherbe, Le traité des bienf. de Sénèque, II, 30. L'épargne est une science de ne rien dépendre mal à propos, Malherbe, ib. II, 34. Et n'avoir de crédit qu'au prix qu'on peut dépendre, Régnier, Sat. VI.

    Aujourd'hui mot inusité excepté dans ces deux phrases proverbiales : 1° Qui bien gagne et bien dépend n'a que faire de bourse pour serrer son argent ; 2° Ami à vendre et à dépendre, ami tout dévoué. Je suis à vous à vendre et à dépendre, c'est-à-dire vous pouvez disposer de moi ; locution qui signifie que vous pouvez me vendre et faire, de l'argent, l'emploi qu'il vous plaira, et qu'on peut voir à l'historique, au propre, comme terme du langage juridique. Bien qu'il m'eût à l'abord doucement fait entendre Qu'il était mon valet, à vendre et à dépendre [despendre], Régnier, Sat. VIII. Bissy était à vendre et à dépendre corps et àme, pour sa fortune, aux jésuites, Saint-Simon, 289, 201.

REMARQUE

1. On dit souvent à pendre et à dépendre ; c'est une méprise (voy. DÉPENDRE 1).

2. Au XVIIe siècle, dépendre, qui a vieilli depuis, était aussi bon que dépenser ; c'est du moins ce que dit Marg. Buffet, Observ. p. 31.

HISTORIQUE

XIIe s. Vous qui robez les croisés, Ne despendez mie l'avoir ainsi, Quesnes, Romancero, p. 96.

XIIIe s. Après refu Largece assise, Qui fu bien duite [habile] et bien aprise De faire honor et de despendre, la Rose, 1135. Vaillans hons suel [j'ai coutume] estre clamés, Et de tous compaignons amés, Et despendoie liement En tous leus plus que largement, Tant cum fui riches hons tenus, ib. 8045. Quant la ville de Bapaumes fu sans meor [maire], li borgois despendirent moult en eslection, Liv. de just. 46. Que elle peuist [pût] le [la] maison qui devant est dite, vendre et despendre, et boire et mangier, et faire toute se [sa] volenté, Tailliar, Recueil, p. 178.

XIVe s. Et c'est legiere chose à fere que despendre, Oresme, Eth. 109. Robert a obligié sey et ses hers [hoirs], touz ses biens moebles et immoebles presenz et avenir, à vendre et à despendre par la main de la justice, Livre vert de la bibliothèque d'Avranches.

XVe s. Et disoient Anglois : Messire Jean de Montfort nous a joué de ce tour que travailler nos corps et lever nos gens et faire despendre l'argent du roi, Froissart, II, III, 63. Se mocquoient du duc de Bourgongne qui despendoit argent à vouloir deffendre la mer, Commines, III, 5. Estoit de très petit cueur et enduroit toutes choses pour ne despendre riens, Commines, IV, 1. Ma beauté et mes tendres ans ne peuvent endurer que temps depende et consume ainsi mes jours en vain, Louis XI, Nouv. C.

XVIe s. Et prendrai autant à gloyre qu'on die de moi que plus en vin aye despendu que en huyle, que feit Demosthenes quand de luy on disoyt que plus en huyle que en vin despendoyt, Rabelais, Gar. 1, prol. À amasser, je n'y entends rien ; à despendre, je m'y entends un peu, Montaigne, IV, 78. Souffrir les cruautez, non pas d'un camp barbare contre lequel il faudroit despendre son sang et sa vie devant ; mais d'un seul ! Montaigne, IV, 388. Tarquinius à faire les fondemens de ce temple, despendit la somme de quarante mille marcs d'argent, Amyot, Publ. 29. Luther osa respondre à une lettre du roi Henri d'Angleterre, qui le menassoit de dependre sa couronne pour faire perir luy et sa doctrine, D'Aubigné, Hist. 1, 68. Qui promet et point ne tient, ses paroles en vain despend, Génin, Récréations, t. II, p. 248. Qui despend plus qu'il ne gagne, il meurt pauvre et rien ne gagne, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 165. Qui plus despend qu'il n'a vaillant, il fait la corde où il se pend, Leroux de Lincy, ib. Trop tard se repent qui tout despent, Leroux de Lincy, ib.

ÉTYMOLOGIE

Lat. dependĕre, dépenser ; de la préposition de, et penderĕ, payer (voy. PENSION) ; wallon, dispante, dépenser ; provenç. despendre ; catal. despendrer ; espagn. despender ; ital. dispendere. L'historique prouve évidemment que dans la locution à vendre et à dépendre, dépendre veut dire non pas détacher ce qui est pendu, mais dépenser.